Leculte de l'Ăąme chez les Grecs et la croyance Ă  l'immortalitĂ© d'E. Rohde a influencĂ© de maniĂšre dĂ©cisive les Ă©tudes sur la religion grecque et des gĂ©nĂ©rations d'historiens de l'AntiquitĂ© comme ceux des religions. Cette enquĂȘte littĂ©raire, philosophique et historique, au style Ă©lĂ©gant, n'a rien perdu de sa pertinence. Les intuitions d'E. Rohde, la profondeur de la rĂ©flexion L'athĂ©e pourrait se sentir bien seul sur la Terre, quand il regarde les millions de personnes se prosterner Ă  l'annonce de l'Ă©lection d'un nouveau pape, quand il entend en rĂ©plique les reprĂ©sentants d'autres religions proclamer que celles-ci seules dĂ©tiennent la vĂ©ritĂ©. L'islam est de celles qui vont le plus loin en ce sens. Ses textes affirment que ceux qui ne croient pas Ă  leur vĂ©ritĂ© n'ont pas leur place sur cette mĂȘme Terre et mĂ©ritent la mort. Mais qu'est-ce exactement qu'ĂȘtre athĂ©e ? Est-ce ne croire Ă  rien ? L'athĂ©e, dans la dĂ©finition courante du terme, ne croit pas Ă  l'existence d'entitĂ©s extra-matĂ©rielles susceptibles d'interagir avec le monde matĂ©riel, quels que soient les noms par lesquels on les dĂ©signe, dieux, esprits, forces surnaturelles. Il ne dit pas je ne sais pas » comme l'agnostique, mais plus radicalement je suis persuadĂ© que cela n'est pas ». Le nouveau pape François en a surpris plus d'un, mĂȘme parmi les catholiques, en rappelant qu'il fallait croire, non seulement en Dieu, mais au Diable. L'athĂ©e ne refuse pas d'admettre que certains actes relĂšvent de ce que la morale commune considĂšre comme le Bien, et certains autres de ce qu'elle considĂšre comme le Mal. Mais il a depuis longtemps abandonnĂ© cette croyance venue du fond des Ăąges selon laquelle des entitĂ©s rĂ©elles, fussent-elles spirituelles, dieux ou diables, pourraient les incarner. Ceci ne veut pas dire que l'athĂ©e ne croit Ă  rien. Etant gĂ©nĂ©ralement un scientifique, ou de culture scientifique, il admet volontiers la justesse de ce qu'affirment la plupart des anthropologues, selon quoi les humains ne peuvent pas se construire et agir Ă  l'Ă©cart de toute croyance, comme Ă  l'Ă©cart des rituels sociaux par lesquels celles-ci se manifestent. Il s'agit sans doute du produit de contraintes cognitives qui se sont construites dĂšs les premiers millĂ©naires de l'hominisation, qui prĂ©existent peut-ĂȘtre mĂȘme au sein de certaines espĂšces animales. Il serait donc impensable de prĂ©tendre s'en affranchir, Ă  titre individuel ou social. Par contre, un travail critique s'impose. L'athĂ©isme consiste en grande partie Ă  identifier les croyances, conscientes ou inconscientes, dont mĂȘme les athĂ©es peuvent se trouver porteurs. Les analyser de façon philosophique, pour les faire entrer si possible dans la sphĂšre de la rationalitĂ© scientifique, constitue un devoir pour tout athĂ©e. Il ne s'agit pas de croire avec la foi du charbonnier, selon l'expression, mais sue le mode raisonnĂ©, introduit en Europe par le siĂšcle dit des LumiĂšres.. Un tel travail relĂšve en principe de la sociologie, c'est-Ă -dire de l'Ă©tude objective. Mais inĂ©vitablement, il relĂšve aussi de l'introspection. Autrement dit, un athĂ©e conscient de l'ĂȘtre ne peut pas ne pas se demander Ă  quoi il croit lui-mĂȘme, et en quoi d'ailleurs ces croyances sont supĂ©rieures en qualitĂ© Ă  celles dont il constate la prĂ©sence chez les autres humains et qu'il se refuse Ă  partager. Les rĂ©ponses que les athĂ©es donnent Ă  cet examen de conscience », tout au moins dans les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes, sont gĂ©nĂ©ralement connues. Evoquons les principales d'entre elles. Le Je L'athĂ©e croit d'abord en lui-mĂȘme, autrement dit Ă  l'existence d'un Je le personnifiant, lui et ses valeurs, un Je dont il s'efforce de prĂ©server l'existence Ă  travers les vicissitudes de l'existence. Les sciences cognitives considĂšrent pour la plupart que ce Je est une illusion. Mais l'athĂ©e fut-il scientifique, refuse en gĂ©nĂ©ral de les suivre, tout au moins en ce qui le concerne. L'amour L'athĂ©e croit aussi Ă  l'amour, amour d'abord pour telles personnes bien prĂ©cises avec lesquelles il entretient des relations de grande intensitĂ©, Amour ensuite, au delĂ  de ce premier cercle, pour ses proches et pour ceux constituant son environnement social familier. Il est rare et plutĂŽt sain que cet amour s'Ă©tende Ă  l'humanitĂ© toute entiĂšre, bien plus difficile Ă  imaginer, et souvent perçue comme porteuse de menaces. On peut dĂ©finir l'amour comme un attachement trĂšs fort, pouvant dans certains cas extrĂȘmes conduire au sacrifice de son prĂ©cieux Je. Des valeurs transcendantes Au delĂ  d'une possibilitĂ© d'amour pour des personnes physiques, l'athĂ©e croit Ă  des valeurs morales, intellectuelles ou esthĂ©tiques que l'on dira transcendantes, c'est-Ă -dire suffisamment fortes pour donner un sens Ă  son existence toute entiĂšre. Ces valeurs ressemblent dans une certaine mesure aux valeurs religieuses, mais elles portent exclusivement sur des domaines de la vie terrestre. Les plus altruistes concernent la recherche de formes d'organisations sociales et politiques susceptibles d'ĂȘtre amĂ©liorĂ©es par rapport Ă  celles aujourd'hui dominantes. Bien que matĂ©rialistes, au sens philosophique du terme c'est-Ă -dire excluant la possibilitĂ© d'atteindre Ă  un monde extra-temporel ces valeurs sont inspirĂ©es par une quĂȘte spirituelle, du fait qu'elles impliquent la mise en oeuvre des qualitĂ©s les plus Ă©minentes des esprit, fruits des cerveaux et des corps. La connaissance scientifique Parmi ces valeurs, pour les athĂ©es ayant eu la chance d'acquĂ©rir une culture scientifique, se trouve la recherche d'une connaissance toujours plus complĂšte du monde. DĂ©finissons celle-ci comme la capacitĂ© de construire des reprĂ©sentations ou modĂšles de l'univers qui d'une part aient une portĂ©e intersubjective partageable par des communautĂ©s de chercheurs et qui d'autre part rĂ©sistent Ă  l'Ă©preuve de l'expĂ©rience. Ces deux propriĂ©tĂ©s suffiront pour leur confĂ©rer une valeur de vĂ©ritĂ©, vĂ©ritĂ© non pas en soi, absolue et indiscutable, mais vĂ©ritĂ© toujours relative, vĂ©ritĂ© par consĂ©quent toujours Ă©volutive, en fonction de l'avancement des instruments et des contenus cĂ©rĂ©braux. Le point par lequel cette conception de la recherche scientifique diffĂšre profondĂ©ment d'une croyance religieuse est que l'athĂ©e en gĂ©nĂ©ral ne lui fixe pas de limites a priori. Autrement dit il croit que de telles recherches peuvent en principe aboutir Ă  des descriptions toujours plus Ă©tendues de l'univers, d'une part, Ă  des constructions toujours plus renouvelĂ©es et plus ambitieuses de modĂšles d'univers, d'autre part. Ces modĂšles seront constituĂ©es de composantes physiques et biologico-anthropologiques de plus en plus intriquĂ©es. C'est ainsi que l'athĂ©e de formation scientifique n'exclut pas la possibilitĂ© de dĂ©couvrir Ă  terme, dans la galaxie ou au-delĂ , des formes de vie et de conscience encore inconnues. On voit que ces croyances, ancrĂ©es solidement dans le travail de la science, sont autrement plus exaltantes que celles imposĂ©es par les religions, notamment celles dites du Livre. Pour elles, tout a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dit par des Ecritures inspirĂ©es d'une relation avec ce qu'elles appellent Dieu. S'en Ă©loigner relĂšve du sacrilĂšge ou pire de la profanation, pouvant mĂ©riter la mort. L'athĂ©e n'envie pas aux croyants de ces religions les certitudes morales qu'ils en tirent, d'autant plus qu'elles s'accompagnent de la peur incessante du blasphĂšme.
LesfunĂ©railles. L’Eglise propose un chemin de Foi aux familles qui souhaitent des funĂ©railles catholiques.Le prĂȘtre rencontre d’abord la famille, et avec elle Ă©voque le dĂ©funt. Le dĂ©roulement de la cĂ©lĂ©bration n’est abordĂ© que dans un second temps.GĂ©nĂ©ralement, les fidĂšles empruntent un chemin qui suit 4 Ă©tapes.
Laurent Cournarie 2017 Au sens strict ou en droit du moins pour la philosophie, la question de Dieu et la question de la religion sont distinctes. Une religion sans dieu est possible — comme une religion de l’humanitĂ©, de l’histoire, par transfert de l’absolu sur un objet autre que Dieu ; inversement Dieu n’implique pas la religion — c’est une idĂ©e ou une hypothĂšse que la philosophie peut examiner en elle-mĂȘme, en dehors de toute religion. La preuve de l’existence de Dieu est une question mĂ©taphysique et non pas religieuse par dĂ©finition l’existence de Dieu est admise par toute religion[1]. Dieu est une idĂ©e la religion une institution. La religion est le culte rendu Ă  Dieu, non Dieu mĂȘme. La religion impossible sans l’hypothĂšse de Dieu Pour autant, on ne peut dissocier complĂštement ou dĂ©finitivement les deux questions. Peut-on imaginer un monde sans religion ? Ce monde possible serait-il meilleur ? On pourrait dire que ce monde-lĂ  ferait prĂ©cisĂ©ment monde, parce que les religions n’opposeraient pas les hommes. Tous les hommes sans religion seraient citoyens du mĂȘme monde, peut-ĂȘtre moins mauvais ou moins violent. R. Dawkins dans Pour en finir avec Dieu Ă©crit en introduction Imaginez, avec John Lennon, un monde sans religion. Pas d’attentats suicides, pas de 11 septembre
 pas de croisades 
 pas de guerres israĂ©lo-palestiniennes 
 pas de talibans pour dynamiter les statues anciennes
 » p. 12. Et la liste pourrait s’allonger Ă  l’infini en s’enfonçant dans le passĂ©. Toutes les religions prĂŽnent la paix, mais aucune ne s’est privĂ©e de faire la guerre. Peut-ĂȘtre toute guerre religieuse est-elle en rĂ©alitĂ© politique, ce qui disculpe la religion. Tout est politique, la religion est un prĂ©texte il faudrait parler d’un politico-thĂ©ologique. Mais l’hypothĂšse inverse thĂ©ologico-politique n’est pas moins plausible En Irlande du Nord, on utilise les euphĂ©mismes de “nationalistes“ et “loyalistes“ pour dĂ©signer respectivement les catholiques et les protestants. Le mot mĂȘme de “religion“ est expurgĂ© en “communautĂ©â€œ comme dans “luttes intercommunautaires“. A la suite de l’invasion anglo-amrĂ©icaine de l’Irak en 2003, ce pays a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en une guerre civile oĂč s’affrontent les musulmans sunnistes et shiites c’est un conflit religieux Ă  l’évidence. Pourtant dans l’Independent du 20 mai 2006, le gros titre Ă  la une et le premier article de fond le prĂ©sentait comme un “nettoyage ethnique“ » Dawkins, ibid., p. 34 — ce qui souligne peut-ĂȘtre l’insuffisance de toute lecture exclusivement gĂ©o-politique des conflits religieux les puissances occidentales ont dĂ©stabilisĂ© la rĂ©gion du Moyen Orient mais n’ont pas engendrĂ© le conflit entre le sunnisme et le chiisme qui a pour objet depuis la mort de Mahomet la succession lĂ©gitime du prophĂšte entre les compagnons et les membres du clan. La religion est politique en soi mĂȘme quand elle le nie si elle consiste Ă  “relier“ les normes sociales Ă  un fondement transcendant politique hĂ©tĂ©ronome — tandis qu’en aval les hommes sont en lutte pour s’approprier le pouvoir suprĂȘme d’énoncer ce qu’est la religion. Mais quand bien mĂȘme la religion serait toujours “instrumentalisĂ©e” comme on dit pour justifier la guerre — qui a toujours des motifs politiques — cela ne serait pas plus Ă  son avantage. Car, c’est la cause de Dieu qui envenime toutes les relations humaines, exacerbe les passions, dresse les groupes entre eux et conduit les hommes aux pires exactions. “Dieu, que d’atrocitĂ©s n’a-t-on pas commis en ton nom”. Hommes, femmes, enfants, empalĂ©s, embrochĂ©s, dĂ©capitĂ©s, amputĂ©s, crucifiĂ©s, brĂ»lĂ©s, Ă©gorgĂ©s, Ă©viscĂ©rĂ©s, Ă©crasĂ©s 
 Les CroisĂ©s ont cĂ©lĂ©brĂ© la prise de JĂ©rusalem en massacrant les Musulmans et les Juifs. Les Juifs ont tuĂ© tous les hommes, les femmes, les enfants et les animaux de JĂ©richo sur ordre de Dieu DeutĂ©ronome 621. Les chrĂ©tiens se sont entretuĂ©s au nom du Christ. Montaigne jugeait moins barbares les cannibales du BrĂ©sil qu’il avait rencontrĂ©s Ă  Rouen en 1562 que ses contemporains capables, en proie aux guerres de religion, de faire exploser le ventre des femmes enceintes en bourrant le vagin de poudre Ă  canon. MĂȘmes les pacifiques bouddhistes Ă  l’occasion ont su manier le sabre tandis que les hindous ont commis des abominations au cours de la partition de l’Inde et du Pakistan en 1947. La croyance produit une fidĂ©litĂ© communautaire Ă  toute Ă©preuve qui libĂšre aveuglĂ©ment l’agressivitĂ© dĂ©sormais sacralisĂ©e. Face Ă  ces tourments, ces lamentations, ces larmes et ces cris de douleur et d’horreur qui montent depuis la nuit des temps, il faut se rappeler LucrĂšce. Ce n’est pas la doctrine d’Epicure condamnant la superstition qui est impie mais la religion condamnant l’éthique Ă©picurienne Quod contra saepius illa religio peperit scelorosa atque impia facta. 
 Tantum religio potuit suadere malorum ! » De la nature des choses, I, 82-83, 101. AprĂšs l’éloge de son maĂźtre qui a sauvĂ© l’humanitĂ© Ă©crasĂ©e sous le poids de la religion , en contre-point LucrĂšce dĂ©crit le sacrifice d’IphigĂ©nie. Au XXĂš siĂšcle, Bergson Ă©crira encore Le spectacle de ce que furent les religions, de ce que certaines sont encore, est bien humiliant pour l’intelligence humaine. Quel tissu d’aberrations ! L’expĂ©rience a beau dire c’est faux » et le raisonnement c’est absurde », l’humanitĂ© ne s’en cramponne que davantage Ă  l’absurditĂ© et Ă  l’erreur. Encore si elle s’en tenait lĂ  ! Mais on a vu la religion prescrire l’immoralitĂ©, imposer des crimes. Plus elle est grossiĂšre, plus elle tient matĂ©riellement de place dans la vie d’un peuple. Ce qu’elle devra partager plus tard avec la science, l’art, la philosophie, elle l’obtient d’abord pour elle seule. Il y a lĂ  de quoi surprendre quand on a commencĂ© par dĂ©finir l’homme comme un ĂȘtre intelligent. Notre Ă©tonnement grandit, quand nous voyons que la superstition la plus basse a Ă©tĂ© pendant si longtemps un fait universel. Elle subsiste d’ailleurs encore. On trouve dans le passĂ©, on trouverait mĂȘme aujourd’hui, des sociĂ©tĂ©s qui n’ont ni science, ni art, ni philosophie. Mais il n’y a jamais eu de sociĂ©tĂ© sans religion. Quelle ne devrait pas ĂȘtre notre confusion, maintenant, si nous nous comparons Ă  l’animal sur ce point ! TrĂšs probablement l’animal ignore la superstition. Nous ne savons guĂšre ce qui se passe dans des consciences autre que la nĂŽtre; mais comme les Ă©tats religieux se traduisent d’ordinaire par des attitudes et par des actes, nous serions bien avertis par quelque signe si l’animal Ă©tait capable de religiositĂ©. Force nous est donc d’en prendre notre parti. L’homo sapiens, seul ĂȘtre douĂ© de raison, est le seul aussi qui puisse suspendre son existence Ă  des choses dĂ©raisonnables. » Les deux sources de la morale et de la religion, 1932 Sans Dieu, sans l’attachement des nations Ă  leur Dieu dieu de la tribu, du clan, du peuple Ă©lu
, la violence aurait-elle Ă©tĂ© si impitoyable et si constante ? Quelques que soient les dieux ou le dieu, quelques soient les sociĂ©tĂ©s ou les Ăąges, les religions ont justifiĂ© tous les crimes il suffit de dĂ©clarer un acte sacrilĂšge, un homme impie, pour dĂ©chaĂźner contre lui une cruautĂ© est sans limite. Donc c’est la croyance en Dieu Ă  la fois qui fait l’autoritĂ© et la pĂ©rennitĂ© des religions dans l’histoire et qui, au moins, avive les conflits entre les hommes. Dieu n’est peut-ĂȘtre pas l’objet de la religion c’est seulement le culte rendu Ă  Dieu — c’est pourquoi la religion est dĂ©finie par Thomas d’Aquin comme la vertu annexe de la justice mais sans l’hypothĂšse que Dieu existe, la religion serait elle-mĂȘme sans objet. Donc si l’on parvient Ă  prouver l’inexistence de Dieu, on prouve la vanitĂ© de la religion et on rend possible une humanitĂ© sans religion. Autrement dit, Dieu n’est pas la religion, mais il n’y a pas de religion sans la croyance en Dieu — puisque Dieu est le nom de l’absolu dont la religion assume jalousement la position exclusive. Donc trois choses sont indissociables la religion, la croyance, l’existence de Dieu. Or en liant religion-croyance-Dieu, on soulĂšve au moins trois questions essentielles 1 Quel type de croyance est la foi religieuse ? 2 Peut-on dĂ©montrer l’existence ou l’inexistence de Dieu ? 3 Sans la croyance en Dieu tout est-il permis ou, Ă  l’inverse, tout n’est-il pas permis au nom de Dieu ? Et toutes ces questions interrogent d’une maniĂšre ou d’une autre la rationalitĂ© de la religion ou de la croyance religieuse. 1’ Si l’existence de Dieu est accessible Ă  la raison, la croyance religieuse n’est pas irrationnelle dans son principe mais seulement dans ses formes. Une foi qui se prĂ©tend universelle la religion monothĂ©iste au moins ne peut prĂ©tendre rompre avec la raison humaine. Si Dieu est Dieu, il n’est pas trompeur, et la raison est aussi un don divin Ă  sa plus parfaite la crĂ©ature l’homme ne possĂšde pas la raison en vain. Seulement quelle confiance une religion est-elle prĂȘte Ă  accorder Ă  la raison et Ă  la connaissance humaine optimisme de la conciliation comme dans le catholicisme, hormis le jansĂ©nisme ou pessimisme de la scission comme dans le protestantisme ? Anselme dĂ©finit prĂ©cisĂ©ment la thĂ©ologie comme fides quaerens intellectum » — la foi cherchant sa comprĂ©hension. La foi est en demande de raison, donc ne peut la rĂ©pugner. De fait, le dogme suppose le travail analytique de la raison. Mais Ă©videmment, la raison est en thĂ©ologie subordonnĂ©e Ă  la foi et Ă  son service. La foi en Dieu prĂ©cĂšde la raison, qui ne fait pas croire mais peut seulement Ă©clairer ce qui est cru. La foi est premiĂšre, la raison seconde. La philosophie est la servante ancilla de la thĂ©ologie ou de la doctrine sacrĂ©e. 2’ Si la raison ne peut prouver l’existence de Dieu, alors la foi est la seule maniĂšre de poser la certitude de son existence. La foi est sans rival alors mĂȘme que cette postulation de l’existence de Dieu par la foi excĂšde par dĂ©finition le pouvoir de la raison ce qu’on appelle le fidĂ©isme. Mais si l’existence de Dieu est indĂ©montrable, l’hypothĂšse de l’existence de Dieu est-elle pour autant Ă©quiprobable avec celle de son inexistence ? Autrement dit, quelle est l’attitude la plus rationnelle la croyance, l’agnosticisme ou l’athĂ©isme ? 3’ Est-il raisonnable de poser comme alternative Dieu ou le chaos moral cf. P. Clavier ou, Ă  l’inverse, l’inexistence de Dieu donc la guerre ? UniversalitĂ© de la croyance Ouvrons le vaste dĂ©bat entre croyance, foi, raison, ou plus simplement entre foi et savoir. L’opposition de la foi et du savoir est un lieu commun au moins depuis l’AufklĂ€rung. Pourtant, il y a une maniĂšre d’aplanir le “scandale“ de la religion ou de la foi religieuse c’est de souligner l’empire de la croyance dans la connaissance en gĂ©nĂ©ral. Et si la foi est irrationnelle, cela n’invalide pas la fois car il y a quantitĂ© de choses que les hommes sont amenĂ©s Ă  croire, et mĂȘme qu’ils ne peuvent pas ne pas croire l’irrationalitĂ© de la foi en Dieu n’est pas un argument contre la religion si la croyance est un phĂ©nomĂšne normal, irrĂ©ductible et donc raisonnable. Or elle la croyance l’est. Donc la foi religieuse est raisonnable. On est souvent amenĂ© Ă  opposer le savoir et la foi comme on oppose la raison et la foi. Mais le rapport savoir/foi est-il Ă©quivalent au rapport raison/foi ? Un savoir de la foi, irrĂ©ductible au savoir de la raison, n’est-il pas envisageable ? La prĂ©tention de la foi n’est-elle pas de soustraire Ă  la raison l’exclusivitĂ© du savoir ? On peut ainsi se demander si le choix entre le savoir et la croyance auquel la raison soumet l’examen de la religion est vraiment sensĂ©. Une vie sans savoir ou sans croyance est-elle seulement possible ? Exclure le savoir ou la croyance n’est-ce pas rendre Ă  chaque fois la vie invivable ? La vie est plutĂŽt la rĂ©futation de cette alternative. C’est un non-sens de demander d’abandonner ou le savoir ou la croyance. La vie humaine, dans toutes ses dimensions personnelle, sociale
 s’appuie sur des connaissances et sur des croyances. Je sais que l’eau bouillante brĂ»le la peau, je crois que mon ami est fidĂšle. Le savoir et la croyance circulent sans arrĂȘt dans la vie. Mais alors qu’est-ce qui justifie d’opposer le savoir et la croyance si la vie les associe de fait ? Descartes peut nous aider Ă  rĂ©pondre Ă  cette question. Il est le philosophe qui a soumis Ă  un doute mĂ©thodique, radical et hyperbolique, tout ce qu’il avait jusque-lĂ  reçu en sa crĂ©ance ». Il faut comprendre prĂ©cisĂ©ment que Descartes entend faire commencer le savoir absolument, cĂ d poser la diffĂ©rence entre l’ordre de la connaissance et l’ordre de la vie. Si la vie tolĂšre le mĂ©lange entre le savoir et la croyance, si dans la vie tout ce que je crois je le sais vraisemblablement, tout ce que je sais je le crois Ă  un certain degrĂ©, la connaissance exige un fondement certain. Or ce fondement le cogito ne peut ĂȘtre conçu et atteint si la connaissance ne commence par par rompre avec la vĂ©ritĂ© donnĂ©e dans la vie, sous le rĂ©gime mixte du savoir et de la croyance. Autrement dit, c’est le savoir qui pose ou qui peut poser comme exigence pour sa constitution la mise Ă  distance de la croyance. Il y a ainsi une antinomie et mĂȘme un rapport polĂ©mique entre savoir et croyance Savoir = non croyance Croyance = non savoir. Pour instituer le savoir, il faut abolir la croyance — et de fait, la connaissance libre de la vĂ©ritĂ©, la recherche scientifique a toujours eu Ă  combattre les prĂ©jugĂ©s religieux et le pouvoir des Ă©glises. Non seulement la vĂ©ritĂ© est toujours une erreur corrigĂ©e mais le savoir est toujours une croyance surmontĂ©e. Savoir c’est ne plus croire. La preuve du savoir, c’est l’abolition de la croyance. Davantage, le savoir ne fait-il que rĂ©pondre Ă  une situation oĂč la religion fait obstacle Ă  la libre dĂ©marche de la raison, opposant la vĂ©ritĂ© intangible de ses dogmes, l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de la morale, aux risques d’athĂ©isme que la quĂȘte libre de la vĂ©ritĂ© par la science fait courir. Le libre savoir c’est la libre pensĂ©e et la libre pensĂ©e c’est la porte ouverte Ă  l’athĂ©isme et l’athĂ©isme ruine l’autoritĂ© de l’église sur les hommes. Ainsi dans l’opposition entre le savoir et la croyance, il y a Mais l’antinomie foi/savoir n’est-elle pas en elle-mĂȘme trop abstraite ou trop gĂ©nĂ©rale ? Y a-t-il quelque chose comme le savoir et la croyance, un savoir qui ne serait que savoir et une croyance que croyance ? Ne faut-il pas distinguer plusieurs sortes de savoir et de croyance, et donc des degrĂ©s de rationalitĂ© ? Croire consiste Ă  avoir la certitude plus ou moins grande qu’une chose est vraie. La croyance est une conviction intime qui, sans ĂȘtre tout Ă  faire rationnelle, s’appuie sur des motifs. Il est facile de distinguer trois formes de croyance par la grammaire du verbe “croire“ croire que ; croire Ă  croire en. Ainsi la croyance peut-ĂȘtre synonyme d’opinion, de foi, de confiance. Mais chaque expression de la croyance est-elle mĂȘme susceptible de plusieurs modalitĂ©s ou de plusieurs degrĂ©s. Croire qu’il fera froid cet hiver, qu’il y a des habitants sur des hexoplanĂštes
 Croire aux miracles, au PĂ©re NoĂ«l, au Paradis
 Croire dans l’avenir, croire dans mon ami, croire en Dieu
 Mais cette grammaire du verbe croire ne dit peut-ĂȘtre pas l’essentiel sur la croyance. En effet il est toujours possible, Ă  certaines conditions ou dans certaines limites, de reformuler une espĂšce grammaticale de la croyance dans une autre croire qu’il fera froid cet hiver = croire Ă  une hiver froid / croire au PĂšre NoĂ«l = croire que le PĂšre NoĂ«l existe / croire dans mon ami = croire que mon ami est fidĂšle = croire Ă  la fidĂ©litĂ© de mon ami. En revanche, ce qui est commun aux trois formes de croyance et aux diffĂ©rentes façons grammaticales de les exprimer, c’est que, comme l’explique Kant dans la “MĂ©thodologie transcendantale“ de la Critique de la raison pure “De l’opinion, de la foi et du savoir“, la croyance est une forme de savoir parce qu’elle est toujours un “tenir-pour-vrai“ FĂŒrwahrhalten. Celui qui croit, tient pour vrai ce Ă /dans quoi qu’il croit. Il est contradictoire de dire je crois que P et je crois que P n’est pas vrai. Mais le “tenir-pour vrai“ assentiment de la croyance peut se prĂ©senter selon trois degrĂ©s diffĂ©rents 1 je peux tenir une chose pour vraie en ayant conscience que cette certitude est insuffisante Ă  la fois pour moi et pour autrui — on a alors affaire Ă  une opinion Meinen. Je crois = je pense que, c’est mon opinion que
 Ici c’est l’acte subjectif seul de croire qui justifie la vĂ©ritĂ© parce que je crois que p, p est vrai, mais j’ai conscience qu’un autre que moi, ou que moi dans une autre situation pourrait penser autrement p non vrai. Cette certitude est donc tout Ă  fait insuffisante. 2 je peux tenir une chose pour vraie, en ayant conscience que ma certitude vaut pour moi et pour tout autre que moi — on alors affaire Ă  un savoir Wissen. Je crois que p = je sais que p. Donc je crois p parce que p est vrai, ou du moins qu’il y a des preuves universelles et nĂ©cessaires de p p = V, comprĂ©hensibles acceptables par tous. Ainsi quand Dom Juan dit je crois que 2 et 2 sont 4 », il faut entendre, mĂȘme s’il joue sur les mots pour dĂ©jouer l’interrogatoire de Sganarelle et opposer en libertin la science Ă  la religion “je sais“ que 2 et 2 sont 4. Cette vĂ©ritĂ© est dĂ©montrable — et Leibniz considĂšre mĂȘme que le progrĂšs de la science se fait aussi par la dĂ©monstration des vĂ©ritĂ©s Ă©videntes en les ramenant Ă  des identitĂ©s par dĂ©finitions et axiomes Ce n’est pas une vĂ©ritĂ© tout Ă  fait immĂ©diate que deux et deux sont quatre, supposĂ© que quatre signifie trois et un. On peut donc la dĂ©montrer, et voici comment DĂ©finitions I Deux est un et un. 2 Trois est deux et un. 3 Quatre est trois et un. Axiome. Mettant des choses Ă©gales Ă  la place, l’égalitĂ© demeure. DĂ©monstration 2 et 2 est 2 et 1 et 1 par la dĂ©f. I
.
