Lamort n’est rien, je suis simplement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi, vous ĂȘtes vous. Ce que nous Ă©tions les uns pour les autres, Nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que La spiritualitĂ© du pĂšlerinage de Chartres fut admirablement interprĂ©tĂ©e par les PriĂšres dans la cathĂ©drale de Charles PÉGUY spiritualitĂ© faite d’adoration de Marie MĂšre de Dieu, mais aussi redĂ©couverte d’un espace intĂ©rieur, d’une disposition d’ñme qui se dĂ©ploie au fur et Ă  mesure de l’approche de la cathĂ©drale. Charles PĂ©guy en 1897 © ACP Charles PÉGUY est en rĂ©alitĂ© indissociable du pĂšlerinage de Chartres. Il a profondĂ©ment marquĂ© plusieurs gĂ©nĂ©rations. La fin du XIXe siĂšcle avait connu le retour massif des pĂšlerins jusqu’à remplir toutes les rues de Chartres. Il est pourtant considĂ©rĂ© comme une sorte de refondateur’. C’est dans ses pas, le plus souvent, que sont entrĂ©s les grands pĂšlerinages des cent derniĂšres annĂ©es. L’histoire est Ă©tonnante
 Elle commence le 14 juin 1912, lorsque Charles PÉGUY entreprend l pĂšlerinage de Chartres Ă  la suite d’un vƓu fait l’étĂ© prĂ©cĂ©dent au chevet de son fils malade. Alors, mon vieux, j’ai senti que c’était grave. Il a fallu que je fasse un vƓu
 J’ai fait un pĂšlerinage Ă  Chartres. Je suis Beauceron. Chartres est ma cathĂ©drale. J’ai fait 144 kilomĂštres en trois jours. 
 Mourir dans un fossĂ©, ce n’est rien ; vraiment, j’ai senti que ce n’était rien. Nous faisons quelque chose de plus difficile ». AprĂšs la mort du poĂšte en 1914, certains de ses amis empruntent son itinĂ©raire. Ils mĂ©ditent ses poĂšmes, font mĂ©moire. en savoir plus sur le chemin Charles PĂ©guy » – site officiel Lamort n'est rien - Charles PĂ©guy - Dominique Piat by Jean-Pierre HanĂ© , "Mon petit théùtre sonore" published on 2021-02-11T07:18:49Z. Recommended tracks L'homme n'est pas une chĂšvre - de GĂ©rard Mordillat - par Jean-Pierre HanĂ© by Jean-Pierre HanĂ© , "Mon petit théùtre sonore" published on 2021-05-15T07:27:06Z. Users who like La mort n'est rien - Charles PĂ©guy En 1873, Ă  OrlĂ©ans, la ville dĂ©livrĂ©e du joug anglais par Jeanne d’Arc plus de quatre siĂšcles auparavant, naĂźt Charles PĂ©guy. Sa maison natale se trouvait Faubourg Bourgogne. Cette rue quelque peu sinueuse, c’était tout simplement le chemin de terre que Jeanne d’Arc avait foulĂ© des sabots de son cheval quand, sortant par la Porte-Bourgogne, elle allait donner l’assaut Ă  la bastille de Saint-Loup ». Jeanne d’Arc – Emmanuel FrĂ©miet . Source DĂšs son enfance, la vie de Charles PĂ©guy est empreinte d’une grande dĂ©votion envers Jeanne. En 1892, pendant son service militaire, puis pendant ses Ă©tudes Ă  l’Ecole Normale, il commence Ă  Ă©tudier sa vie. En 1895, il Ă©crit Ă  un ami Je continue Ă  travailler Ă  l’histoire de Jeanne d’Arc, ou plutĂŽt de sa vie intĂ©rieure. ». Et Ă  un autre ami Je me suis rendu compte aussi qu’il Ă©tait dĂ©cidĂ©ment impossible, avec l’histoire telle qu’on est obligĂ© de la faire, de faire l’histoire de cette vie intĂ©rieure. Il m’est venu alors une idĂ©e que j’ai eu l’audace d’accueillir celle d’emprunter au drame, et au vers s’il y a lieu, toutes ses ressources. Je me suis assurĂ© que je ne serais peut-ĂȘtre pas trop mauvais ouvrier ». Lors de sa rentrĂ©e universitaire, en novembre 1895, il prĂ©texte une fatigue aux yeux et obtient de son directeur un congĂ© d’un an pendant lequel il entreprend d’écrire la premiĂšre version du drame Jeanne d’Arc, qu’il achĂšvera en 1897. Il faudra attendre treize ans pour entendre de nouveau PĂ©guy nous parler de Jeanne d’Arc. Mais alors, PĂ©guy sera revenu Ă  la foi chrĂ©tienne et ce sera l’admirable MystĂšre de la charitĂ© de Jeanne d’Arc 1910. [1]Les citations de ce paragraphe sont tirĂ©es des notices de Marcel PĂ©guy dans Les Ɠuvres poĂ©tiques complĂštes de Charles PĂ©guy. Un chef de bataille Ă  genoux Jeannette a 13 ans. Âme de priĂšre et solidaire de son peuple assiĂ©gĂ©, elle demande un signe Ă  Dieu. O MaĂźtre, daignez pour une fois exaucer ma priĂšre, que je ne sois pas folle avec les rĂ©voltĂ©s. Pour une fois au moins, exaucez une priĂšre de moi Voici presque un an que je vous prie pour le mont vĂ©nĂ©rable de monsieur saint Michel, qui demeure au pĂ©ril de la mer ocĂ©ane. Exaucez ĂŽ mon Dieu, cette priĂšre-lĂ . En attendant un bon chef de guerre qui chasse l’Anglais hors de toute France, dĂ©livrez les bons chevaliers de monsieur saint Michel mon Dieu je vous en prie une derniĂšre fois. » Le mĂȘme jour, dans la soirĂ©e, son amie Hauviette vient annoncer Ă  Jeanne que le Mont Saint Michel est sauvĂ©. Jeannette voit sa priĂšre exaucĂ©e Mon Dieu, vous nous avez cette fois exaucĂ©es ; Vous avez entendu ma priĂšre de folle ; Et ma vie Ă  prĂ©sent ne sera plus faussĂ©e. O mon Dieu, vous m’avez cette fois exaucĂ©e. Vous avez cette fois entendu ma parole ; Vous avez sauvĂ© ceux pour qui j’avais priĂ©. Vous nous avez montrĂ© mieux que par la parole Ce qu’il faut que l’on fasse aprĂšs qu’on a priĂ© Car les bons dĂ©fenseurs de la montagne sainte, AprĂšs avoir priĂ© tous les matins lĂ -bas, Partaient pour la bataille oĂč sans trĂȘve, et sans plainte, Ils restaient tout le jour, capitaine et soldats. VoilĂ  ce qu’il nous faut c’est un chef de bataille Qui fasse le matin sa priĂšre Ă  genoux Comme eux, avant d’aller frapper la bataille Aux Anglais outrageux. Mon Dieu, donnez-le nous. O mon Dieu, donnez-nous enfin le chef de guerre, Vaillant comme un archange et qui sache prier, Pareil aux chevaliers qui sur le Mont naguĂšre Terrassaient les Anglais. Qu’il soit chef de bataille et chef de la priĂšre. Mais qu’il ne sauve pas seulement telle place En laissant aux Anglais le restant du pays Dieu de la France, envoyez-nous un chef qui chasse De toute France les Anglais bien assaillis. Pour une fois encore exaucez ma priĂšre Commencez le salut de ceux que nous aimons ; O mon Dieu ! Donnez-nous enfin le chef de guerre Pareil Ă  celui-lĂ  qui vainquit les dĂ©mons. » Jeanne d’Arc, A Domremy, premiĂšre partie Je dĂ©cide que je vous obĂ©irai 1428, Jeanne a 16 ans. En rĂ©ponse Ă  la demande pressante de ses voix, elle dĂ©cide de partir. Sa dĂ©cision d’obĂ©ir Ă  Dieu prend sa source dans cette attitude de disponibilitĂ© et de confiance du disciple envers son MaĂźtre, de la servante envers son Seigneur. Mon Dieu, Pardonnez-moi d’avoir attendu si longtemps Avant de dĂ©cider ; mais puisque les Anglais Ont dĂ©cidĂ© d’aller Ă  l’assaut d’OrlĂ©ans, Je sens qu’il est grand temps que je dĂ©cide aussi ; Moi, Jeanne, je dĂ©cide que je vous obĂ©irai. Moi, Jeanne, qui suis votre servante, Ă  vous, qui ĂȘtes mon maĂźtre, en ce moment-ci je dĂ©clare que je vous obĂ©irai. Vous m’avez commandĂ© d’aller dans la bataille j’irai. Vous m’avez commandĂ© de sauver la France pour monsieur le dauphin j’y tĂącherai. Je vous promets que je vous obĂ©irai jusqu’au bout Je le veux. Je sais ce que je dis. Quoi qu’il m’arrive Ă  prĂ©sent, je vous promets que je vais commencer et que je vous obĂ©irai jusqu’au bout je l’ai voulu. Je sais ce que j’ai fait. » A prĂ©sent, ĂŽ mon Dieu, que je vais commencer, Si les Anglais ne veulent pas s’en aller bien, Donnez-moi la rudesse et la force qu’il faut Pour entraĂźner les durs soldats et les lancer Comme un flot dĂ©bordant qui s’emporte Ă  l’assaut. A prĂ©sent, ĂŽ mon Dieu, que je vais commencer, Si les Anglais ne veulent pas s’en aller bien, Donnez-moi la douceur et la force qu’il faut Pour calmer les soldats et pour les apaiser Dans leur pleine victoire, ayant fini l’assaut. Mais si, dans la bataille oĂč je vais travailler, Cette ouvriĂšre est faible, ou maladroite, ou lĂąche, Si l’ouvriĂšre est faible Ă  mener les