. 2 + 2 2 et 1 et 1 est 3 et 1 par la dĂ©f. 2


. 2 + 1 + 1 3 et 1 est 4 par la dĂ©f. 3 





 3 + 1 4 Donc par l’axiome 2 et 2 est 4. Ce qu’il fallait dĂ©montrer. » Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain posthume, 1765, Livre IV De la connaissance, chapitre VII Des propositions qu’on nomme maximes ou axiomes, § 10, GF Flammarion, p. 364. Ainsi je sais que 2 et 2 sont 4 d’un savoir certain puisqu’il est dĂ©monstratif. Mais Ă©videmment tout le problĂšme est de savoir si cette rĂ©duction Ă  l’identique n’est pas un cas particulier et finalement exceptionnel de vĂ©ritĂ© oĂč l’assentiment se dĂ©duit de preuves nĂ©cessaires-universelles, au-delĂ  duquel s’étend un savoir plus incertain. La vĂ©ritĂ© dĂ©monstrative est une Ăźle trĂšs bornĂ©e perdue au milieu de l’ocĂ©an de la croyance. 3 Je peux enfin tenir une chose pour vraie avec la conscience que la certitude vaut pour moi, qu’elle peut valoir pour autrui, mais sans nĂ©cessitĂ©. Alors on a affaire Ă  la foi Glauben. La foi n’a ni la faiblesse de l’opinion conscience de l’insuffisance subjective et objective, ni la force du savoir conscience de la suffisance subjective et objective, mais elle combine la suffisance subjective et l’insuffisance objective. En rĂ©sumĂ© Je sais p si p est vrai et si j’ai des raisons de croire que p. Mais les raisons de croire que p sont Suffisantes objectivement et donc subjectivement = je sais p sous la forme de la science ; Suffisantes subjectivement mais insuffisantes objectivement = je “sais” p sous la forme de la foi ; Insuffisantes subjectivement et objectivement = je “sais” p sous la forme de l’opinion. Ce qui ressort de cette typologie, c’est que 1/ la foi n’est pas identique Ă  la croyance, puisque que la science et l’opinion sont des degrĂ©s de croyance objectivement-subjectivement suffisante pour la science/objectivement-subjectivement insuffisante pour l’opinion ; 2/ le savoir ne peut abolir la croyance en gĂ©nĂ©ral puisque la croyance comme assentiment constitue toute connaissance je sais que p = je crois que p est vrai. Mais peut-ĂȘtre les choses sont-elles ici faussement claires. 1 Ce qui est objet d’opinion et de foi peut-il objet de savoir science ? 2 Le savoir de la science est-il strictement rationnel ? 3 Faut-il faire une place Ă  la foi Ă  cĂŽtĂ© du savoir science ? — Kant dit dans la 2Ăšme prĂ©face de la Critique de la raison pure qu’il a dĂ» limiter le savoir pour permettre la croyance. Les traductions françaises sont lĂ©gĂšrement divergentes J’ai donc dĂ» supprimer le savoir pour lui substituer la croyance » Barni ; Je dus donc abolir le savoir afin d’obtenir une place pour la croyance » Tremesaygues et Pacaud ; »Il me fallait donc mettre de cĂŽtĂ© le savoir afin d’obtenir de la place pour la croyance » Renaut. Pour Kant, il s’agit de reconnaĂźtre un espace de lĂ©gitimitĂ© Ă  la foi, de la prĂ©server indirectement contre la critique du dogmatisme dont l’orgueil connaĂźtre par raison pure l’en soi suscite le scepticisme et avec lui l’agnosticisme et l’athĂ©isme. La foi est une disposition irrĂ©ductible de la raison, Ă  cĂŽtĂ© de la science — c’est pourquoi le kantisme n’est pas un positivisme. L’opinion semble n’opposer aucune difficultĂ© au savoir tout se passe comme si le savoir pouvait se substituer Ă  l’opinion ou la rĂ©futer en la renvoyant Ă  l’ignorance l’hypothĂšse de la vie intelligente ailleurs dans l’univers peut un jour cesser d’ĂȘtre une opinion pour devenir une thĂšse objective il y a ou il n’y a pas de vie intelligente extra-terrestre validĂ©e par la science. Mais la foi n’est pas l’opinion. Ses vĂ©ritĂ©s sont-elles susceptibles d’ĂȘtre transformĂ©es en vĂ©ritĂ© de raison ? C’est ici que les liens entre religion-croyance-Dieu s’imposent dans toute leur complexitĂ©. Les vĂ©ritĂ©s de foi Il y a des vĂ©ritĂ©s de foi dĂ©montrables par la raison — par exemple l’existence de Dieu. Admettons que la raison puisse dĂ©montrer l’existence de Dieu. Dans cette hypothĂšse, la religion en ressort confortĂ©e, sinon dans son contenu, du moins dans sa possibilitĂ© la religion n’est pas a priori irrationnelle. Mais de telles vĂ©ritĂ©s de foi accessibles Ă  la raison sont des vĂ©ritĂ©s de foi mixtes. Sont rigoureusement des vĂ©ritĂ©s de foi ou des vĂ©ritĂ©s religieuses celles que seule la foi permet de saisir. Or ces vĂ©ritĂ©s de foi sont nĂ©cessairement des vĂ©ritĂ©s rĂ©vĂ©lĂ©es. En effet qu’est-ce qu’une vĂ©ritĂ© de foi ? C’est 1 une vĂ©ritĂ© qu’il faut croire un dogme ; 2 une proposition qui n’est vraie que si elle est crue ; 3 et qui n’est crue fermement que parce qu’elle est divinement rĂ©vĂ©lĂ©e. Par exemple, soit l’énoncĂ© “le Christ est le fils de Dieu“. C’est une vĂ©ritĂ© pour le chrĂ©tien, cĂ d une vĂ©ritĂ© de foi. On peut l’analyser en S croit que p le Christ est le fils de Dieu. S croit que q c’est le Christ qui a rĂ©vĂ©lĂ© qu’il est le fils de Dieu S croit que r qu’il est possible que la vĂ©ritĂ© soit rĂ©vĂ©lĂ©e par Dieu, ici par la mĂ©diation de la personne du Christ. On voit ainsi que la derniĂšre proposition est le fondement de deux autres. On peut mĂȘme dire que la croyance dans la possibilitĂ© d’une rĂ©vĂ©lation divine de la vĂ©ritĂ© est le fondement de toute vĂ©ritĂ© de foi. DĂšs lors, le problĂšme est bien de savoir s’il est raisonnable d’admettre que la vĂ©ritĂ© est rĂ©vĂ©lable. Ensuite on peut se demander si admettre la possibilitĂ© que la connaissance de la vĂ©ritĂ© puisse reposer sur une rĂ©vĂ©lation divine, ne rend pas possible des croyances contradictoires. De fait, Ă  partir de la mĂȘme croyance de base Dieu existe, au moins religions diffĂ©rentes sont possibles Je crois en Dieu en un Dieu unique, donc le judaĂŻsme, ou le christianisme, ou l’islam. Prenons l’exemple du Symbole des ApĂŽtres Je crois en Dieu, le PĂšre tout-puissant, CrĂ©ateur du ciel et de la terre. Et en JĂ©sus Christ, son Fils unique, notre Seigneur ; qui a Ă©tĂ© conçu du Saint Esprit, est nĂ© de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a Ă©tĂ© crucifiĂ©, est mort et a Ă©tĂ© enseveli, est descendu aux enfers ; le troisiĂšme jour est ressuscitĂ© des morts, est montĂ© aux cieux, est assis Ă  la droite de Dieu le PĂšre tout-puissant, d’oĂč il viendra juger les vivants et les morts. Je crois en l’Esprit Saint, Ă  la sainte Église catholique, Ă  la communion des saints, Ă  la rĂ©mission des pĂ©chĂ©s, Ă  la rĂ©surrection de la chair, Ă  la vie Ă©ternelle. » Cette profession de la foi chrĂ©tienne contient tout ce que le chrĂ©tien croit et doit croire s’il se dit chrĂ©tien, cĂ d les vĂ©ritĂ©s fondamentales de la foi chrĂ©tienne dogmatique[2]. Comment se prĂ©sentent ces vĂ©ritĂ©s de foi ? Elles ne sont pas exposĂ©es sans ordre elles partent de l’essentiel croire en Dieu, et vont de Dieu Ă  l’église et, pour Dieu, de son existence, Ă  son essence, Ă  son opĂ©ration, Ă  ses personnes. Mais si ces vĂ©ritĂ©s suivent un certain ordre, peut-on dire qu’elles sont logiquement liĂ©es ? Le chrĂ©tien croit en Dieu p ; et il croit en Dieu comme PĂšre tout-puissant q
 Mais on ne peut poser si Cp alors Cq, puisque peut la croyance en Dieu n’implique pas la reprĂ©sentation de Dieu tout puissant sous l’attribut de la paternitĂ© islam. En fait le Credo contient au moins 19 “je crois“ Je crois en Dieu ; Je crois en Dieu comme PĂšre tout-puissant ; Je crois en Dieu comme crĂ©ateur ; Je crois en JĂ©sus fils de Dieu
 Je crois p, et je crois q, et je crois r, et je crois s
 et non pas je crois p –> q –> r –> s
 Ce qui fait le lien entre toutes les vĂ©ritĂ©s de foi contenues dans le Credo est prĂ©cisĂ©ment un acte de foi dont on peut penser qu’il est Ă  chaque fois sĂ©parĂ©. C’est pourquoi on pourrait parler d’un atomisme logique de la foi C p et C q et C r et C s
 Mais en rĂ©alitĂ©, c’est bien une seule et mĂȘme foi qui justifie chacune des vĂ©ritĂ©s religieuses et les relie entre elles la foi dans la vĂ©racitĂ© des Evangiles, cĂ d la foi dans la possibilitĂ© que la vĂ©ritĂ© puisse ĂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©e par Dieu aux hommes. Le fondement des vĂ©ritĂ©s de foi c’est la foi dans la possibilitĂ© d’une rĂ©vĂ©lation de la vĂ©ritĂ©. Si l’on admet cette prĂ©misse, alors on est entrĂ© dans le cercle de la foi ou de la religion. Mais avec le cercle de la foi, c’est aussi le cercle de la superstition qui s’est refermĂ© sur la religion. Car dĂšs lors que la vĂ©ritĂ© est rĂ©vĂ©lable par Dieu, tout est croyable, ou il n’y a rien d’incroyable qui ne puisse ĂȘtre tenu pour vrai. C’est pourquoi finalement la question de la rationalitĂ© de la religion notamment pour distinguer une religion raisonnable d’une religion absurde, la religion de la superstition doit ĂȘtre ramenĂ©e Ă  cette question simple est-il raisonnable d’admettre la “rĂ©vĂ©labilitĂ©â€œ de la vĂ©ritĂ© ? La foi est source d’un autre type de vĂ©ritĂ© que la vĂ©ritĂ© de fait expĂ©rience ou que la vĂ©ritĂ© de raisonnement dĂ©monstration qui sont les deux modĂšles scientifiques de la vĂ©ritĂ©. Mais la vĂ©ritĂ© de la vĂ©ritĂ© de foi dĂ©pend de la foi comme croyance dans la possibilitĂ© d’une rĂ©vĂ©lation de la vĂ©ritĂ©. Tel est le cercle de la foi ou le fondement de la vĂ©ritĂ© dans l’auto-fondation de la foi. Dieu n’est le fondement de la foi que pour autant qu’il rĂ©pond Ă  la condition de pouvoir croire Ă  une vĂ©ritĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e. Selon cette hypothĂšse, il y a bien deux domaines hĂ©tĂ©rogĂšnes le savoir ou la raison d’un cĂŽtĂ©, la foi de l’autre. LĂ  oĂč la religion revendique un rĂ©gime spĂ©cifique de vĂ©ritĂ© les vĂ©ritĂ©s de foi, la raison refuse Ă  celles-ci le statut de vĂ©ritĂ©s parce qu’elles supposent le saut dans le cercle de la foi — pour elle donc le domaine des vĂ©ritĂ©s Ă©noncĂ©s ou testables ou dĂ©montrables se tient prĂ©cisĂ©ment Ă  l’extĂ©rieur de ce cercle. On peut sans doute attĂ©nuer le dualisme par plusieurs arguments en montrant que toutes les vĂ©ritĂ©s de foi ne sont pas du mĂȘme ordre, qu’il y a des degrĂ©s de rationalitĂ© ou de raisonnabilitĂ© entre les vĂ©ritĂ©s de foi. Par exemple + raisonnable– raisonnable Dieu existeDieu est PĂšreJĂ©sus est nĂ© de MarieJĂ©sus est nĂ© de la Vierge MarieJĂ©sus a Ă©tĂ© condamnĂ© sous Ponce-PilateJĂ©sus est ressuscitĂ©JĂ©sus est mort crucifiĂ©RĂ©surrection du corpsvie Ă©ternelleRĂ©mission des pĂ©chĂ©s SaintetĂ© de l’église
Communion des saints
 Selon le mĂȘme principe on pourrait comparer les religions entre elles — mais il est probable que toutes les religions se valent parce que le nombre de vĂ©ritĂ©s de foi irrationnelles en soi ou prises sĂ©parĂ©ment serait toujours supĂ©rieure au nombre des vĂ©ritĂ©s plus raisonnables. La liste des vĂ©ritĂ©s de foi les moins raisonnables paraĂźt toujours plus longue. Il suffirait par exemple de se concentrer sur les miracles *, si nombreux dans le judaĂŻsme et dans le christianisme aucun dans l’islam, pour s’en convaincre. La religion s’adresse Ă  l’imagination pour faire croire Ă  sa vĂ©ritĂ© — mais c’est prĂ©cisĂ©ment cet appel Ă  l’imagination qui est suspect et la croyance au miracle qui passe pour le comble de la croyance irrationnelle. On sait que l’argument du miracle est un argument puissant, voire dĂ©cisif pour prouver la vĂ©ritĂ© de la religion et mĂȘme d’une religion sur les autres cf. Pascal. La croyance au miracle est, pour ainsi dire, le miracle de la croyance. Mais si croire, c’est croire au miracle, croire au miracle dont l’expression est devenue populaire c’est tenir pour vrai ce qui passe tous les critĂšres de rationalitĂ© constance des lois de la nature. Sans remonter aux exemples bibliques, citons par exemple le cas de la vision de masse en 1917 Ă  Fatima oĂč pĂšlerins rapportent que le soleil s’est dĂ©tachĂ© du ciel. Comment expliquer cette vision ? Par une hallucination collective. Mais comment admettre que ce phĂ©nomĂšne ait pu ĂȘtre observĂ© Ă  Fatima sans qu’il ait Ă©tĂ© enregistrĂ© ailleurs ? Il est plus improbable de croire que la Terre a Ă©tĂ© arrachĂ©e Ă  son orbite sans que personne ailleurs ne le remarque, entraĂźnant la destruction du systĂšme solaire, que de croire Ă  une hallucination collective Ă  Fatima. Aussi la critique du miracle a-t-elle divisĂ© et occupĂ© de nombreux philosophes notamment Hume[3] pour ĂȘtre raisonnable, la religion doit ĂȘtre expurgĂ©e de la croyance au miracle. RationalitĂ© de la croyance religieuse contenu propositionnel ou forme de vie ? Pour revenir au Symbole des ApĂŽtres, il y aurait deux vĂ©ritĂ©s raisonnables l’existence de Dieu parce qu’elle est susceptible de preuves rationnelles mĂȘme si elles sont toutes contestables, Ă©ventuellement la vie Ă©ternelle parce qu’elle est une hypothĂšse religieuse commune ce qui la rend statistiquement raisonnable, et l’existence historique du personnage de JĂ©sus. Mais alors les vĂ©ritĂ©s religieuses se ramĂšnent soit aux raisonnement mĂ©taphysiques soit Ă  des vĂ©ritĂ©s historiques elles-mĂȘmes contestables et par-lĂ  peut-ĂȘtre Ă  des opinions. Or ce que croit le chrĂ©tien et ce qui le fait chrĂ©tien, ce n’est pas croire par exemple que JĂ©sus est nĂ© de Marie, sinon JĂ©sus serait intĂ©gralement et seulement un homme, mais croire que JĂ©sus est Christ cĂ d fils de Dieu nĂ© de Marie, qui devait ĂȘtre pure pour ĂȘtre l’épouse de Dieu. Par ailleurs, pour le croyant la distinction entre deux rĂ©gimes de vĂ©ritĂ©s de foi vĂ©ritĂ©s de foi rĂ©vĂ©lĂ©e/vĂ©ritĂ©s de foi mixtes est arbitraire. Les vĂ©ritĂ©s de foi ne sont pas logiques entre elles mais elles possĂšdent nĂ©anmoins une cohĂ©rence. D’oĂč vient cette cohĂ©rence qui fait que l’individu est prĂȘt Ă  accepter indiffĂ©remment toutes les vĂ©ritĂ©s de foi de sa religion ? Ce n’est possible que si l’on restitue la foi dans son contexte pratique. Au sens strict, il n’y a pas un Dieu juif, ou un Dieu chrĂ©tien, ou un Dieu musulman, mais il y a le Dieu des juifs, le Dieu des chrĂ©tiens et le Dieu des musulmans. Et cela fait toute la diffĂ©rence — de sorte qu’en toute rigueur, il est faux de parler des trois monothĂ©ismes comme des trois religions du Livre. De la mĂȘme façon on ne peut pas parler d’un enfant juif, chrĂ©tien ou musulman, mais seulement d’un enfant de parents juifs, chrĂ©tiens ou musulmans, ou d’un individu de culture juive, chrĂ©tienne ou musulmane cf. Dawkins. Autrement dit, la foi n’est pas un acte a seulement personnel b et discret — ce qu’on a appelĂ© l’atomisme logique des vĂ©ritĂ©s de foi croire en Dieu/croire en Dieu tout puissant/croire en Dieu crĂ©ateur
. Car l’enfant ou le prosĂ©lyte apprend ensemble les vĂ©ritĂ©s de foi propres Ă  la religion de la culture dans laquelle il est Ă©levĂ©. La religion ne se prĂ©sente pas ici comme un ensemble de vĂ©ritĂ©s de foi Ă  recevoir mais comme une institution culturelle qui mĂ©diatise le rapport entre ces vĂ©ritĂ©s et le croyant. L’irrationalitĂ© de la foi selon une approche atomiste des vĂ©ritĂ©s de foi se rĂ©sorbe alors dans l’effectivitĂ© historique et culturelle de la religion. Une religion c’est une forme de vie et c’est au sein de cette forme de vie que les vĂ©ritĂ©s de foi se constituent et prennent sens. Ainsi deux discours sont possibles sur la religion. Le premier relĂšve de d’une conception â€œĂ©videntialiste“, inspirĂ©e de l’éthique des croyances de William Clifford et dĂ©jĂ  de Hume selon laquelle il est mauvais partout, toujours et pour quiconque de croire quoique ce soit sur la base d’une Ă©vidence insuffisante » The Ethics of Belief and other Essays, 1876. Autrement dit, il est impossible de ne pas croire. Mais il s’agit d’introduire une rĂšgle dans les croyances qui consiste Ă  les proportionner aux donnĂ©es dont on dispose pour les justifier ou les fonder. Selon cette conception, les croyances religieuses sont des opinions qui, Ă©tant acceptĂ©es pour des raisons qui n’en sont pas ou pour des raisons que la raison ne peut reconnaĂźtre objectives, restent extĂ©rieures au cercle de la vĂ©ritĂ©. Mais on peut juger autrement la rationalitĂ© des croyances religieuses. Il s’agit de ne pas rapporter celles-ci au contenu de la proposition assertĂ©e croire p — qui pourra facilement apparaĂźtre absurde en lui-mĂȘme — mais Ă  la forme de vie qui lui est associĂ©e. Pour le dire autrement, la rationalitĂ© des croyances religieuses ne devrait pas ĂȘtre examinĂ©e sur un plan thĂ©orique comme des propositions thĂ©oriques les vĂ©ritĂ©s de foi seraient des propositions susceptibles d’ĂȘtre vraies ou fausses ou comme un systĂšme d’hypothĂšses Ă  soumettre Ă  un examen critique mais de maniĂšre pratique comme un systĂšme de rĂ©fĂ©rence » Wittgenstein pour la vie. La religion n’est pas une maniĂšre de penser mais une maniĂšre de vivre. Par exemple, la croyance au Jugement dernier n’est pas pour le croyant l’adhĂ©sion Ă  une proposition qui peut ĂȘtre affirmĂ©e ou niĂ©e comme vraie ou comme fausse mais comme le point culminant » Wittgenstein d’une forme de vie qui lui donne dĂ©finitivement un sens[4]. Le premier point de vue s’appuie sur une Ă©pistĂ©mologie qu’on peut qualifier d’ambitieuse cf. Pouivet, art. cit.. Pour celle-ci, il est impossible de justifier le contenu propositionnel des croyances religieuses cf. Russell elles sont donc irrationnelles, et les vĂ©ritĂ©s de foi portent mal leur nom vĂ©ritĂ©s — il n’y a que de la foi et aucune vĂ©ritĂ©. De fait, le croyant juif, chrĂ©tien ou musulman, s’il est sommĂ© de justifier sa foi par des raisons objectives est d’avance perdu. Selon les normes d’une Ă©pistĂ©mologie “ambitieuse“, le croyant ne sait rien. On lui objecte “Tu crois p sans des raisons suffisantes, donc tu ne sais pas p. Si tu savais p, tout autre devrait croire p. Or nombreux sont ceux qui ne croient pas pet savent pourquoi il ne croient pas p.” Le second ne repose pas sur une Ă©pistĂ©mologie plus modeste probabiliste C p est possible mĂȘme si c’est improbable qui dĂ©cide d’affranchir la croyance religieuse du champ de l’épistĂ©mologie cf. Wittgenstein, note. Le croyant n’a pas Ă  justifier sa croyance par la justification du contenu propositionnelle de ses croyances et d’ailleurs ne croit pas que cela soit possible. Le croyant est engagĂ© dans sa croyance, et non pas Ă  distance comme peut l’ĂȘtre le philosophe Ă©pistĂ©mologue. Autrement dit poser la question de la rationalitĂ© des croyances religieuses serait pour ainsi dire commettre une erreur de catĂ©gorie. Celui qui croit en Dieu, en l’immortalitĂ© de l’ñme, en la rĂ©surrection, etc., ne prĂ©tend pas dĂ©tenir un argument suffisant pour qu’autrui adopte la mĂȘme croyance. Mais sa croyance est rationnelle autrement, par des raisons non coercitives, inscrites dans une forme de vie dĂ©sirĂ©e. Ce n’est pas un savoir, mais ce n’est dĂ©jĂ  plus une simple opinion au sens de Kant. Croyance religieuse et prĂ©jugĂ©s Mais cela ne revient-il pas Ă  adopter un point de vue culturaliste cĂ d Ă  sauver la foi religieuse de l’irrationalitĂ© par l’immanence de la vie sociale ? Car la forme de vie qui donne sa cohĂ©rence et sa rationalitĂ© pratique aux croyances religieuses est-elle librement choisie ou seulement hĂ©ritĂ©e, reçue par l’éducation ? Ce qui rend possible cette forme de vie de la foi n’est-ce pas un certain jeu de langage » Sprachspiele, un langage religieux auquel l’individu est Ă©duquĂ© du fait de son appartenance sociale. Le sens du mot “Dieu“ est son usage et la grammaire du mot Dieu peut s’articuler dans une phrase signifiante seulement pour celui qui apprend Ă  pratiquer, qui voit pratiquer autour de lui ce “jeu de langage“. On emploie le mot “Dieu“ dans tel cas, de telle façon. Ce mot lui-mĂȘme est associĂ© Ă  un ensemble de gestes, d’attitudes, de postures mĂȘme
 Il y a ainsi des rĂšgles d’usage du mot “Dieu”, comme des autres notions du langage religieux qui possĂšde ses codes, sa cohĂ©rence dans la langue. Et ce langage au fond celui de la dĂ©votion et de l’espĂ©rance, structurĂ©e autour du commandement et de la priĂšre appartient Ă  une forme de vie qui a toujours d’abord une dimension sociale ou communautaire. Mais alors cette thĂšse sur une rationalitĂ© de la foi immanente Ă  sa forme de vie ne fait-elle pas retomber dans ce que la pensĂ©e classique a toujours nommĂ© le monde des prĂ©jugĂ©s. Or le prĂ©jugĂ© n’est-il pas le contraire de la raison et la religion n’est-elle pas le prototype du prĂ©jugĂ© ? Les LumiĂšres ont honni les prĂ©jugĂ©s — on peut citer le texte fondateur des LumiĂšres, le Dictionnaire historique et critiquede Pierre Bayle 1647-1707, mais aussi des ouvrages comme l’Essai sur les prĂ©jugĂ©s de Dumarsais, publiĂ© en 1770 ou les Lettres Ă  EugĂ©nie ou prĂ©servatif contre les prĂ©jugĂ©s de D’Holbach en 1768. La devise des LumiĂšres selon Kant c’est, comme l’on sait, Sapere aude ! Il ne s’agit plus de distinguer entre les bons et les mauvais prĂ©jugĂ©s, entre les prĂ©jugĂ©s nĂ©cessaires et les prĂ©jugĂ©s nĂ©fastes, comme encore Voltaire[5]. Les prĂ©jugĂ©s sont des opinions adoptĂ©es sans examen et tenues pour vraies par le milieu ou l’éducation. La raison la facultĂ© de l’universel et du nĂ©cessaire est dominĂ©e par le particularisme et le contingent. Le prĂ©jugĂ© a ainsi la forme mĂȘme de la croyance assentir sans avoir jugĂ©, rĂ©pĂ©ter un Ă©noncĂ© parce qu’il a Ă©tĂ© rĂ©pĂ©tĂ©, redire soi-mĂȘme ce que d’autres ont dit et qui n’a d’autre raison d’ĂȘtre repris sinon qu’on le reçoit de loin. Le prĂ©jugĂ© est l’exact opposĂ© du jugement juste, comme la croyance l’est de la pensĂ©e rationnelle. Inversement la croyance religieuse est le prĂ©jugĂ© le plus massif, celui qui soumet le plus grand nombre Ă  l’erreur et Ă  l’illusion et qui divise inutilement les hommes. Croire p c’est prĂ©juger p = vrai. Le prĂ©jugĂ© accomplit le mouvement de l’assentiment juger p vrai sans le juger soi-mĂȘme, le tenir pour vrai sans le vĂ©rifier. Et la foi religieuse c’est le prĂ©jugĂ© Ă  propos de tout ce qui est transcendant, sur les fins ultimes, sur le salut 
 de sorte que la religion usant de son autoritĂ© parler de Dieu et en son nom, au nom des ancĂȘtres, des lois immĂ©moriales
 installe le prĂ©jugĂ© dans le cƓur et dans l’esprit des hommes. La religion est une Ă©ducation du prĂ©jugĂ© par la croyance. Or les prĂ©jugĂ©s religieux divisent les hommes et font le lit du fanatisme qui consiste Ă  venger Dieu cf. Montesquieu, De l’Esprit des lois, XII, ch. 4 de toute offense et Ă  se saisir de cette offense pour piĂ©tiner les droits humains — on connaĂźt le mot de Voltaire Le fanatique n’est qu’un Tartuffe les armes Ă  la main ». Dumarsais Ă©crivait Pour peu qu’on ouvre les yeux, on sentira que c’est Ă  l’ambition des princes et aux divisions insensĂ©es des prĂȘtres, que sont dus ces tristes prĂ©jugĂ©s qui rendent quelquefois des nations ennemies pendant une longue suite de siĂšcles. 