soldats ; Et si, dans la victoire oĂč je vais travailler, Cette ouvriĂšre est faible Ă  sa deuxiĂšme tĂąche, Si l’ouvriĂšre est faible Ă  calmer les soldats ; Si je travaille mal en bataille ou victoire, Et si l’Ɠuvre est mal faite oĂč j’ai voulu servir, O mon Dieu, pardonnez Ă  la pauvre servante. » Pour Jeanne, sa mission est simple. Elle l’explique Ă  son oncle Ă  qui elle demande de la conduire au messire de Baudricourt qui pourra lui fournir l’escorte dont elle a besoin pour aller trouver le roi Mon oncle, ça n’est pas difficile Ă  comprendre Le royaume de France n’appartient Ă  personne qu’à Dieu ; mais Dieu ne veut pas le gouverner lui-mĂȘme il veut seulement le surveiller ; c’est pour cela qu’il en a donnĂ© le gouvernement Ă  ses serviteurs les rois de France ; depuis que le bon roi Charles est mort, c’est Ă  son garçon, monsieur le dauphin, que revient la France pour la gouverner ; les Anglais veulent s’en emparer quand mĂȘme ; le bon Dieu ne veut pas les laisser faire ; et c’est pour les en empĂȘcher qu’il veut que j’aille Ă  monsieur le dauphin. C’est bien simple. » Jeanne d’Arc, A Domremy, deuxiĂšme partie Photo Source Jeanne Ă©mue de compassion, Il faut sauver son Ăąme! » Jeanne combat pour le salut de son pays. Plus encore, elle intercĂšde pour le salut des Ăąmes. RĂ©sonne alors l’aspiration profonde du cƓur de PĂ©guy Il faut se sauver ensemble. Il faut arriver ensemble chez le bon Dieu » Hauviette Ă  Jeannette dans Le mystĂšre de la charitĂ© de Jeanne d’Arc Devant un prisonnier anglais, mort Madame Jeanne le regardait mort. Elle avait de grosses larmes dans les yeux. Tout Ă  coup elle a sursautĂ© – Mais il faut sauver son Ăąme ! il faut sauver son Ăąme ! » Il Ă©tait mort si vite qu’on n’avait pas eu le temps d’y penser. – Voyons ! vite ! quelqu’un ! qu’on lui donne l’absolution ! » Il y avait justement lĂ  un Franciscain, frĂšre Jean Vincent, qui revenait de se battre. Il avait mis une cuirasse par-dessus sa robe. Il s’est approchĂ© Madame Jeanne, moi, je veux bien, lui donner l’absolution, seulement il est mort. » – Ça ne fait rien ! ça ne fait rien ! allez ! allez toujours ! il faut sauver son Ăąme ! il faut sauver son Ăąme ! » FrĂšre Jean Vincent lui a donnĂ© l’absolution, mais je ne sais pas si ça compte, l’absolution donnĂ©e dans ces conditions-là
 » 
 Dites bien Ă  tous vos amis qu’on n’aille jamais plus Ă  la bataille avant de s’ĂȘtre bien confessĂ©s. Dites-leur aussi qu’on veille Ă  donner Ă  temps l’absolution aux blessĂ©s. » PriĂšre de Jeanne Ă  la bataille Puisqu’il faut, ĂŽ mon Dieu, qu’on fasse la bataille, Nous vous prions pour ceux qui seront morts demain Mon Dieu sauvez leur Ăąme et donnez-leur Ă  tous, Donnez-leur le repos de la paix Ă©ternelle. » Jeanne d’Arc, Les Batailles, premiĂšre partie Dans sa passion mĂȘme est rĂ©vĂ©lĂ©e sa compassion, son souci des Ăąmes. » Le 30 mai 1431, jour de son exĂ©cution, PĂ©guy met dans la bouche de Jeanne cette ultime priĂšre O mon Dieu, Puisqu’il faut qu’à prĂ©sent Rouen soit ma maison, Ă©coutez bien ma priĂšre Je vous prie de vouloir bien accepter cette priĂšre comme Ă©tant vraiment ma priĂšre de moi, parce que tout Ă  l’heure je ne suis pas tout Ă  fait sĂ»re de ce que je ferai quand je serai dans la rue,
 et sur la place, et de ce que je dirai. Pardonnez-moi, pardonnez-nous Ă  tous tout le mal que j’ai fait, en vous servant. Mais je sais bien que j’ai bien fait de vous servir. Nous avons bien fait de vous servir ainsi. Mes voix ne m’avaient pas trompĂ©e. Pourtant, mon Dieu, tĂąchez donc de nous sauver tous, mon Dieu. JĂ©sus, sauvez-nous tous Ă  la vie Ă©ternelle. » Jeanne d’Arc, Rouen, deuxiĂšme partie

Puissionsnous mĂ©diter ce texte souvent attribuĂ© Ă  tort Ă  Charles PĂ©guy, comme un message d'outre-tombe. ''La mort n'est rien, je suis seulement passĂ©, dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi. Vous ĂȘtes vous. Ce que j'Ă©tais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donnĂ©, parlez-moi comme vous l'avez