 Il est Ă©vident que ce sont uniquement les intĂ©rĂȘts des princes et des prĂȘtres qui font naĂźtre ces aversion nationales qui mettent Ă  chaque instant l’univers en feu » Essai sur les prĂ©jugĂ©s de Dumarsais, p. 67 et 77. Ecraser l’infĂąme c’est avant vaincre le prĂ©jugĂ© qui rend toute Ă©glise intolĂ©rante. Aussi inversement n’est-ce pas un hasard si la dĂ©fense de la religion passe par une dĂ©fense du prĂ©jugĂ©, redĂ©fini dans son sens positif, comme on le voit chez tous les auteurs contre-rĂ©volutionnaires Joseph de Maistre et Bonald. Les Anti-LumiĂšres critiquent la raison philosophique comme un principe abstrait qui, sous prĂ©texte d’affranchir l’individu des prĂ©jugĂ©s et des dĂ©terminismes sociaux, le prive du bonheur et du sens de son existence[6]. LĂ  oĂč le philosophe des LumiĂšres pourfend le prĂ©jugĂ© comme l’instrument de l’obscurantisme, de l’alliance entre les princes et les prĂȘtres, le philosophe contre les LumiĂšres dĂ©noncer le prĂ©jugĂ© philosophique contre les prĂ©jugĂ©s, réévalue la nĂ©cessitĂ© des prĂ©jugĂ©s lĂ©gitimes en dĂ©gageant les consĂ©quences sociales et religieuses du sacre de la raison individuelle comme instance osant tout critiquer — c’est encore ce qu’on retrouve chez Kant dans la note de la 1Ăšre Ă©dition de la Critique de la raison pure rien ne peut se soustraire Ă  l’examen de la raison sans Ă©veiller contre soi un juste soupçon d’illĂ©gitimitĂ©[7] — au risque de briser les croyances, les habitudes qui assurent la permanence du lien social. Voici ce qu’écrit par exemple J. de Maistre Il n’y a rien de si important pour lui [l’homme] que les prĂ©jugĂ©s. Ne prenons point ce mot en mauvaise part. Il ne signifie point nĂ©cessairement des idĂ©es fausses, mais seulement, suivant la force du mot, des opinions quelconques adoptĂ©es avant tout examen. Or ces sortes d’opinions sont le plus grand besoin de l’homme, les vĂ©ritables Ă©lĂ©ments de son bonheur, et le palladium des empires. Sans elles, il ne peut y avoir ni culte, ni morale, ni gouvernement. » J. de Masitre, De la souverainetĂ© du peuple. Un anticontrat social, Ă©d. Jean-Louis Darcel, Paris, PUF, 1992, p. 147. Les prĂ©jugĂ©s forment en quelque sorte une raison objective, une rationalitĂ© immanente, propre Ă  chaque peuple. Contre l’universalisme abstrait des LumiĂšres, il faut rappeler une raison universelle et nationale », constituĂ©e par l’alliance des dogmes religieux et politiques, transmis de gĂ©nĂ©rations en gĂ©nĂ©rations et qui Ă©clairent les nations au lieu d’obscurcir leur jugement. La foi et le patriotisme sont les deux grands thaumaturges de ce monde » Ă©crit de Maistre ; les mots de prĂ©jugĂ©s et de fanatisme signifient, en derniĂšre analyse, al croyance de plusieurs nations » op. cit., p. 168. Les prĂ©jugĂ©s sont en rĂ©alitĂ© des principes antĂ©rieurs qui guident les peuples, bien avant que la raison individuelle ne puisse exercer son jugement. La critique de prĂ©jugĂ©s condamne ainsi l’humanitĂ© Ă  l’état d’incertitude Michaud alors que les prĂ©jugĂ©s proposent un systĂšme de valeurs qui assurent la continuitĂ© historique des nations. Ainsi Lamennais 1782-1854 peut Ă©crire La philosophie elle-mĂȘme, bien que dĂ©cidĂ©e Ă  ne voir dans ces doctrines que des prĂ©jugĂ©s, en a reconnu de nos jours la nĂ©cessitĂ© indispensable. “Il faut sans doute des prĂ©jugĂ©s aux hommes, dit un de ses lus cĂ©lĂšbres disciples, dans un ouvrage oĂč il enseigne l’athĂ©isme, sans eux point de ressort, point d’action ; tout s’engourdit, tout meurt.“ Ainsi la mort de la sociĂ©tĂ©, la mort du genre humain serait el rĂ©sultat de la victoire que la sagesse moderne s’efforce de remporter sur ce qu’elle nomme prĂ©jugĂ©s » Essai sur l’indiffĂ©rence en matiĂšre de religion, Garnier, t. 1, p. 52. Et il ajoute En toute religion, mĂȘme fausse, il y a quelque chose de gĂ©nĂ©reux et de favorable Ă  l’humanitĂ© ». Donc pour le philosophe anti-LumiĂšres, la critique du prĂ©jugĂ© conduit Ă  l’athĂ©isme et Ă  l’anomie sociale ; et puisque les prĂ©jugĂ©s sont Ă  jamais nĂ©cessaires, et que la victoire de la raison sur eux n’a abouti qu’à la terreur, il faut restaurer l’autoritĂ© des prĂ©jugĂ©s et donc de la religion. Mieux vaut une religion fausse que pas de religion ; mieux vaut les prĂ©jugĂ©s que la critique des prĂ©jugĂ©s. La hiĂ©rarchie des sociĂ©tĂ©s humaines est ou serait simple Religion vraie > toute religion mĂȘme fausse > sociĂ©tĂ© athĂ©e. Irrationalisme religieux et irrationalisme scientifique Le pĂ©ril des prĂ©jugĂ©s et de l’intolĂ©rance justifie donc qu’on ne puisse se satisfaire d’une rationalitĂ© de la foi comme forme de vie et au contraire de restaurer l’autoritĂ© de la raison dans le jugement sur la religion. Mais la raison doit-elle rationaliser la religion religion naturelle ou raisonnable ou raisonner contre elle critique de la religion ? Ou plutĂŽt le peut-elle ? Ici une certaine Ă©pistĂ©mologie vient au secours du retour du religieux. – la foi est auto-fondatrice croire c’est croire Ă  la foi dans une rĂ©vĂ©lation. L’objet de la foi est son propre acte. Au contraire, qu’est-ce qui fonde la raison en derniĂšre instance, alors qu’elle prĂ©tend constituer un tribunal » critique de toute vĂ©ritĂ© ? La raison fonde-t-elle la raison ou sur elle ? Or on ne manque pas d’arguments critiques contre un fondement rationnel de la raison – la raison en soi est une fiction. La raison est toujours une capacitĂ© historiquement situĂ©e. Le rationalisme du XVIIIe siĂšcle oublie cette vĂ©ritĂ© et propose une raison “abstraite“ ; – c’est dĂ©sormais une sorte de lieu commun de l’épistĂ©mologie de souligner Ă  quel point la mĂ©thode scientifique est un leurre de rationalitĂ©. La science ne progresse pas en suivant les rĂšgles d’une mĂ©thode rationnelle Feyerabend, le progrĂšs des sciences n’est d’ailleurs pas le progrĂšs continu de la raison Kuhn. Le maximum qu’une thĂ©orie scientifique puisse proposer c’est une conjecture ou une hypothĂšse Popper, ce qui est un idĂ©al trĂšs Ă©loignĂ© de la connaissance certaine promus par le rationalisme classique. Il ressort de cette image de la science qu’on aura du mal Ă  justifier la supĂ©rioritĂ© de la science sur la religion en opposant un systĂšme rationnel Ă  un systĂšme de croyances. Et de fait tout paradigme » scientifique tend Ă  devenir un objet de croyance qui constitue un obstacle et une rĂ©sistance Ă  toute nouvelle thĂ©orie. Il n’y a pas de thĂ©orie scientifique vraie, mais seulement des thĂ©ories provisoires que l’on croit vraies. Donc la science ne serait pas bien placĂ©e pour dĂ©noncer l’irrationalitĂ© de la religion. La raison ne peut pas dĂ©clarer la religion irrationnelle puisque la science qui est censĂ©e en ĂȘtre la forme la plus exemplaire n’est pas pleinement rationnelle. C’est pourquoi si on a pu parler Ă  la fin du XVIIe siĂšcle d’une irrationalisation de la religion » Kolakowski, ChrĂ©tiens sans Ă©glise, 1969, on assiste aujourd’hui Ă  une irrationalisation de la science. – l’auto-fondation de la raison repose en rĂ©alitĂ© sur une croyance dans la raison. Comme disait E. Weil, l’homme a le choix entre la raison ou la violence, mais le choix de la raison ne peut sans contradiction s’appuyer sur la raison. Dans ces conditions, c’est la foi qui a toujours raison la foi est le fondement de la foi auto-fondation et de la raison fondation. Mais si la foi est souveraine, qu’est-ce qui peut encore distinguer foi et raison ? Cette distinction du savoir et de la croyance appartient bien au langage et semble bien fondĂ©. La question de Dieu fait elle-mĂȘme apparaĂźtre cette distinction il y a le Dieu des philosophes et le Dieu des croyants, il y a le Dieu selon la thĂ©ologie rationnelle et le Dieu selon la religion ou plutĂŽt selon les religions comme on verra. L’hypothĂšse de Dieu est rationnelle ? L’hypothĂšse de Dieu est-elle rationnelle ? Il y a dĂ©jĂ  quelques temps que je me suis aperçu que, dĂšs mes premiĂšres annĂ©es, j’avais reçu quantitĂ©s de fausses opinions pour vĂ©ritables, et que ce que j’ai depuis fondĂ© sur des principes si mal assurĂ©s, ne pouvait ĂȘtre que fort douteux et incertain; de façon qu’il me fallait entreprendre sĂ©rieusement une fois en ma vie de me dĂ©faire de toutes les opinions que j’avais reçues jusques alors en ma crĂ©ance, et commencer tout de nouveau dĂšs les fondements, si je voulais Ă©tablir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. » Descartes, MĂ©ditation 1. L’hypothĂšse de Dieu mĂ©rite sans doute de faire l’objet de la mĂȘme dĂ©cision j’ai depuis longtemps reçu en ma crĂ©ance que Dieu existait ou n’existait pas. Cette opinion est-elle fondĂ©e et peut-elle l’ĂȘtre ? Ai-je raison de ne pas croire ou de croire ? Il est raisonnable, une fois en sa vie d’affronter directement cette question et ne pas se laisser porter par la vie et le conformisme. L’hypothĂšse se prĂȘte au fond Ă  quatre attitudes possibles — qui sont des possibilitĂ©s thĂ©oriques mais auxquelles peuvent correspondre des formes de vie 1 Ne pas croire en Dieu athĂ©isme — “Dieu existe“ = F 2 Suspendre la croyance faute de preuves dans un sens ou dans l’autre agnosticisme — “Dieu existe“ = ni V ni F 3 Croire en Dieu en assumant l’irrationalitĂ© de la foi irrationalisme thĂ©ologique — “Dieu existe“ = V sans preuve 4 Croire en Dieu en cherchant des preuves de la foi rationalisme thĂ©ologique — “Dieu existe“ = V avec preuve Dieu existeFathĂ©isme Dieu existeNi V ni FagnocisticismeDieu existeVirrationalisme thĂ©ologiqueDieu existeVationalisme thĂ©ologique L’athĂ©e ne croit pas mais prĂ©tend savoir pourquoi il ne croit pas et donc pourquoi il est irrationnel de croire en Dieu. Donc une existence rationnelle est une existence qui affronte la vie sans l’hypothĂšse de Dieu. L’agnostique en l’absence de preuve convaincante de l’existence ou de l’inexistence de Dieu suspend son jugement. Le croyant trouve une justification et un sens accompli de son existence dans la foi soit en revendiquant l’irrationalitĂ© de la foi, soit au contraire en cherchant Ă  concilier la foi et la raison. Ces quatre attitudes peuvent Ă©galement revendiquer d’ĂȘtre rationnelles ou raisonnables 1 L’existence de Dieu est absurde il est irrationnel de vivre sous une hypothĂšse absurde, rationnel de vivre sans. Et mĂȘme une vie rationnelle est une vie humaine accomplie et inversement vivre en homme c’est vivre en se fondant exclusivement sur les certitudes de la raison. La raison fait la dignitĂ© de l’homme l’athĂ©isme est la mise en pratique de cette dignitĂ©. 2 L’existence de Dieu est incertaine impossible de dĂ©montrer l’existence de Dieu et impossible de se dĂ©faire de la possibilitĂ© qu’il existe. Donc il est raisonnable de pratiquer le doute. L’agnosticisme est la version “thĂ©ologique“ du scepticisme. 3 La foi seule fait connaĂźtre Dieu. Or Dieu est le principe de toute vĂ©ritĂ© et du sens mĂȘme de l’existence humaine. Donc il est rationnel d’ĂȘtre croyant et mĂȘme la foi est, en quelque sorte, une raison supĂ©rieure. 4 La vĂ©ritĂ© a deux sources la raison et la rĂ©vĂ©lation. Si je suis croyant, j’ai obligation de chercher Ă  concilier la raison et la foi, d’une part pour Ă©clairer ma foi, d’autre part pour rendre grĂące au don divin de la raison. Donc une vie raisonnable c’est une vie qui se construit sur le dialogue fĂ©cond de la raison et de la foi[8]. On peut commencer par les deux possibilitĂ©s internes Ă  la croyance religieuse. Ce sont deux maniĂšres de vivre la foi religieuse. L’opposition est entre la chaleur et la lumiĂšre cf. Bouveresse Ă  partir de Leibniz. Le plus grave pour l’un est de manquer de chaleur — la foi se vit dans l’intimitĂ© et dans la profondeur d’une confiance en Dieu ce n’est pas une adhĂ©sion Ă  la vĂ©ritĂ© d’une proposition, la foi est une confiance qui ne fait rien savoir. Croire ce n’est pas affirmer la vĂ©ritĂ© de la proposition Dieu existe, c’est avoir confiance en un Dieu personnel. La confiance ici pose la croyance comme au-delĂ  de toute justification Ă©pistĂ©mique. La vĂ©ritĂ© n’est pas un contenu propositionnel sur Dieu, mais Dieu mĂȘme en personne ou Dieu dans la personne du Christ. Cette position thĂ©ologique est exprimĂ©e par Saint Jean 14, 6 Je suis la voie, la vĂ©ritĂ©, la vie ». Il s’agit moins de croire Ă  la vĂ©ritĂ© de la formule johannique que d’avoir confiance dans la personne du Christ. Depuis les origines du christianisme s’opposent en quelque sorte une thĂ©ologie du paradoxe » et une thĂ©ologie de la raison » cf. Pouivet. La thĂ©ologie du paradoxe est exprimĂ©e par saint Paul 1Ăšre EpĂźtre aux Corinthiens FrĂšres, le Christ ne m’a pas envoyĂ© pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et sans avoir recours Ă  la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ. Le langage de la croix est folie pour ceux qui vont vers leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu. L’Écriture dit en effet La sagesse des sages, je la mĂšnerai Ă  sa perte, et je rejetterai l’intelligence des intelligents. Que reste-t-il donc des sages? Que reste-t-il des scribes ou des raisonneurs d’ici-bas? La sagesse du monde, Dieu ne l’a-t-il pas rendue folle? Puisque le monde, avec toute sa sagesse, n’a pas su reconnaĂźtre Dieu Ă  travers les Ɠuvres de la sagesse de Dieu, il a plu Ă  Dieu de sauver les croyants par cette folie qu’est la proclamation de l’Évangile. Alors que les Juifs rĂ©clament les signes du Messie, et que le monde grec recherche une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifiĂ©, scandale pour les Juifs, folie pour les peuples paĂŻens. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car la folie de Dieu est plus sage que l’homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme. » Le Christ c’est la vĂ©ritĂ© comme le paradoxe absolu l’absolu est le paradoxe. La vĂ©ritĂ© confond le messianisme triomphant des juifs et la sagesse philosophique des grecs. La vĂ©ritĂ© chrĂ©tienne est une folie. Et toute une tradition thĂ©ologique assumera cet irrationalisme Tertullien, credo quia absurdum contre l’arrogance des philosophes. C’est encore cette thĂ©ologie du paradoxe qui s’exprime chez Pascal, par exemple dans ce qui prĂ©cĂšde immĂ©diatement son pari Br. 233 Nous connaissons qu’il y a un infini, et ignorons sa nature, comme nous savons qu’il est faux que les nombres soient finis, donc il est vrai qu’il y a un infini en nombre, mais nous ne savons ce qu’il est. Il est faux qu’il soit pair, il est faux qu’il soit impair, car en ajoutant l’unitĂ© il ne change point de nature. Cependant c’est un nombre, et tout nombre est pair ou impair. Il est vrai que cela s’entend de tout nombre fini. Ainsi on peut bien connaĂźtre qu’il y a un Dieu sans savoir ce qu’il est. Nous connaissons donc l’existence et la nature du fini parce que nous sommes finis et Ă©tendus comme lui. Nous connaissons l’existence de l’infini, et ignorons sa nature, parce qu’il a Ă©tendue comme nous, mais non pas des bornes comme nous. Mais nous ne connaissons ni l’existence ni la nature de Dieu, parce qu’il n’a ni Ă©tendue, ni bornes. Mais par la foi nous connaissons son existence, par la gloire nous connaĂźtrons sa nature. Or j’ai dĂ©jĂ  montrĂ© qu’on peut bien connaĂźtre l’existence d’une chose sans connaĂźtre sa nature. Parlons maintenant selon les lumiĂšres naturelles. S’il y a un Dieu, il est infiniment incomprĂ©hensible, puisque n’ayant ni parties ni bornes il n’a nul rapport Ă  nous. Nous sommes donc incapables de connaĂźtre ni ce qu’il est, ni s’il est. Cela Ă©tant, qui osera entreprendre de rĂ©soudre cette question ? Ce n’est pas nous qui n’avons aucun rapport Ă  lui. Qui blĂąmera donc les chrĂ©tiens de ne pouvoir rendre raison de leur crĂ©ance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison ? Ils dĂ©clarent en l’exposant au monde que c’est une sottise, stultitiam et puis vous vous plaignez de ce qu’ils ne la prouvent pas. S’ils la prouvaient, ils ne tiendraient pas parole. C’est en manquant de preuve qu’ils ne manquent pas de sens.» Les chrĂ©tiens ont raison de ne pas chercher Ă  prouver Dieu parce qu’il surpasse la raison. Le chrĂ©tien rationaliste n’est pas un vrai chrĂ©tien, il abaisse le mystĂšre divin Ă  la mesure de sa finitude. Face Ă  la thĂ©ologie du paradoxe, il y a, dĂšs les origines cf. saint Pierre, une recherche de dĂ©fendre la foi chrĂ©tienne par des preuves rationnelles. Dans les Iers siĂšcles, se multiplient des apologies du christianisme contre les textes anti-chrĂ©tiens — le plus fameux est Contre-Celse d’OrigĂšne Celse avait Ă©crit un Discours vĂ©ritable contre les chrĂ©tiens 178 oĂč il critiquait et calomniait le christianisme[9]. Ici l’amour fait comprendre. La confiance en Dieu est raisonnable parce que 1 l’existence de Dieu est dĂ©montrable par la lumiĂšre naturelle ; 2 la RĂ©vĂ©lation s’explique par le besoin qu’elle vient combler pour faire connaĂźtre des vĂ©ritĂ©s sur l’absolu inaccessibles Ă  la raison. Mais cela laisse supposer que la raison ne couvre pas tout le champ de la vĂ©ritĂ©, que le vrai s’étend au-delĂ  du rationnel. Et cette vĂ©ritĂ© ne doit pas ĂȘtre dite irrationnelle mais plutĂŽt supra-rationnelle — la foi Ă©tant une lumiĂšre “surnaturelle“. Cette opposition se rejoue plusieurs fois au cours de l’histoire, notamment au XVIIe siĂšcle. Il y a la position fidĂ©iste ». Si Dieu est connaissable, ce n’est pas en suivant la raison. Aucune preuve rationnelle n’a jamais fait croire en Dieu. De maniĂšre tout Ă  fait caractĂ©ristique Pascal s’en remet Ă  un pari ou au cƓur. Le pari se veut rationnel mais sans passer par le raisonnement logique. Pascal dĂ©sapprouve les preuves mĂ©taphysiques de Dieu. Si elles sont rationnelles, elles le sont presque trop ou d’une maniĂšre trop compliquĂ©e et trop Ă©loignĂ©e du raisonnement commun. Le rationalisme mĂ©taphysique reste Ă©litiste et instable. Il Ă©crit ainsi Les preuves de Dieu mĂ©taphysiques sont si Ă©loignĂ©es du raisonnement des hommes, et si impliquĂ©es qu’elles frappent peu ; et quand cela servirait Ă  quelques-uns, cela ne servirait que pendant l’instant qu’ils voient cette dĂ©monstration, mais une heure aprĂšs ils craignent de s’ĂȘtre trompĂ©s » Br. 543. Pascal ne s’intĂ©resse pas Ă  la rationalitĂ© des preuves mais dĂ©nonce leur inefficacitĂ© sur l’esprit elles frappent peu ». En outre, dans l’hypothĂšse mĂȘme oĂč ces preuves seraient convaincantes et entraĂźneraient l’esprit Ă  la foi, elles possĂšdent un vice fondamental se tromper sur Dieu ou de Dieu. Cette connaissance [de l’existence de Dieu], sans JĂ©sus-Christ, est inutile et stĂ©rile. Quand un homme serait persuadĂ© que les propositions des nombres sont des vĂ©ritĂ©s immatĂ©rielles, Ă©ternelles et dĂ©pendantes d’une premiĂšre vĂ©ritĂ© en qui elles subsistent, et qu’on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancĂ© pour son salut. Le Dieu des chrĂ©tiens ne consiste pas en une Dieu simplement auteur des vĂ©ritĂ©s gĂ©omĂ©triques et de l’ordre des Ă©lĂ©ments c’est la part des paĂŻens » Br. 556. Au bout du raisonnement, la preuve pose un principe, x = Dieu. Mais ce Dieu mĂ©taphysique n’est pas ce qu’exige l’homme, existentiellement soucieux de son salut. Ce que l’homme cherche et auquel croit le croyant est un Dieu qui sauve et non un Dieu qui fonde les vĂ©ritĂ©s mathĂ©matiques. Or la preuve rationnelle de Dieu manque ce Dieu. Le Dieu sauveur est un Dieu d’amour ou de charitĂ© qui ne peut ĂȘtre connu que par l’amour, la charitĂ© ou le cƓur. D’un point de vue philosophique, l’argument est une pĂ©tition de principe le vrai Dieu est le Dieu de charitĂ© que seule la charitĂ© peut connaĂźtre, donc la raison ne peut connaĂźtre le vrai Dieu. Aussi Pascal montre que et pourquoi Dieu a voulu se cacher Ă  l’intelligence humaine. C’est le thĂšme du Deus absconditus. Si Dieu ne se manifestait par aucun signe il serait inconnaissable s’il se manifestait par des signes Ă©vidents il serait impossible de ne pas le connaĂźtre. Or il y a des hommes qui croient en Dieu et d’autre qui n’y croient pas. Donc il n’y a ni Ă©vidence ni inĂ©vidence de Dieu. Il n’est pas vrai que tout dĂ©couvre Dieu et tout cache Dieu. Mais il est vrai tout ensemble qu’il se cache Ă  ceux qui le tentent, et qu’il se dĂ©couvre Ă  ceux qui le cherchent, parce que les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu et capables de Dieu indignes par leur corruption et capables par leur premiĂšre nature » Br. 557 — on retrouve un prĂ©supposĂ© le dogme du pĂ©chĂ© originel, mais pas toujours comme dans la Lettre Ă  Charlotte de Roannez, 26 octobre 1656. Peut-ĂȘtre le prĂ©supposĂ© le plus fondamental serait encore de nature anthropologique l’hypothĂšse d’un besoin de Dieu, d’une attente de Dieu, d’un manque de l’absolu — et c’est pourquoi paradoxalement toutes les idoles dont les hommes comblent le vide de Dieu sont des preuves indirectes de Dieu, et dont Pascal dresse une liste Ă©tonnante Lui seul est son vĂ©ritable bien ; et bien qu’il l’a quittĂ©, c’est une chose Ă©trange, qu’il n’y a rien dans la nature qui n’ait Ă©tĂ© capable de lui en tenir la place astres, ciel, terre, Ă©lĂ©ments, plantes, choux, poireaux, animaux, insectes, veaux, serpents, fiĂšvre, peste, guerre, famine, vices, adultĂšre, inceste. Et depuis qu’il a perdu le vrai bien, tout Ă©galement peut lui paraĂźtre tel, jusqu’à sa destruction propre, quoique si contraire Ă  Dieu, Ă  la raison et Ă  la nature tout ensemble » Br. 425. Les idoles prouvent Dieu en creux, par l’absence. Or le Dieu mĂ©taphysique est une idole rejeter les preuves de l’existence de Dieu, c’est briser une idole » B. SĂšve, La question philosophique de l’existence de Dieu, p. 103, rien de plus. Mais aussi bien c’est ĂȘtre parfaitement chrĂ©tien la preuve d’un principe est la part paĂŻenne du christianisme. Aussi peut-on tenter un autre argument tel est le pari — un argument qui ne se prĂ©sente pas comme une preuve. Il se veut rationnel l’affirmation de Dieu n’est pas fidĂ©iste ce n’est pas le saut de la foi » de Kierkegaard mais sans le mode dĂ©monstratif de la preuve mĂ©taphysique. Et mĂȘme si on ne sait pas exactement la place que Pascal lui accordait dans l’ensemble de son Apologie de la religion chrĂ©tienne, il se rattache Ă  l’argument du Dieu cachĂ© qui se cache puisqu’il a le mĂȘme ressort l’incertitude. Inutile de parier si l’existence de Dieu Ă©tait certaine, absurde si l’existence de Dieu Ă©tait absolument cachĂ©e. Le pari est un calcul sur l’incertain Ă  condition qu’il ne le soit pas complĂštement. L’argument se comprend aussi par son destinataire. Il s’adresse au libertin et non au croyant qui veut rendre sa foi intelligente — parlant le langage de l’intĂ©rĂȘt bien compris il s’agit de montrer que choisir Dieu non seulement n’est pas dĂ©raisonnable mais est le seul vraiment rationnel, pour celui qui ne “croit“ qu’à la raison mathĂ©matique
 L’argument ne fait pas connaĂźtre Dieu mais fait connaĂźtre qu’il est rationnel de choisir Dieu. Dieu est ou il n’est pas. Mais de quel cĂŽtĂ© pencherons-nous ? La raison n’y peut rien dĂ©terminer; il y a un chaos infini qui nous sĂ©pare. Il se joue un jeu, Ă  l’extrĂ©mitĂ© de cette distance infinie, oĂč il arrivera croix ou pile. Que gagnez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l’un ni l’autre; par raison vous ne pouvez dĂ©fendre nul des deux. Ne blĂąmez donc pas de faussetĂ© ceux qui ont pris un choix; car vous n’en savez rien ». Pascal veut Ă©liminer notre 2Ăšme attitude l’agnosticisme. Il est impossible de s’y maintenir. Si la vie Ă©ternelle dĂ©pend du choix que nous faisons concernant l’existence de Dieu. La raison n’est pas blessĂ©e Ă  choisir, parce qu’il est impossible de ne pas choisir. Vous ĂȘtes embarquĂ© » comme dit Pascal. La raison a le choix Dieu existe ou Dieu n’existe pas, mais pas le choix de choisir ou non. Donc le choix est entre ĂȘtre croyant ou ĂȘtre athĂ©e. Autrement dit, on ne peut savoir si Dieu existe ou s’il n’existe pas et pourtant les hommes ont dĂ©jĂ  dĂ©cidĂ© dans un sens ou dans l’autre. Personne ne peut donc Ă©chapper Ă  la dĂ©cision — mĂȘme implicitement par son choix de vie. En pareille situation d’incertitude, la raison peut Ă©clairer la dĂ©cision en calculant les chances. Pourtant on pourrait objecter que la nĂ©cessitĂ© du choix repose dĂ©jĂ  sur la croyance en une vie Ă©ternelle. Mais qu’il y ait ou non une vie Ă©ternelle, c’est ce que l’agnostique se refuse Ă  Ă©tablir. Il y a une vie, il y a la vie, celle-ci mortelle, et rien d’autre. La raison peut-elle prouver la vie Ă©ternelle ? L’agnostique en doute prĂ©cisĂ©ment, et donc la vie Ă©ternelle est une premiĂšre croyance qui il vaut mieux conditionne la situation du choix entre l’existence ou l’inexistence de Dieu. Mais admettons que nous soyons tous embarquĂ©s et qu’il faille choisir et acceptons Ă©galement que parier implique de vivre en conformitĂ© avec le contenu du pari » B. SĂšve, p. 105, en considĂ©rant que la mise c’est sacrifier les plaisirs terrestres et le gain, la vie Ă©ternelle, la perte l’enfer Si je parie que Dieu existe —> vie chrĂ©tienne Si je parie que Dieu n’existe pas —> vie libertine Voici les possibilitĂ©s, en considĂ©rant que le paradis = gain infini + ∞ l’enfer = perte infini – ∞, et les obligations d’un vie religieuse = – e et une vie sans obligation religieuse = + e et le retour au nĂ©ant = 0. pariDieu existeDieu n’existe pasCroire en Dieu– e + ∞– e+ 0Ne pas croire en Dieu+ e – ∞+ e+ 0 Ainsi il est plus avantageux de croire en Dieu que de ne pas croire Si je crois en Dieu, j’obtiens au pire – e et au mieux + ∞. Si je ne crois pas en Dieu, j’obtiens au pire – ∞ et au mieux + e. Or entre – e et – ∞ il vaut mieux Ă©viter – ∞ et il vaut mieux + ∞. Donc il faut parier que Dieu existe. On peut encore prĂ©senter le pari autrement. En faisant l’hypothĂšse que la probabilitĂ© de l’existence de Dieu est œ pariDieu n’existe pasDieu existeje choisis d’ĂȘtre chrĂ©tienje retourne au nĂ©ant = 0 œ x 0 = 0je gagne le paradis 1/2 x – +∞ = + ∞ je choisis d’ĂȘtre athĂ©eje retourne au nĂ©ant = 0 œ x 0 = 0je perd le paradis 1/2 x – ∞ = – ∞ Donc entre + ∞ et – ∞, il est rationnel de parier que Dieu existe ou il est irrationnel d’ĂȘtre athĂ©e. Ou encore l’athĂ©e qui prĂ©tend ĂȘtre rationnel ne l’est pas. Qui croyait prendre le croyant est pris Ă  son propre piĂšge. Mais le pari repose sur des prĂ©supposĂ©s 1 d’un point de vue religieux, le salut ne se joue pas aux dĂ©s, c’est pour un jansĂ©niste comme Pascal, un don de Dieu grĂące 2 une vie Ă©ternelle, soit de bĂ©atitude soit de damnation — mais l’existence du paradis ou de l’enfer est une hypothĂšse religieuse cercle 3 la quantitĂ© nulle des plaisirs d’une vie sans obligation religieuse ou des obligations d’une vie religieuse — mais les plaisirs de cette vie sont-ils nuls s’il n’y a pas d’autre vie, on retombe sur le prĂ©cĂ©dent prĂ©supposĂ© ; inversement si on perd le pari, la vie terrestre Ă©tant la seule vie, est affectĂ©e d’une valeur infinie. Mais alors la valeur de la mise dĂ©pend du rĂ©sultat, ce qui est illogique. On ne peut, sinon par prĂ©jugĂ©, attribuer l’infini Ă  la vie Ă©ternelle et le fini Ă  la vie terrestre 4 le rapport entre vie religieuse et paradis, vie sans obligation religieuse et enfer — or un Dieu misĂ©ricordieux pourrait sauver mĂȘme l’infidĂšle et l’athĂ©e. Autrement dit la rationalitĂ© du pari repose subrepticement sur des croyances que l’athĂ©e ou l’agnostiques rĂ©cusent par dĂ©finition. Enfin comme le fait remarquer Leibniz dans une lettre, Pascal ne persuade pas qu’il faut croire Ă  Dieu, ou ce qu’il faut croire mais ce qu’il faut faire Pour dire ce qui en est, ce raisonnement ne conclut rien de ce qu’on doit croire, mais seulement de ce qu’on doit faire. C’est-Ă -dire il prouve seulement que ceux mĂȘme qui ne croient ni Dieu ni Ăąme immortelle, doivent agir, comme s’il y en avait, tandis qu’ils ne peuvent dĂ©montrer qu’il n’y en a point. Car ce sont deux questions tout Ă  fait sĂ©parĂ©es savoir ce qui est le plus sur dans la pratique, et savoir ce qui est le plus probable dans la crĂ©ance. 