Ce qui m'Ă©tonne, dit Dieu, c'est l'espĂ©rance. Et je n'en reviens pas. Cette petite espĂ©rance qui n'a l'air de rien du tout. Cette petite fille Car mes trois vertus, dit Dieu. Les trois vertus mes crĂ©atures. Mes filles mes enfants. Sont elles-mĂȘmes comme mes autres crĂ©atures. De la race des hommes. La Foi est une Épouse fidĂšle. La CharitĂ© est une MĂšre. Une mĂšre ardente, pleine de cƓur. Ou une sƓur aĂźnĂ©e qui est comme une mĂšre. L'EspĂ©rance est une petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de NoĂ«l de l'annĂ©e derniĂšre. Qui joue encore avec le bonhomme Janvier. Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne couverts de givre peint. Et avec son bƓuf et son Ăąne en bois d'Allemagne. Peints. Et avec sa crĂšche pleine de paille que les bĂȘtes ne mangent pas. Puisqu'elles sont en bois. C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes. Cette petite fille de rien du seule, portant les autres, qui traversera les mondes rĂ©volus.[...]Mais l'espĂ©rance ne va pas de soi. L'espĂ©rance neva pas toute seule. Pour espĂ©rer, mon enfant, il faut ĂȘtre bien heureux, il faut avoir obtenu,reçu une grande grĂące.[...] La petite espĂ©rance s'avance entre ses deux gran- des sƓurs et on ne prend pas seulement garde Ă  elle. Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route inter- minable, sur la route entre ses deux sƓurs la petite espĂ©rance S'avance. Entre ses deux grandes sƓurs. Celle qui est mariĂ©e. Et celle qui est mĂšre. Et l'on n'a d'attention, le peuple chrĂ©tien n'a d'attention que pour les deux grandes sƓurs. La premiĂšre et la derniĂšre. Qui vont au plus pressĂ©. Au temps prĂ©sent. À l'instant momentanĂ© qui passe. Le peuple chrĂ©tien ne voit que les deux grandes sƓurs, n'a de regard que pour les deux grandes sƓurs. Celle qui est Ă  droite et celle qui est Ă  gauche. Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu. La petite, celle qui va encore Ă  l'Ă©cole. Et qui marche. Perdue entre les jupes de ses sƓurs. Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traĂźnent la petite par la main. Au milieu. Entre les deux. Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut. Les aveugles qui ne voient pas au contraire. Que c'est elle au milieu qui entraĂźne ses grandes sƓurs. Et que sans elle elles ne seraient rien. Que deux femmes dĂ©jĂ  ĂągĂ©es. Deux femmes d'un certain par la vie. C'est elle, cette petite, qui entraĂźne tout. Car la Foi ne voit que ce qui est. Et elle elle voit ce qui sera. La CharitĂ© n'aime que ce qui elle elle aime ce qui sera. La Foi voit ce qui est. Dans le Temps et dans l'ÉternitĂ©. L'EspĂ©rance voit ce qui sera. Dans le temps et dans l' ainsi dire le futur de l'Ă©ternitĂ© mĂȘme. La CharitĂ© aime ce qui est. Dans le Temps et dans l'ÉternitĂ©. Dieu et le prochain. Comme la Foi voit. Dieu et la crĂ©ation. Mais l'EspĂ©rance aime ce qui le temps et dans l' ainsi dire dans le futur de l'Ă©ternitĂ©. L'EspĂ©rance voit ce qui n'est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n'est pas encore et qui seraDans le futur du temps et de l'Ă©ternitĂ©. Sur le chemin montant, sablonneux, malaisĂ©. Sur la route montante. TraĂźnĂ©e, pendue aux bras de ses deux grandes sƓurs, Qui la tiennent pas la main, La petite espĂ©rance. S'avance. Et au milieu entre ses deux grandes sƓurs elle a l'air de se laisser traĂźner. Comme une enfant qui n'aurait pas la force de marcher. Et qu'on traĂźnerait sur cette route malgrĂ© elle. Et en rĂ©alitĂ© c'est elle qui fait marcher les deux autres. Et qui les traĂźne. Et qui fait marcher tout le monde. Et qui le on ne travaille jamais que pour les les deux grandes ne marchent que pour la PĂ©guy, Le Porche du mystĂšre de la deuxiĂšme vertu, 1912 Or je le dis, dit Dieu, je ne connais rien d’aussi beau dans tout le monde Qu’un petit enfant qui s’endort en faisant sa priĂšre Sous l’aile de son ange gardien () Pendant qu’un voile dĂ©jĂ  descend sur ses paupiĂšres, Le voile de la nuit sur son regard et sur sa voix ». Guerres – Cataclysmes – Maladies ; cet extrait du long poĂšme de Charles PĂ©guy, Le MystĂšre des saints
L’historien Jean-Pierre Rioux publie en ce dĂ©but d’annĂ©e La mort du Lieutenant PĂ©guy, un livre qui retrace l’expĂ©rience de guerre du grand Ă©crivain jusqu’à sa mort le 5 septembre 1914. Occasion de revenir sur la conception de la guerre du directeur des Cahiers de la Quinzaine. soldats français en 1914 Charles PĂ©guy est mort debout. En soldat honorable, en soldat vertical. ArrivĂ©e au croisement de la route d’Yverny-la Bascule et de Chauconin, la 19e compagnie de PĂ©guy reçoit l’ordre d’attaquer les Allemands embusquĂ©s Ă  quelques centaines de mĂštres de lĂ . FiĂšrement dressĂ©, PĂ©guy commande le feu Tirez, tirez, nom de Dieu ! » Quelques instants plus tard, il est frappĂ© d’une balle en plein front et s’écroule dans une plainte Ah ! mon Dieu
 Mes enfants ! » Parmi les nombreux hommages consĂ©cutifs Ă  la mort de PĂ©guy, celui de son ami Daniel HalĂ©vy se distingue par sa luciditĂ© Je ne pleurerai pas son hĂ©roĂŻque fin. Il l’a cherchĂ©e, il l’a trouvĂ©e, il Ă©tait digne d’elle [
] Ne le plaignons pas. Cette mort, qui donne Ă  son Ɠuvre le tĂ©moignage, la signature du sang, il l’a voulue. » En effet, PĂ©guy a toujours eu une haute conscience de l’honneur et une admiration pour la figure du soldat. Cette mort est celle qui lui ressemble le plus. Sa vie aura Ă©tĂ© celle d’un soldat de plume, sa mort, celle d’un soldat tout court. Soldat, PĂ©guy l’était indiscutablement. Soldat français, PĂ©guy l’était d’autant plus. Dans sa Note conjointe sur M. Descartes, il s’applique Ă  distinguer deux conceptions radicalement opposĂ©es de la guerre. D’un cĂŽtĂ©, la conception française hĂ©ritĂ©e de la chevalerie et dont la finalitĂ© est l’honneur, de l’autre, la conception allemande hĂ©ritĂ©e de l’Empire romain et dont la finalitĂ© est la victoire. Le soldat français se bat pour des valeurs, le soldat allemand se bat pour gagner. Aux yeux de PĂ©guy, la logique de guerre allemande trouve son origine dans l’épisode du cheval de Troie. Ce n’est donc pas un Romain, mais le Grec Ulysse qui a le premier privilĂ©giĂ© l’issue de la bataille Ă  la bataille en tant que telle. Plus question pour le fis d’Ithaque de respecter un code, mais bien plutĂŽt d’utiliser la ruse et d’ĂȘtre fidĂšle Ă  sa rĂ©putation d’homme au mille tours ». Pour PĂ©guy, le systĂšme de guerre français est basĂ© sur le duel tandis que le systĂšme de guerre allemand est basĂ© sur la domination. Il prĂ©vient la guerre entre la France et l’Allemagne ne peut pas ĂȘtre envisagĂ©e comme un duel Ă  grande Ă©chelle puisque seule une des parties engagĂ©es respecte les rĂšgles chevaleresques du duel. Français et Allemands font la guerre, ils se font la guerre, mais ils ne font pas la mĂȘme guerre. Je dirai Il y a deux races de la guerre qui n’ont peut-ĂȘtre rien de commun ensemble et qui se sont constamment mĂȘlĂ©es et dĂ©mĂȘlĂ©es dans l’histoire [
] Il y a une race de la guerre qui est une lutte pour l’honneur et il y a une tout autre race de la guerre qui est une lutte pour la domination. La premiĂšre procĂšde du duel. Elle est le duel. La deuxiĂšme ne l’est pas et n’en procĂšde pas », explique PĂ©guy. soldats allemands en 1914 PĂ©guy estime que, lorsqu’on fait la guerre, la fin ne justifie jamais les moyens. Pour le soldat français, c’est plutĂŽt les moyens qui justifient la fin. Vaincre ne compte pas pour le chevalier, ce qui compte c’est de combattre, de bien combattre. En revanche, pour le soldat allemand, la