 La crĂ©ance n’est pas une chose volontaire, et toutes les exhortations s’y servent de rien. Il y faut des raisons et il n’est pas possible que l’ñme se puisse rendre Ă  d’autres armes. En effet nous ne manquons pas de vĂ©ritables raisons pour maintenir la religion, et je suis marri qu’il y a si peu de gens qui s’en servent comme il faut » Leibniz, Lettre au duc J. F. de Hanovre, 1678 ?, citĂ© par Bouveresse, Que peut-on faire de la religion ?, p. 23. L’athĂ©e libertin s’il parie sur l’existence de Dieu ne croira pas en Dieu mais fera comme si. Le pari ne convainc pas intĂ©rieurement mais conduit Ă  faire les gestes extĂ©rieures de la croyance. Mais ce n’est pas un argument que conteste Pascal pour croire, il faut commencer par faire comme si on croyait. Pratiquer les rites de la croyance est, psychologiquement et mĂȘme socialement, la meilleure maniĂšre de croire. A force de s’agenouille on peut espĂ©rer croire un jour. Mais lĂ  encore, Pascal marque sa diffĂ©rence avec Leibniz comme le souligne Ian Hacking, citĂ© par Bouveresse Leibniz est rationaliste, il croit Ă  la raison en matiĂšre de croyance, tandis que Pascal est “fidĂ©iste“ et il croit davantage Ă  la cause de la croyance. Il ne demande pas qu’on fonde la foi sur des raisons, car les raisons n’entraĂźnent pas la volontĂ©, mais Ă©ventuellement il cherche ce qui peut la causer. La priĂšre, la dĂ©votion par les gestes du corps en sont un moyen peut-ĂȘtre efficace. AprĂšs tout, en dehors de la grĂące, c’est le lot commun des fidĂšles, qui croient Ă  force de faire semblant de croire. Le corps entraĂźne et prĂ©parent insensiblement l’ñme Ă  croire. Leibniz pense exactement le contraire la volontĂ© doit ĂȘtre Ă©clairĂ©e par des raisons. Et la religion est lumiĂšre et non obscuritĂ© et c’est dĂ©shonorer et la raison et la religion que de croire sans chercher des raisons En un mot, c’est dĂ©shonorer ou plutĂŽt c’est anĂ©antir la religion que de la destituer de preuve et de connaissance, et l’on peut dire de ceux qui dĂ©fendent ce sentiment ce qu’on a dit d’Epicure, qu’il posait les dieux dans les termes, et qu’il les niait dans le fonds » Leibniz, Lettre Ă  Morel, 10 dĂ©cembre 1696. Mais que peut la raison Ă  propos de Dieu ? Si la raison ne peut prouver le Dieu de la croyance religion ne peut-elle pas prouver Dieu au fondement de la croyance religieuse ? De fait, ce n’est pas tant l’absence de preuve que le trop plein de preuves ou de formulations de preuves de Dieu qu’on observe — si l’on Ă©carte les preuves farfelues cf. Dawkins, p. 111. Deux faits sont remarquables les hommes cherchent Ă  dĂ©montrer l’existence de Dieu indĂ©pendamment de la religion — donc la question de Dieu est aussi bien philosophique — ; la raison multiplie les arguments et n’hĂ©site pas Ă  amĂ©liorer les preuves pour surmonter les objections qu’elle est toujours prĂȘte Ă  y trouver — comme si la raison n’en avait jamais fini avec Dieu mais c’est le propre une illusion de renaĂźtre sans cesse. Les preuves les plus connues sont les 5 voies de Thomas d’Aquin Somme thĂ©ologique, I Ia q. 2, art. 3, et la preuve dite ontologique » que le Docteur angĂ©lique ne partage pas, soit deux ensembles de preuves preuves par les effets, preuve a priori. Ainsi chez Thomas d’Aquin, la raison peut dĂ©montrer l’existence de dieu a Par le mouvement le mouvement a une cause qui ne peut ĂȘtre un corps en mouvement sans contradiction, et si on doit Ă©viter la rĂ©gression Ă  l’infini, il faut supposer une cause immobile — ce qu’on appelle Dieu. Dieu est le principe immobile du mouvement des choses, du monde et dans le monde. b Par la cause toute chose est l’effet d’une cause efficiente, et si l’on veut Ă©viter la rĂ©gression dans la causalitĂ©, il faut poser une premiĂšre cause efficiente — ce qu’on appelle Dieu. Dieu est cause premiĂšre — ce qui signifie que Thomas d’Aquin rĂ©cuse l’idĂ©e de Dieu comme causa sui, ce qui implique contradiction ĂȘtre en mĂȘme temps cause et effet de soi comme cause c Par le possible et le nĂ©cessaire le monde est constituĂ© de choses dont l’existence est seulement possible elles pouvaient ne pas exister, exister autrement, et ont commencĂ© et finissent d’exister. Mais pour qu’une chose possible ait commencĂ© d’ĂȘtre, il faut supposer un ĂȘtre qui existe dĂ©jĂ , et cet ĂȘtre doit ĂȘtre nĂ©cessaire pour rendre raison des choses existantes seulement possibles — cet ĂȘtre nĂ©cessaire par lui-mĂȘme est ce qu’on appelle Dieu ? d Par les degrĂ©s de perfection il y a dans tous les genres d’ĂȘtre des degrĂ©s + /- de perfection. Donc il doit y avoir quelque chose qui contient toute la perfection possible du comparatif au superlatif — ce que nous appelons Dieu. e Par l’ordre du monde dans le monde, on observe des choses ordonnĂ©es en vue d’une fin. Or si le hasard ne peut produire de l’ordre et si les choses dĂ©pourvues d’intelligence sont ordonnĂ©es par rapport Ă  une fin, il faut supposer une ĂȘtre intelligent comme cause de l’ordre final dans le monde — ce qu’on appelle Dieu. En termes modernes kantiens, on parle plutĂŽt des preuves physico-tĂ©lĂ©ologique ou physico-thĂ©ologique et cosmologique. La beautĂ©, l’harmonie dans la nature sont autant d’effets que ni le hasard ni les lois mĂ©caniques de la matiĂšre ne peuvent expliquer sinon comme fins. Il suffit de contempler les mouvements si bien rĂ©glĂ©s du ciel», les correspondances entre toutes choses», pour ĂȘtre invitĂ© Ă  conclure Ă  l’existence d’une raison supĂ©rieure et divine, de mĂȘme que devant les mouvements de quelque mĂ©canisme comme une sphĂšre ou une horloge, nous n’hĂ©sitons pas croire qu’ils sont les ouvrages d’une raison» CicĂ©ron, De la nature des dieux, II, ch. XXXVIII, p. 444. Ici la raison s’appuie sur une analogie entre les choses de la nature et le produits de l’art. Le monde est un artefact. Et plus complexe est la machine, plus simples sont les lois qui prĂ©sident Ă  sa production et Ă  sa conservation, plus parfait doit ĂȘtre son auteur. Moins populaires et dĂ©jĂ  plus mĂ©taphysiques sont les preuves cosmologiques. Toutes reposent sur la mĂȘme structure argumentative d’une impossibilitĂ© de la rĂ©gression Ă  l’infini dans l’ordre des causes si a, alors a1, alors a2, etc.. Mais la sĂ©rie doit s’interrompre quelque part — selon la formule d’Aristote il faut s’arrĂȘter et ne pas aller Ă  l’infini» Physique VIII, 5, 256a 29, p. 115, faute de quoi la rĂ©gression est interminable et la sĂ©rie indĂ©finie sans raison. La rĂ©gression est finie ou bien elle n’est pas fondĂ©e — ce qui est irrationnel. Les deux principales preuves cosmologiques portent sur l’existence du mouvement et sur l’existence du monde. La preuve par le mouvement se trouve chez Aristote la cause du mouvement, c’est-Ă -dire d’une rĂ©alitĂ© en puissance le mouvement c’est l’acte de ce qui est en puissance en tant que tel», Physique, III, 1, 201a 10, p. 90, suppose un ĂȘtre en acte c’est-Ă -dire un moteur qui ne soit pas lui-mĂȘme mobile Dieu comme Premier moteur. C’est de cet argument que s’inspire Thomas d’Aquin comme on l’a rappelĂ©. Mais la raison peut partir du monde lui-mĂȘme, ordonnĂ© ou non. Cette preuve suppose beaucoup moins l’ordre, l’harmonie, la fin est donc plus mĂ©taphysique, dite a contingentia mundi. Le principe en est le suivant s’il y a du contingent, il y a du nĂ©cessaire. Ce qui est pourrait, par dĂ©finition, ne pas ĂȘtre. Le fait d’ĂȘtre n’est pas en soi une raison d’ĂȘtre, mais au contraire a besoin d’ĂȘtre fondĂ© en raison. Or ce fondement de l’existence ne peut pas ĂȘtre recherchĂ© dans le monde parce que l’existence dans le monde est toujours conditionnĂ©e. L’existence contingente du monde ne peut ĂȘtre fondĂ©e que dans un ĂȘtre nĂ©cessaire qui fonde la sĂ©rie des choses contingentes, et qui donc, pour ce faire, en est distincte. Dieu est le fondement de la contingence du monde — il est en lui-mĂȘme la raison suffisante de tout ce qui est, autrement dit Dieu est le principe de raison suffisante en tant qu’ĂȘtre. Leibniz est cĂ©lĂšbre pour avoir mis en forme la preuve a posteriori par la contingence du monde dans la Monadologie ou aux paragraphes 7 et 8 des Principes de la nature et de la grĂące 1714 7. Jusqu’ici nous n’avons parlĂ© qu’en simple physiciens maintenant il faut s’élever Ă  la mĂ©taphysique, en nous servant du grand principe, peu employer communĂ©ment, qui porte que rien ne se fait sans raison suffisante ; c’est-Ă -dire que rien n’arrive sans qu’il soit possible Ă  celui qui connaĂźtrait assez les choses de rendre une raison qui suffise pour dĂ©terminer pourquoi il en est ainsi, et non pas autrement. Ce principe posĂ©, la premiĂšre question qu’on a droit de faire sera Pourquoi il y a plutĂŽt quelque chose que rien ? Car le rien est plus simple et plus facile que quelque chose. De plus, supposĂ© que des choses doivent exister, il faut qu’on puisse rendre raison pourquoi elles doivent exister ainsi, et non autrement. 8. Or, cette raison suffisante de l’existence de l’univers ne se saurait trouver dans la suite des choses contingentes, c’est-Ă -dire des corps et de leurs reprĂ©sentations dans les Ăąmes ; parce que la matiĂšre Ă©tant indiffĂ©rente en elle-mĂȘme au mouvement et au repos, et Ă  un mouvement tel ou tel autre, on n’y saurait trouver la raison du mouvement, et encore moins d’un tel mouvement. Et quoique le prĂ©sent mouvement, qui est dans la matiĂšre vienne du prĂ©cĂ©dent, et celui-ci encore d’un prĂ©cĂ©dent, on n’en est pas plus avancĂ©, quand on irait aussi loin que l’on voudrait ; car il reste toujours la mĂȘme question. Ainsi, il faut que la raison suffisante, qui n’ait plus besoin d’une autre raison, soit hors de cette suite des choses contingentes, et se trouve dans une substance qui en soit la cause, et qui soit un ĂȘtre nĂ©cessaire, portant la raison de son existence avec soi ; autrement on n’aurait pas encore une raison suffisante oĂč l’on puisse finir. Et cette derniĂšre raison des choses est appelĂ©e Dieu» p. 393. Enfin il y a la preuve “ontologique“ qui se veut tout a fait a priori, sans rien supposer ni beautĂ©, ni existence en dehors du concept de Dieu qu’il suffit d’analyser pour prouver produire son existence. Elle est formulĂ©e par saint Anselme de CantorbĂ©ry 1033-1109, critiquĂ©e par saint Thomas si Dieu est son ĂȘtre, du moins nous ne connaissons pas son essence, de sorte la proposition “Dieu existe” n’est pas Ă©vidente par soi et doit ĂȘtre dĂ©montrĂ©e par ce qui est mieux connu de nous, c’est-Ă -dire a posteriori par les Ɠuvres de Dieu», Somme thĂ©ologique, Ia, q. 2, art. 1, p. 170, reprise par Descartes qui substitue, sur un mode syllogistique, l’argument de la perfection Ă  l’argument anselmien de la grandeur, cf. MĂ©ditations mĂ©taphysiques, 5Ăšme mĂ©ditation, corrigĂ©e par Leibniz on peut amener Ă  la perfection dĂ©monstrative en prouvant que Dieu est possible, cf. Nouveaux Essais sur l’entendement humain, IV, ch. 10, p. 345 sq, rĂ©futĂ©e par Kant, et enfin rĂ©habilitĂ©e Ă  de nombreuses reprises par Hegel contre Kant cf. Les preuves de l’existence de Dieu, p. 242 sq ; EncyclopĂ©die des sciences philosophiques en abrĂ©gĂ© Science de la logique, § 51-52, p. 117 sq ; Leçons sur l’Histoire de la Philosophie, p. 1070 sq, parce qu’il apprĂ©hende dans son unitĂ© la contradiction suprĂȘme du penser et de l’ĂȘtre. La structure de la preuve est constante le concept de Dieu est tel qu’il implique son existence. Qu’est-ce qui a fait la fortune et la renommĂ©e de cette preuve ? Comme le dit Anselme c’est une preuve unique, censĂ©e pouvoir rĂ©futer dĂ©finitivement l’incroyant L’insensĂ© dit en son cƓur Dieu n’existe pas» Psaumes, 13, 1 ; 52, 1. Cette preuve est non seulement unique, contrairement aux autres preuves, mais elle est surtout intrinsĂšquement une je me mis Ă  chercher Ă  part moi s’il n’était pas possible de dĂ©couvrir un argument unique qui, pour ĂȘtre probant, n’eĂ»t besoin d’aucun autre que lui, et qui, Ă  lui tout seul, suffĂźt Ă  garantir que Dieu est vraiment» Proslogion, PrĂ©ambule, Entendons par lĂ  qu’elle prouve l’existence de Dieu sans sortir de son concept. Le concept de Dieu bien pensĂ© suffit Ă  prouver son existence. La dĂ©couverte de cette nouvelle et unique preuve obĂ©it, il est vrai, Ă  certaines conditions. L’homme Ă  qui s’adresse l’allocution, l’exhortation alloquium de la foi cherchant l’intelligence, est invitĂ© Ă  se recueillir en soi-mĂȘme. Dans la tradition issue d’Augustin cf. Confessions, III, 6, qui trouve encore un Ă©cho chez Descartes cf. MĂ©ditations mĂ©taphysiques, TroisiĂšme mĂ©ditation, dĂ©but, l’homme qui veut s’élever Ă  la connaissance du Dieu doit se retirer de la scĂšne du monde pour rentrer en soi. Le face Ă  face avec Dieu sera un face Ă  face de l’entendement avec le concept l’idĂ©e de Dieu. Et maintenant, va, petit homme, fuis un moment ce qui t’occupe, cache-toi un peu de tes pensĂ©es tumultueuses. DĂ©pose maintenant tes soucis, ce fardeau, et remets Ă  plus tard tes obligations, ce labeur. Vaque Ă  Dieu quelque peu, et repose en lui quelque peu. Entre dans la cellule de ton esprit [Matthieu, 6,6], chasses-en tout, sauf Dieu et ce qui peut t’aider Ă  le chercher, et, porte close, cherche-le. Dis, maintenant, mon cƓur tout entier, dis Ă  Dieu je cherche ton visage, ton visage, Seigneur, je recherche [Psaumes, 26, 8]» Proslogion, ch. 1, p. 37. L’esprit doit, pour s’ouvrir Ă  la contemplation intellectuelle de l’existence de Dieu et de quelques autres vĂ©ritĂ©s de foi sa souveraine perfection et les attributs qu’elle enveloppe, se fermer Ă  son existence mondaine, se libĂ©rer de tout souci. Il ne peut dĂ©couvrir ou seulement entendre cette vĂ©ritĂ© singuliĂšre qui pose nĂ©cessairement l’existence Ă  partir de la seule considĂ©ration de l’idĂ©e de l’essence d’un ĂȘtre qu’à condition de s’y bien disposer, en se concentrant au-dedans de soi dans le silence de l’intĂ©rioritĂ©. Dieu est d’abord objet de foi. Son concept est reçu de la religion chrĂ©tienne. Sa dĂ©signation comme quelque chose en comparaison de quoi rien de plus grand ne peut ĂȘtre pensé» n’est certes pas un Nom divin. On le chercherait en vain dans l’Ecriture. Mais ce n’est pas pour autant une dĂ©finition formelle, mĂȘme si Anselme a bien conscience d’ĂȘtre le premier Ă  en proposer la formulation. Elle exprime en rĂ©alitĂ© un concept prĂ©rĂ©flexif de Dieu, objet antĂ©cĂ©dent de la foi Et certes, nous croyons que tu es quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand», et que la religion nomme volontiers le Tout puissant, MaĂźtre et Seigneur. En fait, Anselme d’une part affirme l’antĂ©rioritĂ© et l’autoritĂ© de la foi sur l’intelligence cf. Proslogion, ch. 1, p. 40, de sorte que la dĂ©finition qu’il propose ne fait que formuler spĂ©culativement, dans la langue la plus abstraite, la vĂ©ritĂ© connue par la foi. Mais d’autre part, il fait remarquer qu’on ne saurait confondre l’ĂȘtre tel que rien de plus grand ne peut ĂȘtre pensé» quo nihil majus cogitari possit avec l’ĂȘtre plus grand que tous les autres» quo nihil majus, pourtant plus proche de la comprĂ©hension commune et religieuse de Dieu, sans manquer la puissance dĂ©monstrative de la preuve, et finalement sa capacitĂ© Ă  rĂ©futer l’athĂ©isme. Donc, Seigneur, non seulement tu es tel que rien ne se peut penser de plus grand, mais tu es quelque chose de plus grand qu’on ne peut penser. Car puisqu’on peut penser quelque chose de tel, si tu n’es pas ce quelque chose, on peut penser quelque chose de plus grand que toi ; ce qui ne peut se faire» ibid., ch. 15, p. 61. Sans doute l’ĂȘtre majus omnibus traduit-il aussi une sorte de passage Ă  la limite, mais non pas comme l’ĂȘtre quo nihil majus, qui assigne la pensĂ©e Ă  sa rĂ©fĂ©rence absolue et inobjectivable. Donc Dieu mĂ©rite d’ĂȘtre dĂ©fini comme quelque ĂȘtre tel qu’on ne peut rien penser de plus grand» ibid., ch. 2, p. 40. Dieu peut-il n’ĂȘtre, en vertu de cette dĂ©finition, qu’un concept esse objectivum, ou, esse in intellectu, sans exister rĂ©ellement esse formale, ou, esse actuale en dehors de ce concept extra intellectum ? Mais ĂȘtre existant Ă  la fois dans l’intellect et dans la rĂ©alitĂ©, est quelque chose de plus grand qu’ĂȘtre seulement dans l’entendement, comme il est vrai que x + y > x, quand x et y sont non nuls cf. B. Pautrat, ibid., Introduction, p. 13 on pourrait alors concevoir quelque chose de plus grand que Dieu. Dieu ne serait pas Dieu l’ĂȘtre tel que rien de plus grand n’est pensable, ce qui est absurde. Donc Dieu existe, en vertu de sa dĂ©finition, Ă  la fois dans l’intellect et dans la rĂ©alitĂ©. B. SĂšve rĂ©sume bien l’argument serrĂ© du chapitre 2 Ce qui est tel que rien de plus grand ne puisse ĂȘtre pensĂ© ne peut pas exister seulement dans l’intelligence ; car s’il n’était que dans l’intelligence, s’il n’était qu’un concept, on pourrait concevoir un autre ĂȘtre qui existerait aussi hors de l’intelligence, et qui serait donc plus grand que lui, contre l’hypothĂšse. Pour ĂȘtre vraiment tel qu’on ne puisse penser quelque chose de plus grand que lui, il doit donc exister non seulement dans l’intelligence, Ă  titre de concept, mais aussi dans le rĂ©el» La question philosophique de l’existence de Dieu, p. 17. Le nerf de la preuve consiste dans l’articulation originale d’une comparaison tel que et d’une nĂ©gation rien ne se peut, ce qui la rend irrĂ©ductible Ă  sa comprĂ©hension par Gaunilon Dieu est l’ĂȘtre plus grand que tous les ĂȘtres, ou le-plus-grand» ibid., p. 77. Sans dĂ©fendre l’erreur de l’insensĂ©, ce moine dĂ©fend toutefois l’insensĂ© contre l’argument anselmien. En un sens la dĂ©finition de Gaunilon dit la mĂȘme chose que celle d’Anselme, mais sous une forme qui n’a pas la mĂȘme puissance logique de calcul, ce qui change tout. D’ordinaire, c’est-Ă -dire pour une chose finie, dĂ©finir c’est cerner l’identitĂ© d’une chose, ce qui n’est possible que par mode de nĂ©gation. Toute dĂ©finition est une dĂ©termination et toute dĂ©termination enveloppe une nĂ©gation. La dĂ©finition de Dieu comme l’ĂȘtre tel que rien de plus ne saurait ĂȘtre pensé» fonde au contraire une preuve par l’infini elle Ă©nonce que Dieu est un ĂȘtre tel qu’il n’a pas de dehors cf. B. Pautrat, ibid., p. 15. En concevant et en dĂ©finissant Dieu de cette façon, la pensĂ©e tend immĂ©diatement vers le concept impossible qui dĂ©passerait Dieu elle vise x tel qu’il n’y a aucun y possible > x et se trouve, par lĂ , renvoyĂ©e Ă  l’impossibilitĂ© d’un au-delĂ  de Dieu. DĂ©finir Dieu c’est exactement le comparer au concept impossible d’un ĂȘtre plus grand. Ou encore Dieu est dĂ©fini par Anselme comme la nĂ©gation a priori d’une comparaison impossible. Cette preuve ouvre, par delĂ  la question de son existence, tout un espace de calcul qui peut servir Ă  dĂ©terminer l’essence de Dieu. Tout prĂ©dicat de Dieu qui rendrait possible de penser y > x ne peut appartenir Ă  Dieu comme la contingence, la mĂ©chancetĂ©, l’injustice, car un tel ĂȘtre, visĂ© comme Dieu, ne serait pas Dieu cf. B. Pautrat, ibid., p. 14-15. Que valent les preuves de l’existence de Dieu ? On peut leur adresser deux critiques 1 aucune preuve n’entraĂźne la foi cf. Pascal, ou du moins ne suffit Ă  faire croire. Le Dieu qui est prouvĂ© par la raison reste un Dieu prĂ©cisĂ©ment mĂ©taphysique, un Dieu pour l’entendement et non un Dieu pour l’existence. L’homme a besoin d’un autre Dieu, accessible au sentiment, Ă  l’intuition, un Dieu sensible au cƓur, Ă  la dĂ©tresse, Ă  la plainte, Ă  la si la raison peut identifier la premiĂšre cause, l’ĂȘtre par soi 
 Ă  ce qu’on nomme en religion Dieu, il demeure un fossĂ© entre ce Dieu de la raison et le Dieu de la foi. Le Dieu religieux de la foi demeure irrĂ©ductible au Dieu mĂ©taphysique. La raison peut dĂ©montrer l’existence de Dieu, mais de cette existence l’individu n’a rien Ă  faire. Encore cet argument n’est-il pas tout Ă  fait recevable puisque la mĂ©taphysique ne prĂ©tend pas prouver le Dieu de la foi, Ă©tablir la religion, mais seulement rĂ©futer l’athĂ©isme elle n’entend pas faire croire en Dieu mais proposer un objet rationnel Ă  la foi, rendre la foi lĂ©gitime rationnellement. Ce qui est une maniĂšre de rappeler que la croyance en Dieu et Dieu, la philosophie de la religion et la mĂ©taphysique ou la thĂ©ologie rationnelle sont deux choses distinctes — et en mĂȘme temps que l’on ne peut complĂštement les sĂ©parer puisque, Ă  dĂ©faut de faire croire causer la croyance, la philosophie peut essayer de rendre raison de la foi. 2 aucune preuve n’est convaincante. La raison s’emploie assez facilement Ă  rĂ©futer les preuves qu’elle Ă©tablit avec tant de peine. L’examen rationnel peut ainsi ĂȘtre conduit Ă  deux types de considĂ©rations soit l’inconsistance de l’idĂ©e de Dieu Hume soit l’impossibilitĂ© d’un jugement d’existence Ă  l’idĂ©e consistante de Dieu Kant. Hume montre ainsi Cf. EnquĂȘte sur l’entendement humain, IX que l’expĂ©rience qui est l’unique source de notre connaissance ne peut justifier l’idĂ©e d’un ĂȘtre infini tel que la mĂ©taphysique pense pourvoir le concevoir. MĂȘme si la nature prĂ©sente un ordre, la raison ne peut conclure qu’à des attributs divins en proportion avec cet ordre mĂȘme tel qu’on l’observe. Il est impossible de parvenir au concept d’un ens realissimum. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’augmentation sans limite sur laquelle repose le raisonnement mĂ©taphysique est impossible ni par impression, ni par rĂ©flexion. Hume renvoie finalement Ă  une alternative soit on prouve Dieu par analogie — car supposer un Dieu absolument incomprĂ©hensible, absout de toute comparaison, c’est un mysticisme qui confine Ă  l’athĂ©isme Dialogues sur la religion naturelle, IV — mais alors l’analogie ne permet d’atteindre qu’un Dieu limitĂ© par l’analogie, ni parfait, ni un ; soit on tente de passer par la preuve a contingentia mundi qui, pour lui, est un argument a priori comme la preuve ontologique, mais alors puisque par dĂ©finition la non-existence d’une chose n’implique aucune contradiction, l’idĂ©e d’existence nĂ©cessaire est dĂ©nuĂ©e de sens Il y a une absurditĂ© Ă©vidente Ă  prĂ©tendre dĂ©montrer une chose de fait, ou Ă  la prouver par des arguments a priori. Rien de ce qui est distinctement concevable n’implique contradiction. Tout ce que nous concevons comme existant, nous pouvons aussi le concevoir comme non existant. Il n’y a donc pas d’ĂȘtre dont la non-existence implique contradiction. En consĂ©quence, il n’y a pas d’ĂȘtre dont l’existence soit dĂ©montrable. Je propose cet argument comme entiĂšrement dĂ©finitif.» Dialogues sur la religion naturelle, IX. Donc ou bien par l’analogie on prouve un Dieu non infini, ou par la preuve a priori on ne prouve aucune existence. Pour Kant, il est impossible d’attribuer l’existence Ă  l’idĂ©e de Dieu. L’insuffisance de la preuve physico-thĂ©ologique consiste dans l’écart entre un Dieu architecte auquel parvient l’analogie artisanale et l’idĂ©e d’un Dieu crĂ©ateur. La preuve cosmologique repose sur un usage illĂ©gitime des concepts et du principe de causalitĂ© poser une nĂ©cessitĂ© inconditionnĂ©e identifiĂ©e Ă  Dieu c’est sortir de l’expĂ©rience qui est le cadre de l’usage des catĂ©gories de l’entendement. Reste la preuve ontologique — que prĂ©suppose en rĂ©alitĂ© la preuve cosmologique elle a besoin du concept d’ĂȘtre souverainement rĂ©el ens realissimum pour son concept d’ĂȘtre nĂ©cessaire ens necessarium. La preuve suppose qu’un ĂȘtre nĂ©cessaire est un ĂȘtre dont la non-existence est impossible. Mais que signifie dans ce cas impossible » ? Soit un triangle il est impossible sans contradiction de penser son concept sans penser que la somme des angles Ă©gale 180°. Mais je peux ne pas penser le concept de triangle. Je ne peux poser un triangle sans ses prĂ©dicats, mais je peux ne poser ni le sujet ni ses prĂ©dicats. Ainsi pour Dieu. Si je pense Dieu, je ne peux pas ne pas penser la toute-puissance. Mais rien n’empĂȘche aucune contradiction de dire que Dieu n’est pas. Il est impossible ou contradictoire de dire que Dieu n’est pas omnipotent mais pas de dire qu’il n’est pas. Autrement dit, il ne faut pas confondre le sens copulatif » et le sens existentiel du verbe ĂȘtre » Dieu est x ; xDieu est. Mais dans l’argument ontologique, on veut dire encore autre chose que Dieu existe rĂ©ellement. Ainsi Dieu est » signifie Dieu est sens copulatif rĂ©ellement existant sens copulatif ». L’argument ontologique traite donc l’existence comme un prĂ©dicat et un prĂ©dicat rĂ©el. Dans ce cas, Dieu n’est pas rĂ©ellement existant » est identique Ă  Dieu n’est pas tout puissant » il y a contradiction entre l’idĂ©e de Dieu et un prĂ©dicat qui lui appartient nĂ©cessairement toute-puissance ou existence. L’existence est une perfection ; or Dieu est souverainement parfait ; donc il existe nĂ©cessairement. Kant reprend dans la Critique de la raison pure le mĂȘme raisonnement Ă©tabli dans l’essai de 1763 sur L’Unique fondement possible d’une dĂ©monstration de l’existence de Dieu. L’ĂȘtre ou l’existence n’est pas une position relative comme un prĂ©dicat logique par rapport Ă  un sujet, mais une position absolue, la position simple et irrĂ©ductible de quelque chose, en elle-mĂȘme et pour elle-mĂȘme». Quand on dit qu’une chose existe, on veut dire qu’elle est posĂ©e elle-mĂȘme avec tous ses prĂ©dicats. Ainsi l’existence n’est pas quelque chose qui s’ajoute au concept, mais ce qui est donnĂ© seulement Ă  la perception, dans l’expĂ©rience. Si l’existence s’ajoutait au concept d’une chose, cette chose serait diffĂ©rente en existant par rapport Ă  ce qu’elle est dans son concept. Je ne penserai pas la mĂȘme chose en pensant le concept de la chose possible et de la chose rĂ©elle. Concept + existence ≠ mĂȘme concept Il y a pourtant bien une diffĂ©rence entre existence possible et existence rĂ©elle. Le contenu was est identique mais pas la maniĂšre wie dont ce contenu est posĂ©e. La chose est davantage posĂ©e mehr gesetz que quand elle est simplement possible. Mais l’existence ne s’ajoute pas Ă  son concept elle est la position de la chose elle-mĂȘme avec tous ses prĂ©dicats. Pour rencontrer l’existence il faut sortir du concept l’existence est ce qui est posĂ©e Ă  l’extĂ©rieur du concept. Ainsi si c’est seulement dans l’expĂ©rience par la perception et non pas simplement par la conformitĂ© avec les conditions de l’expĂ©rience qu’une existence est donnĂ©e, l’existence de Dieu est Ă©videmment inaccessible. Il n’y a pas de “privilĂšge » au concept de Dieu le seul ĂȘtre dont l’essence implique l’existence — c’est mĂȘme le contraire Dieu est le concept dont l’existence doit demeurer quelque chose de problĂ©matique. L’existence de Dieu ne pourra jamais ĂȘtre prouvĂ©e — ou les preuves envelopperont toujours une illusion et un vice de raisonnement. Mais si l’existence de Dieu n’est pas dĂ©montrable — ou pas de maniĂšre apodictique » — alors son inexistence n’est pas non plus prouvĂ©e irrĂ©futablement. Donc /1/ pour Kant, l’idĂ©e de Dieu reste consistante, mĂȘme si le jugement d’existence ne peut lui ĂȘtre appliquĂ©. C’est la diffĂ©rence avec Hume. Dieu est une idĂ©e IdĂ©e nĂ©cessairement produite par la raison. Et si Dieu est aboli » comme objet supra-sensible, il est conservĂ© comme un principe rĂ©gulateur pour l’entendement dans l’unification de ses connaissances Dieu est l’idĂ©al raison d’une unification de toutes les lois entendement. L’illusion de la mĂ©taphysique consiste Ă  hypostasier comme un ĂȘtre un principe heuristique. Dieu est maintenu au-delĂ  de la rĂ©futation de la thĂ©ologie rationnelle postulat de la raison pratique. /2/ croire en Dieu est possible. La croyance en Dieu est lĂ©gitime faute de raison contre l’hypothĂšse de Dieu. Et mĂȘme c’est la foi qui se trouve renforcĂ©e de l’impossibilitĂ© d’une preuve rationnelle de Dieu. Et si la religion est utile, il faut croire en Dieu car la raison n’a rien Ă  y opposer de maniĂšre dĂ©finitive. MĂȘme fausse, la religion est utile En effet si l’hypothĂšse de Dieu n’est pas dĂ©montrable irrĂ©futablement, que vaut rationnellement la croyance religieuse ? L’impossibilitĂ© de fonder la croyance religieuse sur une preuve rationnelle suffit-elle Ă  conclure Ă  son irrationalitĂ© ? Plusieurs attitudes sont ici possibles 1 Il n’est pas raisonnable de croire aucune proposition s’il n’y a aucune raison de supposer qu’elle est vraie or telle est le cas de la religion. Aucune religion ne semble pouvoir rĂ©sister Ă  un examen sĂ©rieux des raisons sur lesquelles elle s’appuie pour exiger la croyance. L’athĂ©isme est la consĂ©quence logique et rationnelle de cette position. 2 L’absence de raison de la croyance ne prouve rien contre la croyance puisqu’il n’y a pas de preuve contre l’existence de Dieu. L’impossibilitĂ© de la dĂ©monstration de l’existence et de l’inexistence de Dieu assure le triomphe du fidĂ©isme. La seule maniĂšre pour l’homme de se rapporter Ă  Dieu, c’est la pure et simple affirmation, ce que Kierkegaard nomme la foi l’esprit ne va pas Ă  Dieu par la mĂ©diation concept mais par le saut de la foi». 3 La rationalitĂ© de la religion doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e non pas en fonction de la vĂ©ritĂ© des croyances mais de leur utilitĂ©. Le rationalisme se trompe finalement de cible et sa critique de la religion est sans effet. Nietzsche est plus clairvoyant L’homme est ainsi un article de foi pourrait ĂȘtre rĂ©futĂ© de mille façons pour lui — si l’on pose qu’il en a besoin, il le considĂ©rerait toujours Ă  nouveau comme “vrai“ — conformĂ©ment Ă  cette fameuse “preuve de la force“ dont parle la Bible » Gai savoir, § 347. Le paradoxe serait alors le suivant c’est de son absence de lien avec la vĂ©ritĂ© que la religion tire son crĂ©dit universel. La vĂ©ritĂ© d’une croyance ne lui attribue aucun avantage dĂ©cisif pour les hommes alors que l’argument de l’utilitĂ© lui accorde une force irrĂ©sistible. Les hommes commencent Ă  croire sans doute pour les plus mauvaises raisons, et l’habitude, la tradition font le reste. Finalement on ne croit pas en Dieu, mais on croit dans le Dieu de sa religion, cĂ d de sa culture et de son Ă©ducation. Descartes comme c’est bien connu n’applique pas la mĂ©thode du doute Ă  l’action et ainsi prĂ©serve sa religion de l’examen rationnel La premiĂšre Ă©tait d’obĂ©ir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grĂące d’ĂȘtre instruit » Discours de la mĂ©thode, III. Et Ă  RĂ©vius, thĂ©ologien de Leyde qui dĂ©sirait engager le philosophe français Ă  dĂ©battre sur la religion, lui faisant d’observer qu’il devrait appliquer le mĂȘme zĂšle Ă  examiner les fondements de sa religion qu’à la connaissance, obtint de Descartes seulement cette rĂ©ponse qu’il avait la religion de son roi et entendait conserver celle de sa nourrice. On pourrait en conclure d’une part qu’on acquiert sa religion comme un ordre Ă©tabli, que la croyance religieuse est une fidĂ©litĂ© aux valeurs en usage. C’est dĂ©jĂ  ce que disait Montaigne, avant Descartes, dans l’Apologie de Raymond Sebond Nous ne recevons notre religion qu’à notre façon et par nos mans, et on autrement que comme les autres religions se reçoivent. Nous nous sommes rencontrĂ©s au pays oĂč elle Ă©tait en usage ; ou nous regardons son anciennetĂ© ou l’autoritĂ© des hommes qui l’ont maintenue ; ou craignons les menaces qu’elle attache aux mĂ©crĂ©ants ; ou fuyons ses promesses. ces considĂ©rations la doivent ĂȘtre employĂ©es Ă  notre crĂ©ance, mais comme subsidiaires ce sont liaisons humaines. Une autre rĂ©gion, d’autres tĂ©moins, pareilles promesses et menaces nous pourraient imprimer par mĂȘme voie une croyance contraire. Nous sommes ChrĂ©tiens Ă  mĂȘme titre que nous somme PĂ©rigourdins ou Allemands » — Montaigne aprĂšs l’expĂ©rience des guerres civiles se dĂ©fie des consĂ©quences sociales et politiques de l’hĂ©rĂ©sie quelque apparence qu’il y ait en la nouveautĂ©, je ne change pas aisĂ©ment, de peur que j’ai de perdre au change. Et puis, je ne suis pas capable de choisir et le tiens en l’assiette oĂč Dieu m’a mis. Autrement je ne me saurais garder de rouler sans cesse. Ainsi me suis-je, par la grĂące de Dieu, conservĂ© entier, sans agitation et trouble de conscience, aux anciennes crĂ©ances de notre religion, au travers de tant de sectes et de divisions que notre siĂšcle Ă  produites». Ainsi l’argument de l’utilitĂ© de la religion sert au traditionalisme, au conservatisme, au scepticisme aussi. La religion fait sociĂ©tĂ© elle est utile aux hommes pour vivre ensemble, partager les mĂȘmes valeurs et mĂȘme pour les Ă©duquer moralement. La majoritĂ© des hommes s’imagine mal comment vivre sans religion. La religion est finalement au principe du processus de civilisation lui-mĂȘme en rĂ©primant en l’homme ses instincts les plus violents. Selon Freud par exemple, la raison de la violence n’est pas dans les facteurs extĂ©rieurs injustices mais inscrite en profondeur en l’homme agressivitĂ©, ce qu’il nomme pulsion de mort ». Toute culture doit nĂ©cessairement s’édifier sur la contrainte et le renoncement pulsionnel. » L’Avenir d’une illusion, Le fond de la culture ou de la civilisation consiste non dans le travail et le moyens de rĂ©guler par lui les rapports sociaux, mais le sacrifice et le dĂ©dommagement de la pulsion. Ainsi ce sont les interdits qui fondent la culture interdit du meurtre, de l’inceste. Quel est alors le rĂŽle de la religion ? Il est Ă  la fois d’exorciser les peurs, de rĂ©concilier l’individu avec la cruautĂ© du destin la maladie et la mort et de le dĂ©dommager des souffrances imposĂ©es par la culture rĂ©pression des instincts. Ainsi la religion est Ă  la fois une institution qui appartient Ă  la culture, qui soutient la culture dans la rĂ©pression des instincts et ce qui compense le sacrifice de ces pulsions par la croyance dans une vie aprĂšs la mort, une justice divine, une rĂ©compense, sous le masque de l’amour ĂȘtre aimĂ© Ă  Ă©galitĂ© par Dieu qui fonde la fraternitĂ©. Autrement dit la religion effectue la fonction de la culture, cĂ d la coercition des pulsions sexuelles qui, si elles ne connaissaient pas de limite, seraient destructrices et effectueraient en fait la pulsion de mort elle-mĂȘme qui est la pulsion du plaisir Ă  l’agression contre autrui ou retournĂ©e contre soi. L’homme n’est pas un ĂȘtre doux, avide d’amour, qui tout au plus serait capable de se dĂ©fendre s’il est attaquĂ© ; mais que parmi les pulsions qui lui sont donnĂ©es, il peut compter aussi une part puissante de penchant Ă  l’agression. En consĂ©quence de quoi, le prochain ne reprĂ©sente pas seulement pour lui un auxiliaire ou un objet sexuel, mais aussi une tentation de satisfaire sur lui son agression. 
 Dans des circonstances qui lui sont favorables, lorsque tombent les forces psychiques qui s’opposaient Ă  elle et la rĂ©frĂ©naient, elle se manifeste aussi spontanĂ©ment. 
 L’existence de ce penchant Ă  l’agression, que nous pouvons ressentir en nous-mĂȘmes et prĂ©supposer Ă  bon droit chez autrui, est le facteur qui perturbe notre relation au prochain et oblige la culture aux efforts qu’elle dĂ©ploie. Par suite de cette hostilitĂ© primaire des hommes les uns envers les autres, la sociĂ©tĂ© culturelle est sans cesse menacĂ©e de ruine. L’intĂ©rĂȘt de la communautĂ© de travail n’en maintiendrait pas la cohĂ©sion les passions de type pulsionnel sont plus fortes que les intĂ©rĂȘts rationnels. La culture doit tout mettre en Ɠuvre pour poser des barriĂšres aux pulsions d’agressions des hommes et tenir en respect ses manifestations par des formes de rĂ©actions psychiques. De lĂ  la mise en Ɠuvre de mĂ©thodes pour inciter les hommes Ă  l’identification et aux relations d’amour rĂ©frĂ©nĂ©es dans leur visĂ©e, de lĂ  la restriction de la vie sexuelle, de lĂ  aussi le commandement idĂ©al aimer son prochain comme soi-mĂȘme, qui se justifie effectivement par le fait que rien n’est plus contraire Ă  la nature humaine originelle. MalgrĂ© tous ses efforts, cette aspiration de la culture n’a pas atteint grand-chose jusqu’ici. Elle espĂšre prĂ©venir les dĂ©bordements les plus grossiers de la violence brutale en s’arrogeant le droit d’exercer une violence sur les criminels, mais la loi ne saurait avoir de prise sur les manifestations les plus prudentes et les plus fines de l’agression humaine. Chacun de nous en vient Ă  laisser tomber les attentes illusoires qu’il a placĂ© dans ses semblables dans sa jeunesse, et peut apprendre combien leur malveillance lui rend la vie plus difficile et plus douloureuse. Ce faisant, il serait injuste de reprocher Ă  la culture de vouloir exclure des activitĂ©s humaines la querelle et la compĂ©tition. Sans doute sont-elles indispensables, mais l’antagonisme n’est pas nĂ©cessairement de l’hostilitĂ©, il lui sert seulement de prĂ©texte » Le Malaise dans la culture, ch. 5, GF, p. 132-134 La culture consiste Ă  endiguer les pulsions Ă©rotique et mortifĂšre et la religion a longtemps Ă©tayĂ© la digue culturelle par ses reprĂ©sentation d’un pĂšre tout puissant, d’une vie Ă©ternelle, d’une justice transcendante. Pour autant, faut-il identifier la religion Ă  ses reprĂ©sentations ? N’y a-t-il pas une spĂ©cificitĂ© des reprĂ©sentations religieuses ? Il faut revenir Ă L’Avenir d’une illusion pour y rĂ©pondre Les reprĂ©sentations religieuses, qui se donnent pour des dogmes, ne sont pas des prĂ©cipitĂ©s d’expĂ©riences ni des rĂ©sultats d’une pensĂ©e, ce sont des illusions, des accomplissements des dĂ©sirs les plus anciens, les plus forts, les plus urgents de l’humanitĂ© ; le secret de leur force est la force de ces dĂ©sirs. Nous savons dĂ©jĂ  que c’est l’effrayante impression de dĂ©sarroi chez l’enfant qui a suscitĂ© le dĂ©sir de protection – protection par l’amour – qu’a comblĂ© le pĂšre, et que c’est la notion de la persistance de ce dĂ©sarroi tout au long de la vie qui a fait se raccrocher Ă  l’existence d’un PĂšre – mais dĂ©sormais plus puissant. Du fait de l’action bienveillante de la providence divine, l’angoisse devant les dangers de la vie est apaisĂ©e, l’instauration d’un ordre Ă©thique du monde assure que s’accomplisse l’exigence de justice restĂ©e si souvent inaccomplie au sein de la civilisation humaine, le prolongement de l’existence humaine par une vie future fournit le cadre spatial et temporel dans lequel sont censĂ©s avoir lieu ces accomplissements de dĂ©sirs. Certaines rĂ©ponses Ă  des Ă©nigmes qui se posent au dĂ©sir humain de savoir, comme celle de la naissance du monde et celle du rapport entre le corps et l’ñme, sont dĂ©veloppĂ©s selon les prĂ©supposĂ©s de ce systĂšme ; c’est un immense soulagement pour la psychĂ© individuelle, lorsqu’elle est dĂ©barrassĂ©e des conflits infantiles issus du complexe du pĂšre et jamais entiĂšrement surmontĂ©s, et qu’ils sont rĂ©orientĂ©s vers une solution admise par tous. » Freud, L’Avenir d’une illusion, VI, 1927, Points Seuil, 2011. Fondamentalement Freud, conformĂ©ment Ă  sa position d’analyste, rĂ©cuse l’approche dogmatique de la religion. La religion c’est un ensemble de reprĂ©sentations, d’idĂ©es. Mais il ne faut pas traiter ces reprĂ©sentations comme des Ă©noncĂ©s cĂ d des propositions susceptibles d’ĂȘtre vraies ou fausses, comme on a Ă©tĂ© tentĂ© de le faire, procĂ©dant soit de l’expĂ©rience soit de la rĂ©flexion mais il faut les traiter comme des dĂ©sirs, ou plutĂŽt comme des accomplissements des dĂ©sirs les plus anciens, les plus forts, les plus urgents de l’humanitĂ© », ce qui revient Ă  dĂ©finir les idĂ©es religieuses comme des illusions la religion comme une illusion. Sans doute, Freud appartient-il Ă  la tradition du rationalisme critique de la religion. Mais son approche n’est pas sociale ou “doxique“, mais psychologique. Il s’agit de comprendre la force de la religion ou des reprĂ©sentations religieuses. Cette force ne peut expliquĂ©e par la critique rationnelle. Il faut montrer ce qui ne se voit pas, ce qui est plus profond que les Ă©noncĂ©s dogmatiques eux-mĂȘmes, la source psychique intime Ă  laquelle les reprĂ©sentations religieuses puisent. Le secret de la force de la religion est Ă  chercher dans les dĂ©sirs les plus anciens, le plus puissants et les plus toujours urgents de l’humanitĂ© — ce qui laisse supposer que les hommes ne sont pas contraints de croire mais qu’ils dĂ©sirent croire, qu’ils consentent Ă  la croyance. Le secret ou la force de la religion c’est qu’elle rĂ©pond au dĂ©sir archaĂŻque d’ĂȘtre protĂ©gĂ©, au sentiment de dĂ©tresse, Ă  la peur de l’abandon. La religion propose la protection d’un pĂšre ou substitue au pĂšre un Tout autre toujours lĂ  pour protĂ©ger, soulager, consoler dans l’épreuve, dans le deuil. Dieu est le pĂšre tout puissant qui survit Ă  la mort ou Ă  la dĂ©fection du pĂšre. La force de la religion est de consoler, d’apaiser l’angoisse et la dĂ©tresse infantile et de poser que le sens est dĂ©jĂ  lĂ , qu’il suffit de lover ou de loger son existence dans ce sens, en suivant les prescriptions religieuses, pour espĂ©rer la rĂ©compense et le bonheur suprĂȘmes. Si l’origine de la religion tient Ă  ce dĂ©sir de dĂ©passer la dĂ©tresse infantile, si la force de la religion est de consoler individuellement, d’engendrer une fraternitĂ© et un lien social ce que Freud analyse dans l’ouvrage de 1921, Psychologie des foules et analyse du moi, alors d’une part la religion est l’institution la plus utile et d’autre part aucune autre ne paraĂźt pouvoir la remplacer. Dans ces conditions, c’est celui qui dĂ©nonce la religion comme illusion qui est dans l’illusion. Rien n’est plus illusoire qu’une humanitĂ© ayant renoncĂ© Ă  l’illusion religieuse. C’est la thĂšse que Freud met dans la bouche de son propre objecteur ch. 9 et 10. En voici les principaux arguments l’homme ne peut se passer de religion » p. 66 un problĂšme d’ordre pratique, tenon une question de teneur en rĂ©alitĂ© » p. 74. Puisque l’individu a besoin d’ĂȘtre Ă©duquĂ©, sans pouvoir attendre qu’il ait atteint la maturitĂ© de l’autonomie intellectuelle, la religion est un systĂšme irremplaçable. Ainsi le rationaliste est dangereux parce qu’il veut remplacer une illusion qui a fait ses preuves et qui est d’une valeur affective certaine par une autre illusion, laquelle ne les a pas faites et qui ne possĂšde pas cette valeur » p. 75 Mais peut-on prouver que l’humanitĂ© est meilleure avec la religion que sans ? On en revient Ă  la ballade de J. Lenon, Imagine. La religion fait sociĂ©tĂ© mais contre les autres sociĂ©tĂ©s. La religion civilise mais aussi rend intolĂ©rant si, comme le pense Russell, la religion s’appuie sur trois passions fondamentales la peur — l’argument est ancien Ă©videmment Ma propre conception concernant la religion est celle de LucrĂšce. Je la regarde comme une maladie nĂ©e de la peur et une source de misĂšre inouĂŻe pour la race humaine. 