maniĂšre importe peu, seule la victoire compte, qu’elle se fasse dans l’honneur ou le dĂ©shonneur concepts Ă©trangers Ă  cette race de la guerre ». Il y a une race de la guerre oĂč une victoire dĂ©shonorante, par exemple une victoire par trahison, est infiniment pire, et l’idĂ©e mĂȘme en est insupportable, qu’une dĂ©faite honorable, c’est-Ă -dire une dĂ©faite subie, et je dirai obtenue en un combat loyal », affirme PĂ©guy. Chevalier et samouraĂŻ Ces deux systĂšmes de guerre s’inscrivent dans une tradition Ă  la fois temporelle et spirituelle. Pour nous modernes, chez nous l’un est celtique et l’autre est romain. L’un est fĂ©odal et l’autre est d’empire. L’un est chrĂ©tien et l’autre est romain. Les Français ont excellĂ© dans l’un et les Allemands ont quelquefois rĂ©ussi dans l’autre et les Japonais paraissent avoir excellĂ© dans l’un et rĂ©ussi dans l’autre », note-t-il. Le chevalier, comme le samouraĂŻ, est une incarnation temporelle du spirituel. Leur sacrifice Ă©ventuel est une preuve du primat en eux du spirituel sur le temporel. Le soldat allemand en revanche, parce qu’il recherche la domination, est prĂȘt Ă  sacrifier du spirituel pour du temporel, des valeurs, pour la victoire. Cette rĂ©fĂ©rence au soldat japonais nous ramĂšne Ă  un autre texte de PĂ©guy, Par ce demi-clair matin, publiĂ© aprĂšs la crise de Tanger en 1905. PĂ©guy revient sur le sentiment d’assurance qui caractĂ©rise la nation française avant la dĂ©faite de 1870, un sentiment qui peut se rĂ©sumer ainsi [
] la France est naturellement et historiquement invincible ; le Français est imbattable ; le Français est le premier soldat du monde tout le monde le sait. » Dans Leur Patrie, Gustave HervĂ©, dont l’antimilitarisme insupporte PĂ©guy, se moque de cette assurance [
] il suffit de connaĂźtre l’histoire militaire du peuple français pour constater qu’il n’en est peut-ĂȘtre pas un seul en Europe qui compte Ă  son actif tant de dĂ©faites mĂ©morables, anciennes ou rĂ©centes », Ă©crit-il. Ce Ă  quoi PĂ©guy rĂ©pond [
] et il est sans doute encore plus vrai que le Français dans les temps modernes est le premier soldat du monde ; car on peut trĂšs bien ĂȘtre le premier peuple militaire du monde, et ĂȘtre battu, comme on peut trĂšs bien ĂȘtre le premier soldat du monde et ĂȘtre battu. » un samouraĂŻ Le seul soldat comparable au soldat français est le soldat japonais. L’équivalent japonais du chevalier courtois est le samouraĂŻ. Le mĂȘme sens de l’honneur anime ces deux figures du combattant. Le chevalier est un samouraĂŻ d’occident, comme le samouraĂŻ est un chevalier d’orient. Ces deux soldats ont le duel comme modĂšle, ce qui n’est pas le cas du soldat allemand. Le soldat allemand est puissant dans le mesure oĂč il est une des parties de l’armĂ©e. En tant qu’individu, il n’a pas la mĂȘme valeur que le soldat français ou japonais. L’Allemagne a une grande armĂ©e, mais n’a pas de grands soldats. La France et le Japon ont une grande armĂ©e et de grands soldats. [
] quand nous nous demandons si la France a encore la premiĂšre armĂ©e du monde, Ă  quel terme de comparaison pensons-nous ? nous pensons immĂ©diatement Ă  une autre puissance, Ă  une autre armĂ©e, Ă  l’armĂ©e allemande [
] de savoir si la France est ou n’est pas encore le premier peuple militaire du monde, si le Français, particuliĂšrement, est ou n’est pas encore le premier soldat du monde, Ă  quel terme de comparaison pensons-nous ? pensons-nous encore au peuple allemand, au soldat allemand ? non ; nous pensons immĂ©diatement au peuple japonais, au soldat japonais [