 La religion est fondĂ©e 
 en premier lieu et principalement sur la peur. C’est en partie la terreur de l’inconnu et en partie 
 le dĂ©sir de sentir que vous avez une sorte de frĂšre plus ĂągĂ© qui sera Ă  vos cĂŽtĂ©s dans tous vos ennuis et conflits. La peur est le fondement de toute la chose — la peur du mystĂ©rieux, la peur de la dĂ©faite, la peur de la mort » Pourquoi je ne suis pas chrĂ©tien, p. 24[10] ; mais aussi la suffisance conceit et la haine hatred. MĂȘme quand elle prĂŽne l’humilitĂ©, l’amour d’autrui, la religion conduit le croyant Ă  ĂȘtre convaincu qu’il est dans le vrai toute croyant croit que sa religion est la vĂ©ritĂ© et que sa religion est la vraie religion[11], que le monde est comme il le pense, qu’il appartient Ă  la catĂ©gorie des Ă©lus, des pieux, des justes, et ainsi Ă  ĂȘtre intolĂ©rant et parfois cruel envers l’autre qui est exclu de cette rectitude rigthteousness. L’autre est alors l’infidĂšle, le mĂ©crĂ©ant, l’apostat et mĂ©rite chĂątiment au nom de Dieu mĂȘme. La religion n’est jamais si violente contre les idĂ©es et contre les hommes que quand elle est plus dogmatique inquisition
, cĂ d plus certaine d’ĂȘtre du cĂŽtĂ© du vrai et du bien. C’est pourquoi Russell conclut ainsi son essai prĂ©cisĂ©ment intitulĂ© La religion a-t-elle contribuĂ© Ă  la civilisation ? » La religion empĂȘche nos enfants d’avoir une Ă©ducation rationnelle ; la religion nous empĂȘche d’éliminer les causes fondamentales de la guerre ; la religion nous empĂȘche d’enseigner l’éthique de la coopĂ©ration scientifique Ă  la place des vieilles doctrines fĂ©roces du pĂ©chĂ© et du chĂątiment. Il est possible que l’humanitĂ© soit au seuil d’un Ăąge d’or ; mais si c’est le cas, il sera nĂ©cessaire d’abattre d’abord le dragon qui garde la porte, et ce dragon est la religion » p. 47. Donc est-il bien raisonnable de juger la rationalitĂ© de la religion au besoin de Dieu ou de foi en Dieu ? N’est-ce pas dĂ©jĂ  tout accordĂ© au croyant que d’admettre un besoin de Dieu ou un besoin et une utilitĂ© de la religion — on peut ainsi entendre que c’est la religion qui tient en respect les individus dans la cohĂ©sion sociale et les empĂȘche de verser dans la violence la religion n’est pas le problĂšme mais la solution. Mais est-il bien raisonnable de dire que la religion est fausse mais utile, que c’est une illusion nĂ©cessaire sinon Ă  tous les hommes du moins Ă  la plupart d’entre eux — Spinoza parlait du salut des ignorants qui repose sur l’obĂ©issance, sur une conception anthropomorphique de Dieu adaptĂ©e Ă  l’imagination, alors que le sage, en principe, n’a pas besoin de religion[12]. Admettre le divorce entre le vrai et l’utile un utile faux, une vĂ©ritĂ© inutile est Ă©videmment une thĂšse coĂ»teuse pour un rationaliste. Comme le dit, Freud l’infantilisme doit ĂȘtre dĂ©passĂ©. Mais qu’est-ce qui permet Ă  l’homme de surmonter sa dĂ©tresse Ă  l’exception de la religion ? Au dernier chapitre, Freud manifeste un optimisme abandonnĂ© dans Le Malaise dans la culture il ne croit pas Ă  l’avenir de l’illusion religieuse, mais croit au contraire aux forces de l’esprit, de la raison et de la science au Dieu Logos comme il dit au chapitre 10 p. 78 une Ă©ducation sans religion est possible, et nul ne sait non seulement ce que peut l’éducation mais une Ă©ducation sans religion. Et si l’on objecte que la croyance dans la science est une illusion, on peut rĂ©pondre que la science a fourni qu’elle ne l’était pas p. 79. Non, notre science n’est pas une illusion. Mais ce serait une illusion de croire que nous puissions trouver ailleurs ce qu’elle ne peut nous donner » p. 80. Dans Le Malaise dans la culture 1929, le ton est plus pessimiste ou du moins, Freud dĂ©veloppe une sorte d’éthique de la dĂ©sillusion. Il considĂšre que la religion est une illusion et quelque chose de dĂ©passĂ©, mais il semble convaincu Ă©galement que, sinon la religion, du moins quelque chose comme la religion, est et restera nĂ©cessaire, inĂ©vitable pour la masse des hommes seuls les hĂ©ros de la culture » peuvent se passer de toute religion. La religion a encore un bel avenir si ce sont les masses qui commandent le cours de l’histoire. Vivre avec la religion religion et tolĂ©rance Que peut-on faire de la religion ? La question ne se pose pas pour le croyant. Mais le non-croyant a-t-il un devoir inconditionnel de respect de la foi religieuse ? Faut-il admettre que la foi religieuse est respectable parce qu’elle est la foi religieuse ? On entend souvent dire face Ă  un acte extrĂ©miste que ce n’est pas la “vraie“ religion, que la religion est instrumentalisĂ© par des individus, des groupes. Mais celui qui croit des choses absurdes n’est-il pas capable de choses atroces ? Ensuite, pourquoi respecter la foi du religieux modĂ©rĂ© et non celle du religieux fanatique ? C’est bien au nom de la foi que les hommes peuvent commettre les pires crimes. Comment un acte peut-il ĂȘtre une perversion de la foi si la foi n’a pas de justification objective ? Sans norme dĂ©montrable, la foi ne peut ĂȘtre dĂ©figurĂ©e. Du point de vue de la foi, l’extrĂ©miste n’est pas moins lĂ©gitime que le modĂ©rĂ© Ă  ses yeux, il l’est mĂȘme davantage car il est entiĂšrement soumis et intransigeant, il soutient une interprĂ©tation littĂ©rale du texte saint. Ensuite il suffit, selon le mĂȘme principe, d’affirmer que tel dogme ou tel devoir appartient Ă  sa foi, pour la faire accepter par toute la sociĂ©tĂ© Dawkins, p. 390. La foi de l’extrĂ©miste est une foi plus radicale ou, en tous cas, une autre expression de la foi, et donc toujours respectable. Qu’est-ce qui peut expliquer qu’un individu dĂ©cide de mourir en martyre, sinon qu’il croit vraiment ce qu’il dit croire, en l’occurrence que c’est le moyen le plus sĂ»r d’aller tout droit au paradis comme l’enseigne le texte saint cf. tĂ©moignage de Nasra Hassan citĂ© par Dawkins, p. 388-389 ? La religion rend sain le crime, absout le meurtre par le martyre. On dira que le Coran professe une religion de paix et non de guerre, condamne le meurtre de l’innocent, que tous les versets belliqueux doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s spirituellement. Mais tous ne le peuvent sans doute pas. L’interprĂ©tation du texte est Ă©videmment une partie de la solution pour une religion tolĂ©rante. Le statut pacifique ou guerrier de la religion dĂ©pend de la mĂ©thode d’interprĂ©tation du texte sacrĂ©. Mais [13]. L’islam a largement refermĂ© la tentative d’une interprĂ©tation plus rationaliste et historique du Coran comme celle des Mu’tazilites dĂšs le VIIIĂš siĂšcle favorables Ă  la libertĂ© humaine et Ă  un rationalisme Ă©thique, rĂ©futant l’incitation du Coran — mais en dĂ©clin dĂšs le XIĂš. — et d’AvĂ©rroĂšs XIIĂš s. par exemple[14]. Combattez ceux qui ne croient pas en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vĂ©ritĂ©, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, aprĂšs s’ĂȘtre humiliĂ©s». c Et si le texte ici coranique est une sĂ©lection hĂ©tĂ©roclite de versets qui enseignent des choses contradictoires et s’il est maintenu que c’est toujours la parole mĂȘme de Dieu qui s’y exprime, comment choisir les uns contre les autres sans blasphĂ©mer contre Dieu mĂȘme qui est le crime suprĂȘme ? Et si l’on s’appuie sur le principe de l’abrogation Ă©laborĂ© par les Ă©rudits musulmans pour sortir des contradictions selon lequel les textes ultĂ©rieurs priment sur les plus anciens, et puisque les passages pacifistes datant en majoritĂ© du temps de la Mecque, les versets les plus belliqueux de MĂ©dine peuvent faire autoritĂ©. C’est pourquoi le musulman radical peut ĂȘtre fondĂ© Ă  dĂ©clarer que “tout musulman qui nie que la terreur fasse partie de l’islam est kafir“ citĂ© par Dawkins, p. 391. Ainsi que peut-ĂȘtre une religion tolĂ©rante ? Une religion tolĂ©rante est-elle possible ? Une religion tolĂ©rante est-elle une religion modĂ©rĂ©e ? Une position rigoureuse et cohĂ©rente est possible veut-on une religion de tolĂ©rance, il ne suffit peut-ĂȘtre pas de “tolĂ©rer” une religion modĂ©rĂ©e. Car dĂšs lors qu’on admet que 1 la foi est une vertu c’est une perfection de croire en Dieu alors mĂȘme qu’elle ne peut recevoir de justification rationnelle et/ou qu’elle est placĂ©e au-dessus de toute discussion 2 le devoir envers Dieu surpasse tout 3 que tout le texte saint doit ĂȘtre cru et appliquĂ© Ă  la lettre, comme par exemple que le martyre au nom de Dieu est rĂ©compensĂ© par le Paradis — alors la pire violence est toujours possible au nom de la religion. Mais alors, comme le soutient Dawkins, ce n’est pas l’extrĂ©misme religieux qu’il faut blĂąmer, mais la religion elle-mĂȘme. Beaucoup de gens seraient prĂȘts Ă  mourir plutĂŽt que de penser. Et ils meurent » Russell, ibid., p. 389 et mĂȘme ils tuent, ou ils tuent en mourant. De l’absurde irrationnel la foi je crois parce que c’est absurde Ă  l’absurde dĂ©raisonnable le crime je tue l’innocent ou mon propre frĂšre au nom de Dieu, la consĂ©quence est bonne. L’alternative ne serait pas alors entre religion radicale ou extrĂ©miste et religion modĂ©rĂ©e, mais entre tolĂ©rance ou religion. Il faudrait inverser la formule de Kant j’ai dĂ» abolir la croyance pour faire place au savoir et Ă  la tolĂ©rance. La tolĂ©rance ne procĂšde pas de l’abolition de la religion radicale au profit de la religion modĂ©rĂ©e mais de l’abolition de la religion imagine there is no heaven
 no religion too. Le projet Ă©mancipateur des LumiĂšres aura Ă©tĂ© indissociable de l’idĂ©e de tolĂ©rance Locke, Voltaire. La tolĂ©rance implique le pluralisme religieux problĂšme religieux et pose le problĂšme du rapport entre l’Etat et les Ă©glises problĂšme politique. Qu’est-ce qui est tolĂ©rable pour un Etat laĂŻque ? Que faire pour passer d’une tolĂ©rance nĂ©gative subie comme un modus vivendi Ă  une tolĂ©rance positive qui engage la reconnaissance et le respect d’autres conceptions de la vĂ©ritĂ© et la production de droits individuels cf. Denis Lacorne, Les frontiĂšres de la tolĂ©rance, Gallimard 2016. On sait que la question de la tolĂ©rance aura Ă©tĂ© au cƓur de l’histoire politique de l’Europe — accords de paix comme celui d’Augsbourg 1555 offrant la coexistence dans la sĂ©paration ejus regio, cujus religio ou l’Edit de Nantes, droit individuel de libertĂ© de conscience et de culte
 De fait, chaque sociĂ©tĂ© dĂ©finit ce qui est tolĂ©rable et ce qui ne l’est pas, les limites de la tolĂ©rance religieuse. Que faut-il entendre au minimum par tolĂ©rance » ? la coexistence pacifique de groupes humains relevant d’histoires, de cultures et d’identitĂ©s diffĂ©rentes » M/ Walzer, TraitĂ© sur la tolĂ©rance, Gallimard 1998, Cette dĂ©finition ne fixe pas de forme politique nĂ©cessaire Ă  la tolĂ©rance religion d’Etat qui tolĂšre les autres confessions dans les limites de l’ordre public, Etat impĂ©rial qui protĂšge toutes les communautĂ©s mais en y enfermant les individus, Etat laĂŻque qui protĂšge toutes les confessions sans en privilĂ©gier aucune mais surtout au bĂ©nĂ©fice des individus,. Seule la guerre civile signe l’échec de la tolĂ©rance ainsi dĂ©finie. Par ailleurs, la tolĂ©rance est susceptible de plusieurs degrĂ©s Politiquement, les formules de la tolĂ©rance semblent se cristalliser autour de deux pĂŽles laĂŻcitĂ© rĂ©publicaine disparition de la religion dans l’espace public ou sĂ©cularisation dĂ©mocratique jeu de la privatisation socio-culturelle des croyances. Mais sans doute aucune formule ne peut se passer dĂ©sormais de l’autre la laĂŻcitĂ© rĂ©publicaine doit laisser faire une certaine sĂ©cularisation, une subjectivisation religieuse, et la sĂ©cularisation doit s’appuyer sur des institutions protĂ©geant les droits civils. Bibliographie principaux ouvrages citĂ©s Bouveresse, Que peut-on faire de la religion ? ; Dawkins, Pour en finir avec Dieu ; Pouivet, Sur la rationalitĂ© des croyances religieuses » ; Russell, Pourquoi je ne suis pas chrĂ©tien ; Wittgenstein, “Leçons sur la croyance religieuse”, Leçons et conversations [1] Encore des diffĂ©rences apparaissent-elles entre les religions. D’une part la croyance en Dieu est un des objets de la croyance religieuse cf. dans le christianisme, le symbole des ApĂŽtres. Mais l’existence de Dieu n’est pas toujours posĂ©e comme l’objet d’un acte de croyance. Pour la religion musulmane, comme pour les religions paĂŻennes, l’existence de Dieu est une Ă©vidence, saisissable par tout homme en contemplant l’ordre naturel, par l’usage de la droite raison. La rĂ©vĂ©lation ne porte pas sur l’existence de Dieu mais sur son unicitĂ©. Il n’y a de dieu que Dieu et Dieu est l’unique. VoilĂ  ce qu’il faut croire fondamentalement et qui fait l’objet de la rĂ©vĂ©lation. [2] Il n’est pas certain que pour les deux autres monothĂ©ismes on puisse trouver formulĂ© pareil formulaire de la foi. Pour la religion musulmane, les 5 piliers sont professer l’unicitĂ© de Dieu et que Mahomet est son prophĂšte ; accomplir 5 priĂšres quotidiennes ; pratiquer l’aumĂŽne ; pratiquer le jeĂ»ne du Ramadan ; accomplir le pĂšlerinage de la Mecque. La religion musulmane ne se laisse pas exactement ramenĂ©e Ă  un credo mais Ă  un facio, Ă  un agio. Sur le plan de la foi, l’équivalent du Symbole des ApĂŽtres serait peut-ĂȘtre 1. adorer Dieu sans lui associer aucune autre divinitĂ© shahada 2. croire en Dieu comme Seigneur et crĂ©ateur 3. croire aux anges, Ă  leur hiĂ©rarchie 4. croire aux Djinns 5. croire aux livres cĂ©lestes Coran, Thora, Psaumes, Evangile 6. croire aux messagers de Dieu 7. croire Ă  la prĂ©destination [3] La question du miracle occupe une place centrale dans la rĂ©flexion sur la religion. La croyance au miracle semble mĂ©tonymique avec la croyance religieuse. En effet, si Dieu est Dieu, il est tout puissant. Or rien ne rĂ©siste Ă  la toute puissance de Dieu, ni l’impossible physique, ni l’impossible logique. Donc la croyance au miracle est lĂ©gitime et nĂ©cessaire. Si je crois en Dieu je crois ou je suis autorisĂ© par la foi mĂȘme Ă  croire au miracle mĂȘme si je peux subjectivement ne pas m’y conformer. On aurait ici peut-ĂȘtre l’unique cas d’une implication de deux vĂ©ritĂ©s de foi Si p alors q, cĂ d si Cp alors Cq. Inversement, celui qui ne croit pas au miracle, ne croit pas vraiment en Dieu. Si non q alors non p, cĂ d si non Cq alors non Cp. La question du miracle a Ă©tĂ© longuement examinĂ©e par la mĂ©taphysique rationaliste du XVIIe siĂšcle. Mais la mĂ©taphysique a pour ainsi dire sĂ©parĂ© la question du miracle et la question de la croyance — elle a justement traitĂ© le miracle comme une question mĂ©taphysique. En effet elle a privilĂ©giĂ© l’examen de la possibilitĂ© du miracle ? Il ne s’agit moins de savoir si la croyance au miracle est raisonnable que de savoir si le miracle est possible. Dans le vocabulaire de la mĂ©taphysique classique, le miracle est une volontĂ© particuliĂšre de Dieu, alors que la loi de la nature est une volontĂ© gĂ©nĂ©rale. Or il s’agit de savoir si la raison peut admettre la possibilitĂ© du miracle dans la nature, parce qu’il implique contradiction soit avec le systĂšme des lois — il y a une stricte contradiction entre la loi et le miracle si p loi alors non q miracle ; si q miracle alors non p loi ; soit en Dieu mĂȘme entre ses volontĂ©s gĂ©nĂ©rales et ses volontĂ© particuliĂšres — Dieu peut-il vouloir contre ce qu’il a voulu sans se nier lui-mĂȘme ? La mĂ©taphysique de la nĂ©cessitĂ© exclut par dĂ©finition le miracle un miracle est impossible, ou relĂšve de l’imagination et de la croyance mais jamais de la connaissance. Pour concevoir la possibilitĂ© physique et logique du miracle, il faut admettre une contingence de lois de la nature. Descartes parce exemple considĂšre que les lois physiques ne sont pas physiquement nĂ©cessaires, mais elles sont pourtant immuables Ă©tant donnĂ©e la vĂ©racitĂ© divine ce qui de fait exclut le miracle. Pour Malebranche, le miracle est possible parce que les lois de la nature sont soumises ou en accord avec les lois de la grĂące. Quant Ă  Leibniz, le miracle est possible parce que les lois de la nature n’étant pas soumises au principe d’identitĂ© ou de contradiction, elles ne sauraient ĂȘtre nĂ©cessaires. Elles sont seulement des coutumes de Dieu » Discours de mĂ©taphysique, art. 7. Ainsi, le miracle n’est pas une exception Ă  l’ordre de la nature, mais plutĂŽt l’expression d’une loi plus gĂ©nĂ©rale mĂȘme si sa traduction est particuliĂšre que la coutume de la loi. Si la loi est une coutume, Dieu peut s’en dispenser pour suivre le meilleur. Hume dĂ©place la rĂ©flexion sur le miracle et dĂ©veloppe une critique Ă  la fois originale et trĂšs corrosive cf. EnquĂȘte sur l’entendement humain, section X. Il ne se place pas sur le terrain de la possibilitĂ© du miracle comme la mĂ©taphysique classique, n’évoque pas le complot des prĂȘtres pour abuser des hommes, mais il se place sur le terrain de la croyance. Le miracle est une coutume non de Dieu mais de l’homme, ce qui change tout. Contrairement aux mĂ©taphysiques classiques, le miracle est tout Ă  fait possible physiquement. Le rapport de causalitĂ© n’est pas nĂ©cessaire dans les choses, donc n’importe quel effet est toujours possible de n’importe quelle cause. Sans lois objectives, aucun Ă©vĂ©nement n’est plus ou moins miraculeux qu’un autre s’il n’y a rien de nĂ©cessaire, il n’y a rien de miraculeux ou tout l’est. Mais alors c’est la religion elle-mĂȘme qui est interrogĂ©e. La question devient qu’est-ce qui peut ĂȘtre cru ? Croire au miracle, est-ce une croyance possible ? Soit un prince indien qui ne peut croire ce qu’on lui raconte sur les effets du gel. Son expĂ©rience ne lui permet pas de croire quelque chose que l’expĂ©rience permet tout Ă  fait Ă  un Ecossais. On pourrait arguer de cet exemple la possibilitĂ© du miracle l’homme qui refuse de croire au miracle dont Dieu serait capable arrĂȘter le soleil, sĂ©parer, la mer, ressusciter les morts
 est dans le mĂȘme cas que le prince indien qui refuse de croire au gel, Ă  la glace. Il ne croit pas ce qui est non seulement possible et bien rĂ©el. En rĂ©alitĂ©, c’est exactement le contraire qu’il faut conclure. Si le prince indien venait en hiver en Ecosse, il pourrait Ă©tendre sa croyance en mĂȘme temps que son expĂ©rience, alors que pour le miracle religieux, aucune extension de l’expĂ©rience, ici ou ailleurs, ne peut corriger une expĂ©rience partielle. C’est donc l’expĂ©rience qui justifie la croyance. L’indien a raison de ne pas croire au gel parce qu’il raisonne sainement Ă  partir de son expĂ©rience. Il serait au contraire parfaitement irrationnel qu’il en vienne Ă  y croire. Autrement dit du point de vue subjectif et non plus physique oĂč le miracle est par dĂ©finition possible le miracle, cĂ d la croyance au miracle est impossible. En effet le sage proportionne sa croyance Ă  l’évidence » p. 184, Aubier. Croire au miracle c’est croire l’incroyable le miracle c’est l’incroyable [4] Une croyance religieuse n’est pas une croyance ordinaire — cĂ d Ă  propos de laquelle on puisse demander de la justifier par des preuves empiriques, historiques, dĂ©monstratives. Pour autant on ne doit pas la dĂ©clarer irrationnelle ou dĂ©raisonnable. Le lieu de la religion n’est pas entre la croyance et son contenu propositionnel mais entre le croyant et sa croyance. Dire par exemple que le chrĂ©tien croit pour des raisons historiques sur la vie de JĂ©sus est une approche dĂ©placĂ©e ou impropre du christianisme. Car la preuve historique n’a rien Ă  voir avec la croyance. Le chrĂ©tien ne croit pas parce qu’il croit Ă  la vĂ©racitĂ© du rĂ©cit des Evangile. Mais ce rĂ©cit est reçu avec foi, cĂ d avec amour. Cf. Remarques mĂȘlĂ©es, p. 93 ; p. 118 — la position de Wittgenstein est proche de celle de Kierkegaard, et finalement plus proche d’Augustin credo qui absurdum que d’Anselme credo ut intelligam. C’est cette adhĂ©sion et rien qu’elle qui constitue le tenir-pour-vrai de la foi. Avoir la foi ou se convertir Ă  une religion c’est non pas avoir des croyances d’un genre particulier — pour lesquelles il serait raisonnable de demander ce qui les fonde — mais transformer sa vie du tout au tout. Une religion n’est pas une doctrine, un ensemble de vĂ©ritĂ©s de foi, mais un choix de vie conforme Ă  des principes. Cf. Leçons sur la croyance religieuse, p. 107 et p. 113-114. La spĂ©cificitĂ© de la religion consiste dans la foi mais la foi n’est pas une croyance comme les autres. Elle consiste Ă  totaliser la vie dans l’horizon du salut. Finalement, la croyance religieuse dĂ©borde le savoir. Pour autant il n’y a pas de conflit entre la foi et le savoir. Le non croyant n’est pas plus rationnel que le croyant — comme le positiviste le pense. Peut-on dire du chrĂ©tien qui croit au Jugement dernier, Ă  la rĂ©surrection, qu’il est irrationnel ou dĂ©raisonnable et Ă  l’inverse que le non-chrĂ©tien qui n’y croit pas est pleinement raisonnable ? Wittgenstein ne se rĂ©sout pas Ă  cette alternative. Il dit plutĂŽt le non-chrĂ©tien ne peut comprendre la grammaire religieuse du verbe “croire“ Leçons sur la croyance religieuse, p. 114. Ce qui sĂ©pare le croyant du non-croyant n’est pas la non-raison de la raison, mais deux formes de vie diffĂ©rente. Dans les Remarques mĂȘlĂ©es Wittgenstein exprime sa propre impuissance Ă  croire — ce qui ne le conduit pas Ă  mĂ©priser le croyant je ne puis articuler le mot “Seigneur“ avec du sens. Car je ne crois pas qu’il viendra pour me juger, cela ne veut rien dire pour moi. Et cela ne pourrait me dire quelque chose que si je vivais tout Ă  fait autrement ». Cf. Remarques mĂȘlĂ©es, p. 91. Donc il n’y a pas celui qui croit et qui ne sait pas pourquoi il croit et celui qui sait et qui ne croit pas pas puisque le croyant ne sait pourquoi il croit mais il y a deux individus engagĂ©s dans deux formes de vie diffĂ©rentes — par forme de vie, on peut entendre Ă  la fois la communautĂ© de vie et la projection subjective d’un sens global de la vie. Donc la foi ne se dĂ©montre pas par des raisons comme une croyance quelconque, toujours exposĂ©e au doute mais se montre par une vie. La foi c’est la force d’une vie croyante et non la force de raisons de croire. Cette thĂšse wittgensteinienne dĂ©lie la foi de la connaissance que privilĂ©gie l’épistĂ©mologie â€œĂ©videntiste“ Ă  laquelle se rattache par exemple Russell ou sa version plus modeste qui privilĂ©gie les degrĂ©s de probabilitĂ©. Mais si le problĂšme n’est pas de savoir si la croyance est ou non rationnelle, ou plutĂŽt si le fait de n’ĂȘtre pas susceptible de raisons probantes, il s’agit de savoir comment avoir la foi. [5] Cf. Dictionnaire philosophique, PrĂ©jugĂ© » Il y a des prĂ©jugĂ©s universels, nĂ©cessaires, et qui sont la vertu mĂȘme. Dans tous les pays, on apprend aux enfants Ă  reconnaĂźtre un Dieu rĂ©munĂ©rateur et vengeur ; Ă  respecter, Ă  aimer leur pĂšre et leur mĂšre ; Ă  regarder le larcin comme un crime, le mensonge intĂ©ressĂ© comme un vice, avant qu’ils puissent deviner ce que c’est qu’un vice et une vertu ». [6] Cf. pour la suite, M. Delon, RĂ©habilitation des prĂ©jugĂ©s et crise des LumiĂšres », Revue germanique internationale, 3, 1995. [7] On se plaint souvent de la pauvretĂ© de la pensĂ©e dans notre siĂšcle et de la dĂ©cadence de la vĂ©ritable science. Mais je ne vois pas que celles dont les fondements sont bien Ă©tablis, comme les mathĂ©matiques, la physique, etc., mĂ©ritent le moins du monde ce reproche ; il me semble, au contraire, qu’elles soutiennent fort bien leur vieille rĂ©putation de soliditĂ©, et qu’elles l’ont mĂȘme surpassĂ©e dans ces derniers temps. Or, le mĂȘme esprit produirait le mĂȘme effet dans les autres branches de la connaissance, si l’on s’appliquait d’abord Ă  en rectifier les principes. Tant qu’on ne l’aura pas fait, l’indiffĂ©rence, le doute, et finalement une sĂ©vĂšre critique, sont plutĂŽt des preuves d’une certaine profondeur de pensĂ©e. Notre siĂšcle est le vrai siĂšcle de la critique ; rien ne doit y Ă©chapper. En vain la religion avec sa saintetĂ©, et la lĂ©gislation avec sa majestĂ©, prĂ©tendent-elles s’y soustraire elles ne font par lĂ  qu’exciter contre elles-mĂȘmes de justes soupçons, et elles perdent tout droit Ă  cette sincĂšre estime que la raison n’accorde qu’à ce qui a pu soutenir son libre et public examen. » Kant est un penseur des LumiĂšres. Mais les LumiĂšres kantiennes et mĂȘmes allemandes n’ont pas le caractĂšre anti-religieux matĂ©rialiste des LumiĂšres françaises. La position de Kant est originale et assez complexe – il a combattu dĂšs sa pĂ©riode prĂ©-critique les SchwĂ€rmer exaltĂ©s, enthousiastes, illuminĂ©s, le SchwĂ€rmerei mysticisme, spiritisme, alchimie, fanatisme religieux par exemple dans Les rĂȘves d’un visionnaire 1766 dirigĂ©s contre le pire des illuminĂ©s, le mystique suĂ©dois Swedenborg – si la religion est “critiquable“, c’est qu’elle contient quelque chose de rationnel qui doit ĂȘtre pleinement manifestĂ© la religion n’est pas Ă©trangĂšre Ă  la raison ; – mais il ne partage pas l’opinion des ses contemporains AufklĂ€rer qui, Ă  la suite de Leibniz, ignorent les limites de la raison, comme Mendelssohn qui pense qu’il est possible de dĂ©montrer l’existence de Dieu, quitte Ă  s’appuyer sur le sens commun cf. Qu’est-ce que s’orienter dans la pensĂ©e ? Donc les LumiĂšres c’est la critique par la raison de son pouvoir connaĂźtre dĂ©gager a priori les limites de la raison qui prĂ©serve le contenu rationnel de la religion contre tout SchwĂ€rmerei. [8] Peut-ĂȘtre la thĂ©ologie de la fin du XXe siĂšcle aura davantage Ă©tĂ© “irrationaliste“ alors que la thĂ©ologie de Vatican I, avec l’Encyclique de Pie X en 1907 dĂ©nonçait le modernisme et dĂ©jĂ  celle de LĂ©on XIII de 1899 largement identifiĂ© au kantisme cf. l’abbĂ© Fontaine, Les infiltrations kantiennes et protestantes et le clergĂ© français, 1902 comme un irrationalisme — une sorte de manifeste anti-moderne au nom du rationalisme, qui aura pris la forme de la nĂ©o-scolastique ou du nĂ©o-thomisme Garigou Lagrange, Maritain. Au contraire Vatican II sature le discours religieux par l’amour, le vĂ©cu, l’intĂ©rioritĂ©. [9] AbsurditĂ© d’une religion rĂ©vĂ©lĂ©e ; pratique secrĂšte qui contrevient aux lois de l’empire ; doctrine barbare qui provient des juifs, incomparable avec la philosophie grecque. [10] Qu’est-ce qui terrifie dans l’ombre le cƓur des hommes ? L’épreuve de la mort le mourir, mais aussi avec la mort le risque de sombrer dans le nĂ©ant, et avec l’immortalitĂ© les chĂątiments infernaux. Ainsi l’homme craint en mĂȘme temps de ne pas continuer Ă  vivre aprĂšs la mort et de subir dans cette vie surnaturelle la justice des dieux. Tout se passe comme si la religion conjurait une peur la peur de la mort et de l’anĂ©antissement par une autre peur de la justice divine. La sagesse philosophique seule apporte la quiĂ©tude Ă  l’ñme parce qu’elle combat la peur de la mort et des dieux, en lui enseignant que la mort n’est rien par rapport Ă  nous vivants, que notre vie est comme un instant entre deux Ă©ternitĂ©s de nĂ©ant, que l’ñme est mortelle et que sĂ©parĂ©e du corps qui lui sert d’enceinte elle se disperse et que les dieux existent, mais qu’ils s’occupent pas des hommes ni quand ils sont vivants ni quand ils sont morts. [11] Si ma religion est la vraie, par amour de l’humanitĂ© je dois convertir l’infidĂšle ou le fidĂšle d’une autre religion. Et puisque ma religion est la vraie, elle doit triompher sur toutes les autres et tant qu’il y aura d’autres croyants et des incroyants, elle sera toujours menacĂ©e. Le croyant est toujours en puissance un combattant soit pour dĂ©fendre sa foi qui est la vĂ©ritĂ© soit pour la diffuser Ă  tout le genre humain. [12] Cf. le chapitre 15 du TraitĂ© thĂ©ologico-politique Puisque ce principe de la thĂ©ologie, savoir, que l’obĂ©issance, Ă  elle seule, peut sauver les hommes, est indĂ©montrable, et que la raison ne peut en prĂ©ciser la vĂ©ritĂ© ou la faussetĂ©, on est en droit de nous demander pourquoi nous le croyons si c’est sans raison et comme des aveugles que nous l’embrassons, nous agissons donc aussi avec folie et sans jugement ; que si, au contraire, nous voulons Ă©tablir que la raison peut dĂ©montrer ce principe, la thĂ©ologie sera donc une partie de la philosophie, et une partie insĂ©parable. Mais Ă  ces difficultĂ©s je rĂ©ponds que je soutiens d’une maniĂšre absolue que la lumiĂšre naturelle ne peut dĂ©couvrir ce dogme fondamental de la thĂ©ologie, ou du moins qu’il n’y a personne qui l’ait dĂ©montrĂ©, et consĂ©quemment que la rĂ©vĂ©lation Ă©tait d’une indispensable nĂ©cessitĂ©, mais cependant que nous pouvons nous servir du jugement pour embrasser au moins avec une certitude morale ce qui a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©. Je dis avec une certitude morale ; car nous n’en sommes pas Ă  espĂ©rer que nous puissions en ĂȘtre plus certains que les prophĂštes eux-mĂȘmes, Ă  qui ont Ă©tĂ© faites les premiĂšres rĂ©vĂ©lations, et dont pourtant la certitude n’était que morale, comme nous l’avons dĂ©jĂ  prouvĂ© dans le chapitre II de ce TraitĂ©. Ils se trompent donc Ă©trangement ceux qui veulent Ă©tablir l’autoritĂ© de l’Écriture sur des dĂ©monstrations mathĂ©matiques ; car l’autoritĂ© de la Bible dĂ©pend de l’autoritĂ© des prophĂštes, et on ne saurait consĂ©quemment la dĂ©montrer par des arguments plus forts que ceux dont se servaient ordinairement les prophĂštes pour la persuader Ă  leur peuple ; et nous ne saurions nous-mĂȘmes asseoir notre certitude Ă  cet Ă©gard sur aucune autre base que celle sur laquelle les prophĂštes faisaient reposer leur certitude et leur autoritĂ©. 
 Ainsi ce fondement de toute la thĂ©ologie et de l’Écriture, bien qu’il ne puisse ĂȘtre Ă©tabli par raisons mathĂ©matiques, peut ĂȘtre nĂ©anmoins acceptĂ© par un esprit bien fait sano judicio. Car ce qui a Ă©tĂ© confirmĂ© par le tĂ©moignage de tant de prophĂštes, ce qui est une source de consolations pour les simples d’esprit, ce qui procure de grands avantages Ă  l’État, ce que nous pouvons croire absolument sans risque ni pĂ©ril, il y aurait folie inscitia Ă  le rejeter par ce seul prĂ©texte que cela ne peut ĂȘtre dĂ©montrĂ© mathĂ©matiquement ; comme si, pour rĂ©gler sagement la vie, nous n’admettions comme vraies que des propositions qu’aucun doute ne peut atteindre, ou comme si la plupart de nos actions n’étaient pas trĂšs-incertaines et pleines de hasard. 