] » Le sacrifice du lieutenant PĂ©guy le consacre dĂ©finitivement chevalier, le consacre dĂ©finitivement samouraĂŻ. Par sa conduite exemplaire sur le champ de bataille, il a prouvĂ© qu’il n’était pas un patriote livresque, mais un patriote authentique. Le 17 septembre 1914, dans L’Écho de Paris, Maurice BarrĂšs lui consacre un article visionnaire Nous sommes fiers de notre ami. Il est tombĂ© les armes Ă  la main, face Ă  l’ennemi, le lieutenant de ligne Charles PĂ©guy. Le voilĂ  entrĂ© parmi les hĂ©ros de la pensĂ©e française. Son sacrifice multiplie la valeur de son Ɠuvre. Il cĂ©lĂ©brait la grandeur morale, l’abnĂ©gation, l’exaltation de l’ñme. Il lui a Ă©tĂ© donnĂ© de prouver en une minute la vĂ©ritĂ© de son Ɠuvre. Le voilĂ  sacrĂ©. Ce mort est un guide, ce mort continuera plus que jamais d’agir, ce mort plus qu’aucun est aujourd’hui vivant. »
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 »Ainsi figure-t-il parmi les hĂ©ros de la pensĂ©e française ! Le voilĂ  sacrĂ©. Ce mort est un guide, ce mort continuera plus que jamais d’agir, ce mort plus qu’aucun est aujourd’hui vivant », s’exclame son ennemi politique Maurice Daudin, prĂ©sidente de l’association des Amis de Charles PĂ©guy, tempĂšre la vision hĂ©roĂŻque de l’homme sacrifiĂ© "Il est mort Ă  la guerre comme des millions de soldats de part et d’autre, dans un massacre absurde. C’est une tragĂ©die pour lui comme pour tous les autres. "Cent ans aprĂšs, pourquoi PĂ©guy ? Parce que l’homme de son temps mort au champ d’honneur Ă©tait un visionnaire il a encore tant Ă  nous dire. Un homme libre PĂ©guy est mort avant d’ĂȘtre cĂ©lĂšbre », rappelle encore Claire Daudin ƒuvres poĂ©tiques et dramatiques, Charles PĂ©guy, sous la direction de Claire Daudin, La PlĂ©iade/Gallimard, sortie le 18 septembre 2014, 1 888 p. ; 67,50 €.Son passage Ă  la postĂ©ritĂ© a connu, d’ailleurs, des hauts et des bas. Notamment parce qu’une bonne partie de son Ɠuvre n’a Ă©tĂ© publiĂ©e qu’aprĂšs sa mort, grĂące au travail constant de sa famille. Tout au long du XXe siĂšcle, sa pensĂ©e a Ă©tĂ© malmenĂ©e et les tentatives de rĂ©cupĂ©ration furent nombreuses », confie Olivier PĂ©guy, arriĂšre-petit-fils de l’écrivain. Socialiste ? Traditionaliste ? Nationaliste ? AthĂ©e ou catholique ? Trop souvent, une lecture parcellaire permet de tirer PĂ©guy Ă  faut reprendre l’ensemble de l’Ɠuvre pour sortir des catĂ©gories un penseur inclassable et suffisamment complexe pour dĂ©router "L’homme n’est pas linĂ©aire, poursuit son descendant. Il faut plonger dans son Ɠuvre, se laisser bousculer, et les portes s’ouvrent, une Ă  une. "Charles PĂ©guy est nĂ© le 7 janvier 1873, Ă  OrlĂ©ans son pĂšre meurt quelques mois plus tard, et l’enfant grandit entre sa mĂšre, rempailleuse de chaises, et sa condition modeste qui ne l’empĂȘche pas de suivre une scolaritĂ© brillante, bientĂŽt poussĂ© vers Normale sup’. En 1891, l’étudiant dĂ©couvre Paris, se passionne pour les lettres, la philosophie, s’enflamme pour les idĂ©es politiques, Ă©pouse le socialisme naissant
Et dĂ©fend Dreyfus. C’est avec fougue que l’étudiant s’engage dans le combat socialiste, proche de JaurĂšs, militant sans relĂąche jusqu’à ce que le parti » s’ de question, pour PĂ©guy, de confesser un catĂ©chisme qui sacrifie les idĂ©es Ă  la discipline communautaire. S’il a paru souvent changer d’avis, de parti, de religion, PĂ©guy est pourtant l’homme de la fidĂ©litĂ©. FidĂ©litĂ© Ă  la libertĂ©. LibertĂ© de penser, libertĂ© de conscience, libertĂ© de croire. Un chrĂ©tien subversif En 1899, le congrĂšs socialiste admet le principe de la censure dans les journaux du Parti
 PĂ©guy ne le supporte pas Nous marcherons contre vous de toutes nos forces » lance-t-il Ă  ses anciens homme entier donc, qui se retrouve seul. En janvier 1900, il crĂ©e Les cahiers de la Quinzaine , une revue qu’il a tenue Ă  bout de bras, pendant quatorze annĂ©es, fournissant lui-mĂȘme la majeure partie du critique, notamment, les dĂ©rives totalitaires, commente sans concession l’actualitĂ© politique, la puissance de l’argent, les compromissions. Sa ligne Ă©ditoriale est nette "Dire la vĂ©ritĂ©, toute la vĂ©ritĂ©, rien que la vĂ©ritĂ©, dire bĂȘtement la vĂ©ritĂ© bĂȘte, ennuyeusement la vĂ©ritĂ© ennuyeuse, tristement la vĂ©ritĂ© triste. "PĂ©guy travaille beaucoup, Ă©crit sans arrĂȘt