 Car, puisque nous ne pouvons, par le seul secours de la lumiĂšre naturelle, comprendre que la simple obĂ©issance soit la voie du salut, puisque la rĂ©vĂ©lation seule nous apprend que cela se fait par une grĂące de Dieu toute particuliĂšre que la raison ne peut atteindre, il s’ensuit que l’Écriture a apportĂ© une bien grande consolation aux mortels. Tous les hommes en effet peuvent obĂ©ir, mais il y en a bien peu, si vous les comparez Ă  tout le genre humain, qui acquiĂšrent la vertu en ne suivant que la direction de la raison, Ă  ce point que, sans ce tĂ©moignage de l’Écriture, nous douterions presque du salut de tout le genre humain. » [13] Le problĂšme d’une mĂ©thode hermĂ©neutique est apparu en relation avec l’exĂ©gĂšse des textes sacrĂ©s. Le Moyen-Age, dans l’Occident chrĂ©tien notamment, se prĂ©sente comme un Ăąge hermĂ©neutique majeur. Toute la pensĂ©e et toute la vie sont modelĂ©es par l’autoritĂ© d’un livre, ce qui a suscitĂ© la rĂ©flexion sur l’art et les limites de l’interprĂ©tation. Au cours de cette longue pĂ©riode, l’Ecriture sainte sacra pagina devient un livre et en fait un objet d’étude. Aussi le texte biblique n’est-il jamais nu, mais accompagnĂ© de textes qui le prĂ©sentent, le commentent, l’ordonnent prologues, sommaires, lexiques, tables comme dans la Bible glosĂ©e marginale et interlinĂ©aire qui se diffuse largement Ă  partir du XIIĂšme siĂšcle. Naturellement, pour l’exĂ©gĂšse mĂ©diĂ©vale, l’Ecriture est dĂ©positaire de la parole de Dieu. L’homme est l’auteur du livre, mais Dieu l’auteur du sens Toute Ecriture est inspirĂ©e de Dieu et utile pour enseigner, rĂ©futer, redresser, former Ă  la justice » dit Paul 2, Tm 3, 16. A ce titre, le message est riche d’un sens infini. Saint JĂ©rĂŽme compare les mira profunditas» de l’Ecriture Ă  une forĂȘt inexplorable infinita sensuum silva». Ainsi l’exĂ©gĂšse biblique dĂ©couvre le premier paradoxe hermĂ©neutique, que la poĂ©tique contemporaine retrouve autrement sous la forme de la tension entre le texte et l’intertextualitĂ© la Bible est un corpus fermĂ© et en mĂȘme temps Ă©volutif. Le sens est Ă  la fois achevĂ© et infini. Mieux, le commentaire infini du sens suppose la fermeture du corpus Ă  interprĂ©ter, c’est-Ă -dire l’établissement d’un canon cf. Decret de Damase au concile de Rome en 382. Si la Bible constitue un corpus fermĂ©, constituĂ© d’un nombre fini de livres, si donc la RĂ©vĂ©lation est historiquement achevĂ©e, alors l’interprĂ©tation peut se donner comme rĂšgle hermĂ©neutique l’exĂ©gĂšse interne l’Ecriture s’explique par elle-mĂȘme ou Ă  partir d’elle-mĂȘme. Non seulement il y a une correspondance entre l’Ancien et le Nouveau Testament, mais encore entre tous les livres. Il s’agit donc d’exploiter systĂ©matiquement tous les cas d’intertextualitĂ©. Mais, en mĂȘme temps, si l’Ecriture est inspirĂ©e, vĂ©hiculant un message transcendant, un travail d’interprĂ©tation s’avĂšre indispensable pour comprendre le sens de que Dieu rĂ©vĂšle, ce qui suppose Ă  la fois une distance et une parentĂ© entre le langage divin et le langage humain. Comme le dit un adage talmudique 
 souvent utilisĂ© en exĂ©gĂšse juive les mots de la Bible sont comme le langage des hommes » » G. Dahan, L’exĂ©gĂšse chrĂ©tienne de la Bible en Occident mĂ©diĂ©val, p. 45. Et c’est cette proximitĂ© dans l’écart mĂȘme qui rend possible et nĂ©cessaire la rĂ©appropriation du sens par chaque fidĂšle de chaque nouvelle gĂ©nĂ©ration, c’est-Ă -dire qui ouvre le commentaire Ă  l’interprĂ©tation infinie lectio infinitas et Ă  une rĂ©flexion sur la traduction du langage divin dans le langage humain, sur le transfert entre le sens Ă©ternel du langage biblique et le contexte historique de sa rĂ©ception. Autrement dit, le langage biblique dĂ©borde les limites du langage humain en s’ouvrant Ă  une pluralitĂ© de lectures. L’exĂ©gĂšse juive parle des soixante-dix visages de la Torah », tandis que l’exĂ©gĂšse chrĂ©tienne des PĂšres, soucieux de ne pas perdre la moindre signification d’un verset la sainte Ecriture est une mer qui possĂšde des sens profonds » dit Ambroise, est conduite Ă  une sorte d’ exĂ©gĂšse par accumulation » oĂč ceux qui savent distinguer dans l’Ecriture sainte des sens multiples sont comblĂ©s de dĂ©lices » GrĂ©goire le Grand, citĂ© par Dahan, op. cit., p. 56. Toutefois, si l’interprĂ©tation de la Bible s’ouvre Ă  une lecture historiquement infinie qui l’augmente — l’Ecriture croĂźt avec ses lecteurs » dit GrĂ©goire le Grand —, elle ne peut pour autant ĂȘtre abandonnĂ©e Ă  l’arbitraire interprĂ©tatif. L’interprĂ©tation est sans fin mais ne peut ĂȘtre sans limites. Il convient ainsi de ramener le sens Ă  un nombre fini de significations. C’est ce que tente la doctrine du quadruple sens littĂ©ral, allĂ©gorique, moral, eschatologique qui se dĂ©veloppe au Moyen-Age. Le sens littĂ©ral est premier, mĂȘme si c’est le sens spirituel sous ses trois formes qui est, pour l’ exĂ©gĂšse confessante » RicƓur, l’essentiel. En effet, l’interprĂ©tation ne peut faire l’économie du sens littĂ©ral, qui regroupe dĂ©jĂ  un champ complexe de significations et engage plusieurs dimensions d’interprĂ©tation renvoyant aux arts du trivium linguistique, rhĂ©torique, et mĂȘme dialectique le sens littĂ©ral comprend la littera au sens strict, l’analyse textuelle ; le sensus, Ă©tude du contexte historique et archĂ©ologique ; la sententia, approche philosophique et thĂ©ologique » cf. Dahan, op. cit., p. 240. Le littĂ©ral est si dĂ©terminant qu’on peut se demander, s’il est raisonnable d’en admettre d’autres, qui risquent de rĂ©introduire l’équivocitĂ© lĂ  oĂč c’est le moins admissible et de rendre impossible le raisonnement thĂ©ologique Une multiplicitĂ© de sens pour un seul passage engendre la confusion, prĂȘte Ă  l’erreur et rend l’argumentation fragile. C’est pourquoi une argumentation vĂ©ritable ne procĂšde pas de propositions aux sens multiples ; bien plus, cela occasionne certains sophismes. Or, l’Ecriture sainte doit ĂȘtre apte Ă  nous montrer la vĂ©ritĂ© sans prĂȘter occasion Ă  l’erreur ; elle ne peut donc nous offrir, sous une seule lettre, une pluralitĂ© de sens » Thomas d’Aquin Somme thĂ©ologique, Ia, q. 1, a. 10, p. 162. Pluraliser le sens Ă  l’Ecriture, c’est risquer de babeliser » le langage divin. On peut craindre de sombrer dans l’abĂźme de la polysĂ©mie infinie — mĂȘme si l’infinitĂ© du travail hermĂ©neutique est Ă  l’image de l’infinitĂ© de Dieu lui-mĂȘme Jean Scot ErigĂšne. Il faut Ă©viter ainsi de tomber dans l’excĂšs d’une exĂ©gĂšse quasi-cabalistique ou dans la rĂ©duction trop humaine du langage divin. Il s’agit, un peu comme dans la dialectique du propre et de l’étranger, figurĂ©e par le couple Hestia-HermĂšs, de trouver la bonne distance entre l’univocitĂ© et l’équivocitĂ© infinie, c’est-Ă -dire de dĂ©finir comme nĂ©cessaire une pluralitĂ© articulĂ©e et cohĂ©rente de sens. Une formule attribuĂ©e Ă  Augustin de Dacie rĂ©sume ainsi cette doctrine qui s’impose comme canonique » Ă  partir du XIIIĂš siĂšcle La lettre enseigne l’histoire, l’allĂ©gorie ce qui est Ă  croire, le sens moral ce qu’on doit faire, le sens anagogique ce vers quoi on doit tendre ». InterprĂ©ter le sens littĂ©ral c’est dĂ©gager le sens historique, c’est-Ă -dire les faits dont parle le texte ; l’allĂ©gorie introduit Ă  un autre langage du texte et dĂ©signe, loin du sens rhĂ©torique et tropologique ordinaire, la prophĂ©tie inscrite dans les faits eux-mĂȘmes » H. de Lubac, ExĂ©gĂšse mĂ©diĂ©vale, p. 493 ; l’exĂ©gĂšse morale enseigne ce que l’on doit faire et contient, Ă  sa façon, ce moment d’application reconnue par l’hermĂ©neutique contemporaine comme constitutif de l’interprĂ©tation; enfin le sens anagogique Ă©lĂšve le sens vers l’horizon eschatologique de l’Ecriture, associant le sens et la fin ultime. Paradoxalement la pleine intelligence des Ecritures est la suppression des Ecritures comme telles » ibid., p. 635. L’interprĂ©tation tend vers la connaissance mystique comme vers sa limite. [14] Cf. Discours dĂ©cisif 21 Nous affirmons catĂ©goriquement que partout oĂč il y a une contradiction entre un rĂ©sultat de la dĂ©monstration ou la spĂ©culation rationnelle et le sens apparent d’un Ă©noncĂ© du Texte rĂ©vĂ©lĂ©, celui-ci doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© » ; et 22 Nous disons mĂȘme plus il n’est point d’énoncĂ© de la RĂ©vĂ©lation dont le sens obvie soit en contradiction avec les rĂ©sultats de la dĂ©monstration, sans qu’on puisse trouver, en procĂ©dant Ă  l’examen inductif de la totalitĂ© des Ă©noncĂ©s particuliers du Texte rĂ©vĂ©lĂ©, d’autre Ă©noncĂ© dont le sens obvie confirme l’interprĂ©tation, ou est proche de la confirmer. C’est pourquoi il y a consensus chez les Musulmans pour considĂ©rer que les Ă©noncĂ©s littĂ©raux de la RĂ©vĂ©lation n’ont pas tous Ă  ĂȘtre pris dans leur sens obvie, ni tous Ă  ĂȘtre Ă©tendus au-delĂ  du sens obvie par l’interprĂ©tation ; et divergence quant Ă  savoir ce qui est Ă  interprĂ©ter et ce qui ne l’est pas ». ï»żCroyanceQue Tout Objet A Une Âme. L'espagne Se Trouve Sur La PĂ©ninsule __ CodyCross Sous L Ocean Groupe 26. Toutes les rĂ©ponses Ă  CodyCross Sous L Ocean. DĂ©finition Solution; Lieu OĂč Le Fleuve Atteint La Mer: ESTUAIRE: Croyance Que Tout Objet A Une Âme : ANIMISME "ĂȘtre TirĂ© À Quatre __ "EPINGLES: CĂ©lĂšbre David Du Judo Français: DOUILLET: La solution Ă  ce puzzle est constituéÚ de 8 lettres et commence par la lettre A CodyCross Solution ✅ pour CROYANCE SELON LAQUELLE TOUTE CHOSE A UNE ÂME de mots flĂ©chĂ©s et mots croisĂ©s. DĂ©couvrez les bonnes rĂ©ponses, synonymes et autres types d'aide pour rĂ©soudre chaque puzzle Voici Les Solutions de CodyCross pour "CROYANCE SELON LAQUELLE TOUTE CHOSE A UNE ÂME" CodyCross Casino Groupe 274 Grille 5 2 0 1 1 Partagez cette question et demandez de l'aide Ă  vos amis! Recommander une rĂ©ponse ? Connaissez-vous la rĂ©ponse? profiter de l'occasion pour donner votre contribution! CODYCROSS Casino Solution 274 Groupe 5 Similaires CroyanceQue Tout Objet A Une Âme - CodyCross. 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Les observations que nous faisons sur les objets extĂ©rieurs et sensibles, ou sur les opĂ©rations intĂ©rieures de notre Ăąme, que nous apercevons et sur lesquelles nous rĂ©flĂ©chissons nous-mĂȘmes, fournissent Ă  notre esprit les matĂ©riaux de toutes ses pensĂ©es. Ce sont lĂ  les deux sources d’oĂč dĂ©coulent toutes les idĂ©es que nous avons, ou que nous pouvons avoir naturellement. Et premiĂšrement nos sens Ă©tant frappĂ©s par certains objets extĂ©rieurs, font entrer dans notre Ăąme plusieurs perceptions distinctes des choses, selon les diverses maniĂšres dont ces objets agissent sur nos sens. C’est ainsi que nous acquĂ©rons les idĂ©es que nous avons du blanc, du jaune, du chaud, du froid, du dur, du mou, du doux, de l’amer, et de tout ce que nous appelons qualitĂ©s sensibles. Nos sens, dis-je, font entrer toutes ces idĂ©es dans notre Ăąme, par oĂč j’entends qu’ils font passer des objets extĂ©rieurs dans l’ñme ce qui y produit ces sortes de perceptions. Et comme cette grande source de la plupart des idĂ©es que nous avons, dĂ©pend entiĂšrement de nos sens, et se communique Ă  l’Entendement par leur moyen, je l’appelle Sensation. L’autre source d’oĂč l’entendement vient Ă  recevoir des idĂ©es, c’est la perception des opĂ©rations de notre Ăąme sur les IdĂ©es qu’elle a reçues par les sens opĂ©rations qui devant l’objet des rĂ©flexions de l’ñme, produisent dans l’Entendement une autre espĂšce d’idĂ©es, que les objets extĂ©rieurs n’auraient pu lui fournir telles que sont les idĂ©es de ce qu’on appelle apercevoir, penser, douter, croire, raisonner, connaĂźtre, vouloir, et toutes les diffĂ©rentes actions de notre Ăąme, de l’existence desquelles Ă©tant pleinement convaincus parce que nous les trouvons en nous-mĂȘmes, nous recevons par leur moyen des idĂ©es aussi distinctes, que celles que les corps produisent en nous, lorsqu’ils viennent Ă  frapper nos sens. C’est-lĂ  une source d’idĂ©es que chaque homme a toujours en lui-mĂȘme ; et quoique cette facultĂ© ne soit pas un sens, parce qu’elle n’a rien Ă  faire avec les objets extĂ©rieurs, elle en approche beaucoup, et le nom de sens intĂ©rieur ne lui conviendrait pas mal. Mais comme j’appelle l’autre source de nos idĂ©es Sensation, je nommerai celle-ci RĂ©flexion, parce que l’ñme ne reçoit par son moyen que les idĂ©es qu’elle acquiert en rĂ©flĂ©chissant sur ses propres opĂ©rations. C’est pourquoi je vous prie de remarquer, que dans la suite de ce Discours, j’entends par RĂ©flexion la connaissance que l’ñme prend de ses diffĂ©rentes opĂ©rations, par oĂč l’entendement vient Ă  s’en former des idĂ©es. Ce sont-lĂ , Ă  mon avis, les seuls principes d’oĂč toutes nos idĂ©es tirent leur origine ; savoir, les choses extĂ©rieures et matĂ©rielles qui sont les objets de la Sensation, et les opĂ©rations de notre esprit, qui sont les objets de la RĂ©flexion. J’emploie ici le mot d’opĂ©ration dans un sens Ă©tendu, non-seulement pour signifier les actions de l’ñme concernant ses IdĂ©es, mais encore certaines passions qui sont produites quelquefois par ces idĂ©es, comme le plaisir ou la douleur que cause quelque pensĂ©e que ce soit. John LOCKE, Essai philosophique concernant l’entendement humain, II, 1 § 2-4, 1689 Questions de comprĂ©hension Selon Locke, nos idĂ©es ont-elles une origine innĂ©e ou acquise ? Expliquez. Expliquez Ă  l’aide de 2 exemples les deux sources de nos idĂ©es. En suivant son raisonnement, comment a-t-on accĂšs aux idĂ©es des autres ? Expliquez.

animisme 1) [nom] Doctrine philosophique qui fait de l’ñme le principe de tous les phĂ©nomĂšnes vitaux. 2) Perception d’une identitĂ© commune Ă  tous les ĂȘtres vivants en mĂȘme temps que d’une diffĂ©renciation nette entre les diffĂ©rentes formes de manifestation de ce vivant. PrĂȘter des intentions Ă  des choses.

La rĂ©incarnation est une des croyances les plus anciennes au monde. Qui n’a pas rĂȘvĂ© au moins une fois que cette vie n’était pas la seule ? Vous faites peut-ĂȘtre partie de ceux qui perçoivent des souvenirs » Ă©tranges, inexpliquĂ©s
 et qui se demandent s’ils ne proviennent pas d’une vie antĂ©rieure. Mais commençons par le commencement
 1. Qu’est-ce que la rĂ©incarnation ? La rĂ©incarnation est le processus par lequel l’ñme ou la conscience, ou encore l’esprit, si vous prĂ©fĂ©rez revient sur Terre aprĂšs la mort et se rĂ©incarne dans un autre corps, pour vivre une nouvelle existence. L’ñme traverse ainsi plusieurs rĂ©incarnations. Chacune d’entre elles lui sert Ă  apprendre une leçon, Ă  accomplir une mission, Ă  Ă©voluer. Selon la croyance, l’ñme traverse donc autant de rĂ©incarnations que nĂ©cessaire, afin de se transformer et d’évoluer vers des Ă©tats spirituellement supĂ©rieurs. Tout cela forme le cycle de la mort et de la renaissance. Il existe toujours une ”derniĂšre rĂ©incarnation”, celle qui marque la fin de l’évolution, l’aboutissement. Une fois cette derniĂšre rĂ©incarnation terminĂ©e, l’ñme atteint l’état suprĂȘme d’évolution et n’est plus obligĂ©e de revenir sur Terre sous une forme physique pour apprendre. On parle Ă©galement de migration de l’ñme » ou de mĂ©tempsycose . Ce mot vient du grec ancien metempsĂșkhĂŽsis et veut dire dĂ©placement de l’ñme, transfert de l’ñme dans un corps diffĂ©rent. 2. D’oĂč vient la croyance en la rĂ©incarnation ? C’est une des plus vieilles croyances de l’humanitĂ©. Elle vient de l’Orient, mais elle est prĂ©sente partout dans le monde, dans de trĂšs nombreuses cultures. En Occident, c’est Allan Kardec le fondateur du spiritisme qui a commencĂ© Ă  utiliser ce mot en 1857. Mais en rĂ©alitĂ©, le concept remonte Ă  l’aube des temps. Cela remonte probablement Ă  l’époque de l’Égypte Ancienne. Dans la GrĂšce Antique, au 5Ăš siĂšcle av. le philosophe et historien HĂ©rodot Ă©tudie le concept, affirmant que la rĂ©incarnation fait partie de la doctrine Ă©gyptienne. C’est sur cette base que toute la croyance autour de la rĂ©incarnation se serait dĂ©veloppĂ©e, Ă  travers l’hindouisme, le bouddhisme, les cultes africains, la Kabbale juive ou le Spiritisme en Occident. Dans le bouddhisme, la rĂ©incarnation est une notion fondamentale. On parle frĂ©quemment de renaissance et de continuitĂ© de l’ñme. On parle Ă©galement de ”Samsara” le cycle des vies qui s’enchaĂźnent les unes aprĂšs les autres selon la loi de la causalitĂ©, ou le Karma. Dans le judaĂŻsme, la rĂ©incarnation est Ă©tudiĂ©e dans les textes de la Kabbale, qui parle de transmigration gilgul » et de retour teshouva ». Dans l’islam, cette idĂ©e est officiellement rejetĂ©e, bien que certains courants chiites ou soufis y croient. Dans le christianisme, cette hypothĂšse est rejetĂ©e Ă©galement. Le concile ƓcumĂ©nique de Constantinople avait mĂȘme fermement condamnĂ© la metempsychose en 553, considĂ©rant qu’elle va Ă  l’encontre de la rĂ©surrection du Christ. 3. Les preuves de l’existence de la rĂ©incarnation Le DalaĂŻ-Lama Il n’y a aujourd’hui aucune preuve scientifique qui dĂ©montre, au-delĂ  de tout doute possible l’existence de la rĂ©incarnation. En revanche, d’innombrables faits et tĂ©moignages troublants ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s Ă  travers le monde et continuent Ă  l’ĂȘtre. Une des preuves les plus cĂ©lĂšbres est l’existence mĂȘme du DalaĂŻ-Lama. Le DalaĂŻ-Lama actuel, 14e de son nom a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© en 1939. AprĂšs la mort du 13e DalaĂŻ-Lama, les moines chargĂ©s de retrouver sa rĂ©incarnation donc le 14e DalaĂŻ-Lama sont partis Ă  sa recherche dans une contrĂ©e lointaine. ArrivĂ©s dans un village perdu, un jeune enfant les a tout de suite reconnus. Il s’est adressĂ© Ă  eux dans leur langue, que personne d’autre ne connaissait dans le village. Il s’agissait du dialecte tibĂ©tain de Lhassa, la langue du 13Ăš DalaĂŻ-Lama. L’enfant ĂągĂ© de 2 ans a ensuite dĂ©montrĂ© qu’il Ă©tait rĂ©ellement la 14e rĂ©incarnation. Il a rĂ©pondu aux critĂšres exigĂ©s par la tradition il a reconnu les objets appartenant au prĂ©cĂ©dent DalaĂŻ-Lama et il portait toutes les distinctions physiques des grands leaders spirituels. Le professeur et psychiatre canadien, Ian Stevenson est cĂ©lĂšbre pour ses recherches autour de la rĂ©incarnation. Il a Ă©tudiĂ© plus de 14000 enfants qui affirmaient se rappeler leurs vies antĂ©rieures. Les souvenirs d’une vie passĂ©e Ă©taient en corrĂ©lation avec une blessure ou une malformation prĂ©sente chez l’enfant. Ses travaux ont Ă©tĂ© publiĂ©s en français sous le titre RĂ©incarnation et biologie ». Dans ce livre, le psychiatre parle notamment d’un jeune enfant indien avec une malformation de la main qui raconte un souvenir d’une vie antĂ©rieure. Selon ses dires, une machine agricole lui avait sectionnĂ©e les doigts. L’enfant indiquait avec prĂ©cision le lieu et la date de l’accident et ces informations ont Ă©tĂ© confirmĂ©es par une enquĂȘte ultĂ©rieure. HĂ©las, ses collĂšgues ont considĂ©rĂ© que les travaux de Stevenson n’avaient pas une base scientifique assez solide et ils les ont largement critiquĂ©s. Ceci dit, leur auteur affirmait lui-mĂȘme qu’il ne voulait pas prouver Ă  tout prix la rĂ©incarnation, mais il voulait suggĂ©rer son existence » par des tĂ©moignages. Son Ă©tude Ă©tait davantage une invitation Ă  l’analyse et Ă  l’ouverture d’esprit, sans aucune prĂ©tention de vĂ©ritĂ© absolue. 4. Faut-il croire Ă  la rĂ©incarnation ? La science ne sait pas rĂ©pondre Ă  cette question aujourd’hui. Quant aux diffĂ©rents courants spirituels, ils ont des visions trĂšs diverses du phĂ©nomĂšne. Pour le spiritisme, la rĂ©incarnation est liĂ©e Ă  la justice divine. Dieu ou selon les croyances, le Divin ou l’énergie universelle offre Ă  l’esprit humain la possibilitĂ© d’évoluer, au lieu de subir aprĂšs la mort le jugement radical qui l’emmĂšne soit vers le paradis soit vers l’enfer. Dans cette croyance spiritiste inspirĂ©e d’Alain Kardec, l’individu ne se souvient pas forcĂ©ment de ses vies antĂ©rieures. Mais il doit travailler constamment Ă  son progrĂšs spirituel, afin d’atteindre l’état suprĂȘme d’évolution sacrĂ©e, qui le dĂ©livrera du cycle des rĂ©incarnations. La Wicca, tradition aujourd’hui trĂšs rĂ©pandue dans le monde occidental, dĂ©fend Ă©galement cette vision de la rĂ©incarnation. Ce qui compte, c’est de mener cette vie terrestre dans le respect de soi et d’autrui. L’ĂȘtre humain est libre de faire ce qu’il souhaite tant que cela ne nuit Ă  personne. Mais si cela arrive, si les actions d’un individu nuisent Ă  quelqu’un d’autre, les consĂ©quences nĂ©gatives se reflĂštent obligatoirement sur la vie suivante et mĂšnent Ă  une existence malheureuse et pleine d’embĂ»ches. Ceci se rapproche aussi de la loi karmique ». Autrement dit, nous subissons toujours les consĂ©quences du mal qu’on fait Ă  quelqu’un. Si ce n’est pas dans cette vie, ce sera dans la prochaine. Que choisissez-vous ? Que vous choisissiez de croire ou non Ă  la rĂ©incarnation, son existence ne peut pas ĂȘtre ignorĂ©e complĂštement. La rĂ©incarnation fait partie des croyances depuis tellement longtemps, et de façon tellement rĂ©pandue, que nous pouvons la considĂ©rer comme une partie du patrimoine universel. Ce qui est sĂ»r, c’est qu’elle nous rĂ©conforte, parce qu’elle offre une rĂ©ponse Ă  la question Que se passe-t-il aprĂšs la mort ? » La vie s’arrĂȘte-t-elle dĂ©finitivement une fois que notre corps physique meurt ? » La mort serait-elle la fin de tout ? Ceci semble absurde et inacceptable aux yeux de beaucoup de gens. L’idĂ©e que nous puissions revenir Ă  la vie aprĂšs la mort est quelque chose qui apaise notre angoisse. Il reste bien sĂ»r de nombreuses questions sans rĂ©ponse. Par exemple Combien de temps aprĂšs la mort la rĂ©incarnation se produit-elle ? Faut-il chercher Ă  tout prix Ă  se souvenir de ses rĂ©incarnations antĂ©rieures, de ses vies passĂ©es ? Surtout, il ne suffit pas de s’accrocher aveuglement Ă  l’idĂ©e que nous reviendrons sur terre aprĂšs la mort. Il s’agit surtout de comprendre pourquoi nous le faisons. C’est cela qui donne peut-ĂȘtre un sens plus profond Ă  notre vie. Car si une deuxiĂšme, une troisiĂšme vie nous attend aprĂšs notre premiĂšre, ce sont autant de chances de faire mieux que dans la prĂ©cĂ©dente. Cela nous pousse Ă  vouloir ĂȘtre meilleurs. Et puis, la rĂ©incarnation est surtout la preuve que l’esprit la conscience survit au corps physique qui, lui, est Ă©phĂ©mĂšre. Le corps n’est qu’un vĂ©hicule qui transporte notre Ăąme. La mort signifie tout simplement que nous quittons un vĂ©hicule pour en emprunter un autre. Ce serait donc judicieux d’accorder plus d’importance Ă  notre esprit et Ă  notre apprentissage, Ă  notre ouverture, plutĂŽt qu’aux aspects matĂ©riels de la vie.

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Aujourd’hui, dans la lignĂ©e de mes articles sur la littĂ©rature amoureuse et Ă©rotique et ses grands mouvements, “petit” topo sur le libertinage
 dont on ne connaĂźt bien souvent que l’aspect
 “charnel” ! Un grand mouvement nĂ© au XVIe s. et qui mĂ©rite, vous allez le voir, qu’on s’y intĂ©resse ! PrĂ©cisons tout d’abord pour couper court aux Ă©ventuels ragots auxquels un tel article pourrait donner vie
^^ que je ne verse pas dans le libertinage de mƓurs ou autre. J Cet article s’inscrit tout simplement dans la lignĂ©e des articles prĂ©vus sur les mouvements littĂ©raires particuliĂšrement axĂ©s sur la question amoureuse PlĂ©iade, PrĂ©ciositĂ©, Romantisme
 et Libertinage, donc. J’ai publiĂ© mes deux premiers articles sur la PrĂ©ciositĂ© et sur Mme de La Fayette en septembre, vous pouvez les retrouver ici et lĂ . Quitte Ă  en surprendre certains, il faut savoir que le libertinage est, Ă  l’origine, et avant tout, un courant intellectuel nĂ© au XVIe s. qui tire son nom du latin libertinus », terme renvoyant, dans la Rome antique, Ă  un esclave affranchi, libĂ©rĂ© » de l’autoritĂ© de son propriĂ©taire. L’emphase est donc mise sur l’idĂ©e de la libĂ©ration de l’homme d’un joug. Lequel ? Au sortir du Moyen-Ăąge et en pleine Renaissance celui de la religion, bien sĂ»r. Les premiers libertins sont donc de libres penseurs qui se sont affranchis de certaines traditions religieuses, de certains dogmes, de certaines croyances. Anticonformistes, parfois mĂȘme athĂ©es et anticlĂ©ricaux, ils sont Ă©videmment fustigĂ©s par l’Eglise, qualifiĂ©s de mĂ©crĂ©ants, d’hĂ©rĂ©tiques, et leur credo, de doctrine pour putains et ruffians », selon le rĂ©formateur Guillaume Farel. Plusieurs finiront – Ă©videmment – sur le bĂ»cher on Ă©tait encore loin – est-il utile de le rappeler ? – de la libertĂ© de culte, de la libertĂ© de pensĂ©e et de la libertĂ© d’expression. Le libertinisme », comme on l’appelle alors, c’est donc d’abord une rĂ©action contre les excĂšs, les tabous, les interdits et l’austĂ©ritĂ© de la religion rappelons que nous sommes Ă  l’époque du schisme protestant, donc de la naissance de cette religion rĂ©formatrice et particuliĂšrement austĂšre, et des guerres de religion qui en dĂ©coulent avec le catholicisme bien implantĂ© ; Ă  l’époque aussi de l’Inquisition et de la persĂ©cution des juifs et de tout ce qu’on considĂšre alors comme hĂ©rĂ©tique
. Un libertin est alors dĂ©iste, athĂ©e, hostile au pape, franchement anticlĂ©rical ou seulement critique Ă  l’égard des religions rĂ©vĂ©lĂ©es. Le concept Ă©volue rapidement, au dĂ©but du XVIIe s., en un mode de pensĂ©e savant qui prĂŽne une totale libertĂ© intellectuelle et morale et qui puise ses origines dans diffĂ©rents courants. Il procĂšde en effet D’une reprise des idĂ©es atomistes du philosophe grec DĂ©mocrite, tout d’abord d’aprĂšs la pensĂ©e matĂ©rialiste de celui-ci, tout n’est que matiĂšre, atomes, particules. En consĂ©quence, Dieu n’existe pas, le Paradis non plus, et la seule existence dont nous puissions jouir est l’existence terrestre – dont il convient, par extension, de profiter au maximum
 D’une reprise des idĂ©es d’Epicure satisfaire ses besoins nĂ©cessaires et vitaux – physiques, y compris sexuels, mais aussi intellectuels – et se dĂ©tourner les dĂ©sirs superficiels, non naturels et non vitaux qui seront ensuite peu Ă  peu transformĂ©es en prĂ©conisations hĂ©donistes prendre du plaisir avant tout, laisser libre cours Ă  ses passions, satisfaire tous ses dĂ©sirs, laisser Ă  ses pulsions tout l’accroissement possible. Une philosophie du bonheur qui ne sera parvenue au XVIIe s. que par l’intermĂ©diaire des tĂ©moignages de ses disciples, ses premiers Ă©crits – fait intĂ©ressant – ayant Ă©tĂ© intĂ©gralement dĂ©truits par les premier ChrĂ©tiens
 tiens donc !. Epicure fait donc bien sĂ»r partie des auteurs antiques apprĂ©ciĂ©s des libertins mais proscrits par l’Eglise catholique de leur temps. Des idĂ©es de LucrĂšce, par l’intermĂ©diaire duquel, entre autres, la philosophie Ă©picurienne du bonheur nous est parvenue. On lui doit Ă©galement une thĂ©orie matĂ©rialiste de la crĂ©ation du monde sous la forme, non pas d’une Ɠuvre divine, mais d’une pluie d’atomes un atome dĂ©viant aurait heurtĂ© les autres atomes et permis leur amalgame
. Et donc la naissance du monde qui n’aurait rien Ă  voir avec Dieu
 – thĂ©orie du Big Bang avant l’heure ? Lorsque le libertinage Ă©merge Ă  l’époque moderne, le brĂ©viaire athĂ©iste et atomiste de LucrĂšce, longtemps banni et tombĂ© dans l’oubli, vient tout juste d’ĂȘtre redĂ©couvert. Du scepticisme de Montaigne – puis de Descartes au siĂšcle suivant – et du rationalisme humaniste nĂ©s au XVIe qui, comme leur nom l’indique, recommandent de douter de tout et de passer toute information, tout savoir, toute croyance par le filtre de la raison, de l’analyse scientifique – ou du moins rationnelle – et du doute systĂ©matique. On est bien loin de l’ignorance et de la crĂ©dulitĂ© requises par le dogme religieux alors en place. Les libertins, on l’aura compris, refusent de se soumettre Ă  des rĂšgles, Ă  des dogmes préétablis, Ă  l’éthique religieuse, Ă  une morale fondĂ©e sur la vertu et les restrictions. Ce sont des Ă©rudits, des savants, des hommes de lettre, des libres penseurs, qui publient sous le manteau des Ă©crits satiriques, cyniques, ironiques et contestataires ; qui cherchent Ă  Ă©chapper Ă  la censure et Ă  la rĂ©pression moyennant l’usage de doubles-sens, de codes, d’allusions, de l’anonymat et d’éditeurs clandestins ; qui prĂŽnent un savoir fondĂ© sur la raison et l’observation et non sur la superstition ou le respect aveugle des traditions ; qui, enfin, hĂ©donistes et matĂ©rialistes, rĂ©digent des poĂšmes Ă©rotiques, des contes licencieux, s’adonnent aux plaisirs de la chair, tiennent parfois des propos obscĂšnes et entonnent des chansons blasphĂ©matoires. Ce sont de beaux-esprits, des poĂštes, des incrĂ©dules, des irrĂ©ligieux, des mĂ©decins, des Ă©crivains, des mathĂ©maticiens, des penseurs ouverts et curieux, qui ont tous pour point commun d’aspirer Ă  une plus grande tolĂ©rance et Ă  une plus grande indĂ©pendance. Pierre Gassendi, ThĂ©ophile de Viau, Cyrano de Bergerac le vrai !, figurent parmi les plus cĂ©lĂšbres d’entre eux. Nombre de ces esprits libres souffriront des affres de la censure, de l’emprisonnement, de l’exil, voire mĂȘme de la peine capitale. Le libertinage s’inscrit donc dans la mouvance de certaines philosophies grecques DĂ©mocrite, Epicure, LucrĂšce, HĂ©donisme de l’humanisme du XVIe siĂšcle Renaissance, un mouvement caractĂ©risĂ© par l’effervescence scientifique, philanthropique et philosophique, soucieux de remettre l’homme au centre des prĂ©occupations vs. Dieu et l’Eglise, omniprĂ©sents au Moyen-Ăąge et de faire relativiser les choses face aux dĂ©couvertes de nouveaux mondes les AmĂ©riques et de nouvelles perspectives rĂ©volution copernicienne, hĂ©liocentrisme, thĂšses sur la pluralitĂ© des mondes ; relativisme de Montaigne
 mais aussi du baroque fin XVIe XVIIe s., un courant marquĂ© par l’excĂšs, l’exubĂ©rance, la surcharge, l’abondance, le changement, le provisoire, l’instabilitĂ©, une conception du monde en transformation permanente et la soif de libertĂ©. Un mouvement bien plus global que le libertinage qui ne concerne que quelques esprits particuliĂšrement Ă©mancipĂ©s et qui concerne la sociĂ©tĂ© artistique et intellectuelle tout entiĂšre d’environ 1580 Ă  1640. Un courant marquĂ© par le rejet de l’absolu, l’idĂ©e que rien ne dure, que rien n’est figĂ©, immuable ou dĂ©finitif, que tout change sans cesse, que tout se transforme, que tout est Ă©phĂ©mĂšre, que le monde est Ă  peine en train de se construire, que la vie est Ă©phĂ©mĂšre, la mort inĂ©vitable et l’homme bien peu de chose. Un mouvement en consĂ©quence marquĂ© aussi par le goĂ»t pour l’apparence, pour l’illusion, pour l’aventure, la passion, le bruit, la fureur et les pĂ©ripĂ©ties Ă©piques, mais aussi la tolĂ©rance, la pluralitĂ© de la vĂ©ritĂ©, l’absence de rĂšgles et de lois intangibles, l’ouverture, une libertĂ© totale d’action, l’infini des possibilitĂ©s, et donc l’opportunisme. L’aviditĂ© de nouveautĂ©s, de sensations et d’expĂ©riences, la curiositĂ© et donc l’inconstance amoureuse qui en dĂ©coulent logiquement caractĂ©risent encore l’homme baroque. Autant de traits, on le voit, que l’on retrouve dans le libertin, faisant de l’ùre baroque le terreau fertile d’une philosophie libertine. Le personnage tragi-comique de Don Juan de MoliĂšre incarne parfaitement le libertin tel qu’il est alors dĂ©crit et dĂ©criĂ© par ses dĂ©tracteurs l’Eglise et la bien-pensante sociĂ©tĂ© en tĂȘte libre-penseur, immoral, blasphĂ©matoire, provocant, hĂ©rĂ©tique, coureur, profiteur, matĂ©rialiste et jouisseur. Certaines de ses tirades restent cĂ©lĂšbres pour l’apologie du libertinage et de l’inconstance amoureuse qu’elles dĂ©livrent et la critique en rĂšgle de Dieu et de l’Eglise qu’elles proposent. Les propos de Don Juan sont choquants et ses mƓurs dissolues. Evidemment, la caricature fait de lui un ĂȘtre parjure, hypocrite, Ă©goĂŻste et menteur en plus du reste. Don Juan est l’image mĂȘme du libertin Ă  la fois dans sa pensĂ©e, dans ses propos et dans ses mƓurs et de l’homme baroque qui aime l’aventure, le changement, les rebondissements, l’éphĂ©mĂšre, l’inconstance, l’absence de rĂšgles. Cette tragi-comĂ©die de MoliĂšre est aux libertins ce que ses PrĂ©cieuses ridicules sont Ă  la prĂ©ciositĂ© des salons de la mĂȘme Ă©poque cf. autre article y Ă©tant consacrĂ© une satire amusante et fort Ă©difiante encore pour le lecteur du XXIe s. Evidemment, le libertinisme se retrouve particuliĂšrement critiquĂ© durant la seconde moitiĂ© du XVIIe s., lors du trĂšs rigoureux rĂšgne de Louis XIV, lorsque le baroque fait place aux exigences et aux rĂšgles moralistes du classicisme. On assiste alors Ă  un retour en force des exigences de biensĂ©ance et de bon goĂ»t, et de la figure trĂšs prisĂ©e du gentilhomme et de l’honnĂȘte homme aux maniĂšres impeccables. Le libertinisme, dans un tel contexte, est, on le comprend, particuliĂšrement mal vu et surveillĂ©. Il se met en veille. C’est au cours de la RĂ©gence qui suit la mort de Louis XIV, puis au cours des rĂšgnes de Louis XV et de Louis XVI, trĂšs libĂ©raux au regard du rĂšgne de fer du Roi-Soleil, que le libertinage de mƓurs libertĂ© d’aimer et libertĂ© d’agir prend donc toute son ampleur, quand enfin l’étau se desserre. Jusque-lĂ  surtout intellectuel et moral, le libertinage revĂȘt alors pleinement son habit sensuel, mĂȘme si l’étiquette de dĂ©bauchĂ© aux mƓurs lĂ©gĂšres et immorales » colle Ă  la peau du libertin bien avant le siĂšcle des LumiĂšres. Au XVIIIe donc, l’aspect sensuel et charnel du libertinage connaĂźt un essor important. S’il garde toute sa philosophie d’antan, c’est sur le plan amoureux que ce courant se dĂ©veloppe alors le plus on met en avant les jeux Ă©rotiques, la sĂ©duction, la libertĂ© sexuelle, des pratiques alternatives, et toute une littĂ©rature romans, nouvelles, poĂšmes qui, entre message philosophique et divertissement osĂ©, vont du coquin gentillet au pornographique. C’est, entre autres, le siĂšcle des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, de l’Histoire de ma vie de Casanova et des scandales du Marquis de Sade. A noter, une diffĂ©rence entre les deux grands rĂšgnes de ce siĂšcle si, sous Louis XV, le libertinage est ouvertement affichĂ© et connaĂźt son apogĂ©e, personne ne se cache et la dĂ©bauche imprĂšgne mĂȘme le mode de vie royal, Louis XVI, puritain, tente en revanche d’imposer un retour Ă  des valeurs plus morales, contraignant les libertins Ă  avancer masquĂ©s ; c’est alors qu’apparaĂźt le type du rouĂ© », ce grand sĂ©ducteur qui se donne les airs d’un honnĂȘte homme, courtois et raffinĂ©, mais qui manipule son entourage et avance dans ses projets avec une mĂ©thode scientifique et quasi militaire, et dont le personnage du vicomte de Valmont Liaisons dangereuses donne une parfait illustration. Aujourd’hui, le parallĂ©lisme entre athĂ©isme, matĂ©rialisme et Ă©picurisme s’est attĂ©nuĂ© ainsi que le lien Ă©troit qui unifiait une philosophie et des mƓurs. On ne retient de nos jours que l’aspect charnel et vaguement immoral du libertinage, hĂ©ritĂ© du XVIIIe. En ce qu’il bouscule la morale conventionnelle et bourgeoise de notre temps, il reste dans l’ensemble connotĂ© pĂ©jorativement, mĂȘme si la libĂ©ralisation des mƓurs tout au long du XXe siĂšcle et les cultes respectivement rendus au corps, Ă  la nuditĂ©, Ă  la chair, aux plaisirs physiques, Ă  la libertĂ© y compris amoureuse et Ă  la consommation Ă  outrance, de nos jours, et l’ébranlement de valeurs traditionnelles telles que le mariage, la tempĂ©rance, les contraintes et la fidĂ©litĂ©, contribuent chaque jour un peu plus Ă  la banalisation – ou du moins Ă  l’acceptation – de ces pratiques, aujourd’hui plus facilement tolĂ©rĂ©es, voire admises comme faisant partie de la vie privĂ©e et des droits de chacun. Quant Ă  son aspect littĂ©raire, il est aujourd’hui dĂ©signĂ© sous le terme plus neutre – d’un point de vue moral – de littĂ©rature Ă©rotique ». Des publications confidentielles et clandestines retirĂ©es de la vente pour outrage aux bonnes mƓurs, et conduisant leurs auteurs Ă  la prison, jusqu’au best-seller amĂ©ricain Cinquante nuances de gris de les mƓurs et le goĂ»t du public ont bien changĂ© ! 3 articles Ă  venir pour creuser ce thĂšme du libertinage Le Marquis de Sade – Ă©videmment ! Casanova – Ă©videmment bis ! Et Don Juan – Ă©videmment ter ! Citation de Dom juan Sagnarelle son valet dĂ©crit son maĂźtre Dom Juan acte I sc. 1 SGANARELLE [
] tu vois en Dom Juan, mon maĂźtre, le plus grand scĂ©lĂ©rat que la terre ait jamais portĂ©, [
] un hĂ©rĂ©tique, qui ne croit ni Ciel, ni Enfer, ni loup-garou, qui passe cette vie en vĂ©ritable bĂȘte brute, un pourceau d’Epicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l’oreille Ă  toutes les remontrances qu’on peut lui faire, et traite de billevesĂ©es tout ce que nous croyons. [
] Un mariage ne lui coĂ»te rien Ă  contracter, il ne se sert point d’autres piĂšges pour attraper les belles, et c’est un Ă©pouseur Ă  toutes mains ; dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud, ni de trop froid pour lui ; et si je te disais le nom de toutes celles qu’il a Ă©pousĂ©es en divers lieux, c serait un chapitre Ă  durer jusques au soir. » Citation de Dom Juan l’éloge de l’inconstance amoureuse par ce maĂźtre de la sĂ©duction acte I sc. 2 DOM JUAN Quoi ? tu veux qu’on se lie Ă  demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’ĂȘtre fidĂšle, de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’ĂȘtre mort dĂšs sa jeunesse Ă  toutes les autres beautĂ©s qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non la constance n’est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’ĂȘtre rencontrĂ©e la premiĂšre ne doit point dĂ©rober aux autres les justes prĂ©tentions qu’elles ont toutes sur nos coeurs. Pour moi, la beautĂ© me ravit partout oĂč je la trouve, et je cĂšde facilement Ă  cette douce violence dont elle nous entraĂźne. J’ai beau ĂȘtre engagĂ©, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point mon Ăąme Ă  faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mĂ©rite de toutes, et rends Ă  chacune les hommages et les tributs oĂč la nature nous oblige. Quoi qu’il en soit, je ne puis refuser mon cƓur Ă  tout ce que je vois d’aimable; et dĂšs qu’un beau visage me le demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, aprĂšs tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l’amour est dans le changement. On goĂ»te une douceur extrĂȘme Ă  rĂ©duire, par cent hommages, le cƓur d’une jeune beautĂ©, Ă  voir de jour en jour les petits progrĂšs qu’on y fait, Ă  combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une Ăąme qui a peine Ă  rendre les armes, Ă  forcer pied Ă  pied toutes les petites rĂ©sistances qu’elle nous oppose, Ă  vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement oĂč nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu’on en est maĂźtre une fois, il n’y a plus rien Ă  dire ni rien Ă  souhaiter; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillitĂ© d’un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient rĂ©veiller nos dĂ©sirs, et prĂ©senter Ă  notre cƓur les charmes attrayants d’une conquĂȘte Ă  faire. Enfin il n’est rien de si doux que de triompher de la rĂ©sistance d’une belle personne, et j’ai sur ce sujet l’ambition des conquĂ©rants, qui volent perpĂ©tuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se rĂ©soudre Ă  borner leurs souhaits. Il n’est rien qui puisse arrĂȘter l’impĂ©tuositĂ© de mes dĂ©sirs je me sens un cƓur Ă  aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eĂ»t d’autres mondes, pour y pouvoir Ă©tendre mes conquĂȘtes amoureuses. » Tagged analyse littĂ©raire, culture littĂ©raire, Ă©poque moderne, Ă©rotisme, histoire littĂ©raire, libertinage

Croyanceque tout objet a une Ăąme . Solution: ANIMISME. Les autres questions que vous pouvez trouver ici CodyCross Sous l’ocĂ©an Groupe 26 Grille 5 Solution et RĂ©ponse. Post

D’abord encadrĂ©es par le psychiatre Ian Stevenson, elles sont aujourd’hui coordonnĂ©es par le pĂ©dopsychiatre et chercheur, Jim Tucker, qui est Ă  la tĂȘte du service de parapsychologie de l’UniversitĂ© de Virginie. Si question de la rĂ©incarnation, et plus particuliĂšrement de ces cas d’enfants aux souvenirs dĂ©rangeants peut prĂȘter Ă  sourire, elle est une expĂ©rience des plus angoissantes pour celles et ceux qui s'y retrouvent Face Ă  l'inexplicable, mĂȘme les esprits les plus cartĂ©siens en viennent en douter comme le montre l’épisode 6 de la sĂ©rie-documentaire Survivre Ă  la Mort, rĂ©alisĂ©e par Ricki Stern et diffusĂ©e en janvier 2021 sur Netflix. Adeptes de la maxime socratique "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien", les experts scientifiques en charge de l'Ă©tude du phĂ©nomĂšne collectent et recensent aujourd'hui des dizaines de milliers de cas "curieux" Ă  travers le monde, qui prĂ©senteraient Ă  chaque fois des similitudes troublantes dans leur manifestation. Parmi ces tĂ©moignages, certains ont pu ĂȘtre "vĂ©rifiĂ©s" avec des Ă©lĂ©ments tangibles de l'Histoire. La croyance en ce phĂ©nomĂšne, elle, ne date pas d'hier. La rĂ©incarnation, une croyance ancestrale La rĂ©incarnation est l’une des plus anciennes croyances du monde. On retrouve des traces datant de plus de 5000 ans dans la prĂ©histoire de l’Hindouisme. MĂȘme chose dans des vestiges chinois, Ă©gyptiens, grecs ou romains. Toutefois, c’est la vision de la rĂ©incarnation bouddhiste tibĂ©taine qui est la plus connue du grand public. "Selon le bouddhisme, effectivement, il n'y a pas d'Ăąme et il n'y a pas non plus de "personne" considĂ©rĂ©es comme des entitĂ©s distinctes. Il n'y a qu'un flot dynamique d'expĂ©rience, instant aprĂšs instant, que l'on appelle la conscience. Dans le monde de l'inanimĂ©, il est admis que "rien ne se crĂ©e, rien de ne perd". Il n'y a que des transformations. La matiĂšre ne peut naĂźtre ex nihilo. Selon le bouddhisme, il en va de mĂȘme de la conscience, qui ne peut ni surgir de rien ni passer de l'existence phĂ©nomĂ©nale au nĂ©ant. D'oĂč l'idĂ©e d'un continuum de conscience qui se poursuit d'Ă©tat d'ĂȘtre en Ă©tat d'ĂȘtre.", explicitait ainsi Mathieu Ricard sur son site en 2011. La culture gitxsane repose sur le concept que l’esprit se renouvelle. La personnalitĂ©, l’essence, l’esprit de la personne dĂ©cĂ©dĂ©e ranime le bĂ©bĂ© qui naĂźt De nombreuses cultures ont Ă©galement intĂ©grĂ© cette idĂ©e de rĂ©incarnation. C’est le cas des Gitxsan, peuple natif de la Colombie Britannique au Canada. “La culture gitxsane repose sur le concept que l’esprit se renouvelle. La personnalitĂ©, l’essence, l’esprit de la personne dĂ©cĂ©dĂ©e ranime le bĂ©bĂ© qui naĂźt”, explique la professeur et psychiatre Antonia Mills, interrogĂ©e par Ricki Stern. Des prĂ©ceptes difficilement intelligibles dans nos sociĂ©tĂ©s occidentales cartĂ©siennes, oĂč les religions monothĂ©istes rĂ©futent entiĂšrement cette idĂ©e, et dans lesquelles la parole des enfants n'est que peu considĂ©rĂ©e. De fait, ce principe reste cantonnĂ© pour beaucoup dans le monde farfelu du paranormal, entre les apparitions d'OVNI et les Poltergeist des maisons hantĂ©es. Et la pop culture n'est pas en reste on trouve de nombreux films utilisant cette croyance comme fil conducteur d'un scĂ©nario plus ou moins bien ficelĂ© Dead Again 1991, Les ombres du passĂ© 2000 ou encore Little Buddha 1993, ndlr. Des similitudes dans les rĂ©cits Revenons en Virginie. D’aprĂšs les chercheurs - Ian Stevenson d’abord, puis ses disciples - la plupart des rĂ©cits d’enfants dits “incarnĂ©s” sont semblables les souvenirs apparaissent sous la forme de terreurs nocturnes, parfois violentes, vers l’ñge de 2 ou 3 ans et disparaissent vers 6 ou 7 ans, quand l’enfant dĂ©couvre la conscience morale. C’est ainsi que James Leininger, ĂągĂ© aujourd’hui de 23 ans, aurait fait l’expĂ©rience de la rĂ©incarnation. Le cas de cet AmĂ©ricain, habitant dans le sud de la Louisiane, a fait la Une de la presse outre-Atlantique au dĂ©but des annĂ©es 2000. Et pour cause James aurait Ă©tĂ© dans une vie antĂ©rieure, un pilote de chasse dans l’armĂ©e, mort au combat pendant la Seconde Guerre mondiale. AprĂšs s'ĂȘtre inquiĂ©tĂ©s de l'intensitĂ© de ses cauchemars et Ă©tonnĂ©s de sa passion incommensurable pour les avions, ses parents ont notĂ© les dĂ©tails du rĂ©cit du petit garçon, qui Ă©taient extrĂȘmement nombreux et prĂ©cis. Le pĂšre Bruce, plutĂŽt rĂ©fractaire Ă  cette idĂ©e au dĂ©part, a fini par enquĂȘter et retrouver l'identitĂ© de l'homme en question. Le petit garçon d'alors 6 ans a ainsi rencontrĂ© la soeur dudit soldat et un de ses compagnons de l’armĂ©e, pour confronter son rĂ©cit et "valider" en quelque sorte son histoire. Évidemment, de nombreuses personnes Ă  l'Ă©poque s'Ă©taient inscrites en faux on a alors envisagĂ© que les parents du petit James manipulaient leur fils pour faire sensation, que l'enfant cherchait de l'attention ou mĂȘme que tout cela n'Ă©tait qu'une coĂŻncidence
 Mais selon la pĂ©dopsychothĂ©rapeute Carol Bowman, connue pour avoir Ă©tudiĂ© des cas similaires, James Leininger semble bien avoir eu des souvenirs d’une vie passĂ©e pendant sa petite enfance. Toujours selon elle, une autre similitude semble par ailleurs Ă©merger des diffĂ©rents rĂ©cits d'enfants le phĂ©nomĂšne concernerait surtout des morts “violentes” qui “imprĂšgnent l’ñme d’un traumatisme”. Et les manifestations, notamment les cauchemars, pourraient s'attĂ©nuer si l'enfant permet Ă  cette "Ăąme" de faire son deuil. Autre fait remarquable explicitĂ© cette fois sur le site de l'UniversitĂ© de Virginie les tĂąches de naissance. "Certains enfants ont des taches de naissance et des anomalies congĂ©nitales qui correspondent Ă  des blessures ou d'autres marques sur la personne dĂ©cĂ©dĂ©e dont l'enfant se souvient de la vie. Dans de nombreux cas, des rapports post-mortem ont confirmĂ© ces correspondances." Protocoles et prise en charge Reste qu'Ă  l'heure actuelle, les protocoles manquent, notamment parce que l'objet d'Ă©tude reste controversĂ©. Seule l'Ă©quipe de chercheurs de l'UniversitĂ© de Virginie semble avoir mis en place des outils pour repĂ©rer, collecter et vĂ©rifier ces rĂ©cits d'enfants, et leurs recherches se concentrent plus prĂ©cisĂ©ment en AmĂ©rique du Nord, bien que des cas ont Ă©tĂ© observĂ©s un peu partout dans le monde. Jim Tucker a ainsi publiĂ© en ligne des guides Ă  destination des parents. Parmi les Ă©lĂ©ments qui sont censĂ©s les alerter, on trouve une liste de phrases "communes" Ă  ces enfants, Ă©voquant le souvenir d'une vie antĂ©rieure, telles que "Tu n'es pas ma mĂšre/mon pĂšre" Ă  "J'avais l'habitude de..." en passant par "Je suis mort en...". La liste est disponible sur le site officiel de l'universitĂ©. Ces dĂ©clarations sont gĂ©nĂ©ralement faites par des enfants dont le dĂ©veloppement semble par ailleurs ĂȘtre exactement comme celui de leurs pairs L'expert prĂ©cise sur une autre page que de nombreux parents dĂ©sarmĂ©s cherchent des solutions pour accompagner leurs enfants et rappelle que les conseils trouvĂ©s sur Internet, mĂȘme Ă©manants de sa propre Ă©quipe, ne remplacent pas une prise en charge psychothĂ©rapeutique adaptĂ©e. Il insiste Ă©galement sur le fait ces discours d'enfants ne rĂ©vĂšlent aucunement un trouble mental. "Nous avons discutĂ© avec de nombreuses familles dans lesquelles un enfant prĂ©tend se souvenir d'un autre groupe de parents, d'un autre foyer ou d'un dĂ©cĂšs antĂ©rieur, et les enfants prĂ©sentent rarement des problĂšmes de santĂ© mentale. Ces dĂ©clarations sont gĂ©nĂ©ralement faites par des enfants dont le dĂ©veloppement semble par ailleurs ĂȘtre exactement comme celui de leurs pairs", Ă©crit-il. Il ajoute plus loin que l'hypnose rĂ©gressive est fortement dĂ©conseillĂ©e dans ces cas, car il faut se concentrer "sur la vie de maintenant". L'Ă©quipe de chercheurs invitent par ailleurs les familles qui se sentiraient concernĂ©es Ă  leur Ă©crire afin que le rĂ©cit de leur enfant soit collectĂ© dans un premier temps et analysĂ© par une personne agréée. Le doute est-il permis? MalgrĂ© ces donnĂ©es, quel crĂ©dit accorder Ă  ces histoires ? Les recherches de l'Ă©quipe de parapsychologues amĂ©ricains vont-elles un jour aboutir Ă  une dĂ©couverte qui pourraient changer notre regard sur le monde ? Le doute est-il vraiment permis au regard du savoir scientifique actuel ? Que ce soit dans le documentaire Netflix ou dans la littĂ©rature spĂ©cialisĂ©e, on note qu'aucun expert ne s’est avancĂ© pour officialiser le phĂ©nomĂšne, pas mĂȘme Ian Stevenson, vĂ©ritable pionnier dans le domaine. “Je prĂ©fĂšre dire que mon travail suggĂšre l’existence des vies antĂ©rieures plutĂŽt qu’il ne le prouve”, a-t-il ainsi dĂ©clarĂ©. SuggĂ©rer l’idĂ©e, instiller le doute. Comme l’équipe de chercheurs amĂ©ricains et leurs homologues Ă  travers le monde qui recensent les cas curieux, mon but, Ă  travers cet article, n’est pas d’apporter des rĂ©ponses, mais seulement de poser des questions. Qui sait, dans une vie antĂ©rieure, j’étais peut-ĂȘtre un philosophe de la GrĂšce Antique. J’ai toujours aimĂ© les sandales. 3Dkkobx.
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