 Essais polĂ©miques mais aussi poĂ©sie, articles, prose. Il dĂ©nonce le monde moderne Son travail, c’est prĂ©cisĂ©ment de dĂ©ranger, voire de mĂ©contenter, d’ouvrir le dĂ©bat et non pas d’aller dans une direction donnĂ©e », rappelle Claire penseur dĂ©route, et il sait bien qu’il n’est pas toujours audible Un fatras vivant vaut mieux qu’un ordre mort. »Face au monde politique, PĂ©guy ne cache pas sa dĂ©sillusion Il est une sentinelle qui rappelle Ă  la sociĂ©tĂ© les promesses oubliĂ©es, analyse l’écrivain Emmanuel Godo l’intellectuel doit rappeler l’idĂ©al, le feu sacrĂ©, sans lequel il n’y a pas de sociĂ©tĂ© humaine » Pourquoi nous battons-nous ? Les Ă©crivains face Ă  leur guerre, Emmanuel Godo, Cerf, 2014, 384 p. ; 24 €..Et voilĂ  que, dans cette tension intellectuelle, PĂ©guy se rĂ©vĂšle croyant. Ce n’est pas vĂ©ritablement une conversion, plutĂŽt une conviction, une Ă©vidence qui le cueille en 1908 Dieu, qui propose son alliance dĂšs l’Ancien Testament, ne s’impose pas. Dieu ne demande pas la soumission, mais une adhĂ©sion fils d’OrlĂ©ans s’attache Ă  la figure tutĂ©laire de Jeanne d’Arc qui n’est pas encore politisĂ©e. En elle, il trouve un modĂšle d’engagement et de contradiction aussi PĂ©guy pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un catholique anticlĂ©rical » dont la foi dĂ©poussiĂšre la religiositĂ© confinĂ©e et ouvre grandes les maniĂšre, peut-ĂȘtre, de dĂ©finir une thĂ©ologie de la libertĂ© » qui n’est pas moins exigeante que l’ordre Ă©tabli. Une pensĂ©e qu’on retrouvera chez Emmanuel Mounier ou le protestant Jacques Ellul, avec son livre La subversion du christianisme de Jacques Ellul, La Table ronde, 2004, 324 p. ; 8,70 €. Si PĂ©guy Ă©tait bouleversĂ© par l’art chrĂ©tien – Chartres et sa cathĂ©drale ! –, sa foi le renvoie au plus concret de l’existence Le spirituel est constamment couchĂ© dans le lit de camp du temporel », souligne ce croyant fervent et idĂ©aliste. Un gĂ©nie Ă  dĂ©couvrir Pour lui, la foi est un tel feu qu’elle ne peut se contenter de demi-mesure, et qu’elle dĂ©borde toute institution, prĂ©cise Emmanuel Godo, qui ajoute PĂ©guy est un paysan cĂ©leste, la langue se laboure, se travaille Ă  partir du rĂ©el, de l’incarnation. »â–ș Son. Adieu Ă  la Meuse, de Charles PĂ©guy. Car cette pensĂ©e de haute volĂ©e se conjugue Ă  un gĂ©nie de la langue. Une langue, un style, qui nĂ©cessitent un peu d’investissement pour ĂȘtre compris PĂ©guy n’est pas l’adepte moderne du mot d’esprit ou de la formule Ă  l’ pourtant, il est rĂ©solument contemporain comment sa recherche d’absolu ne serait-elle pas Ă  l’unisson avec la quĂȘte moderne de sens ? Cent ans aprĂšs sa mort, Charles PĂ©guy me donne des nouvelles “de son cƓur et de son Ăąme” et m’apparaĂźt comme un prophĂšte dont les Ɠuvres parlent Ă  notre temps », Ă©crit Michael Lonsdale PĂ©guy, entre ciel et terre, Michael Lonsdale, Éd. Cerf, 2014, 213 p.; 19 €.Sorti des programmes scolaires, PĂ©guy connaĂźt malgrĂ© tout un petit cercle d’inconditionnels, eux-mĂȘmes souvent inclassables le politique François Bayrou, le journaliste Jacques Julliard, le philosophe Alain Finkielkraut, l’écrivain Yann Moix
En 2014, il reste un insurgĂ© visionnaire. Un libertaire ordonnĂ©. Un indispensable compagnon de route. Un lanceur d’alerte. Un vigilant rĂ©publicain. Un socialiste franciscain. Un chrĂ©tien de la citĂ© harmonieuse », Ă©crit Damien Le Guay Les hĂ©ritiers PĂ©guy, Éd. Bayard, Damien Le Guay, 2014, 356 p. ; 19,90 €.On en revient Ă  la libertĂ© de pensĂ©e, mĂȘme penser contre soi-mĂȘme », et croire en dehors des sentiers battus des pieuses habitudes. S’il est aujourd’hui si souvent invoquĂ©, c’est sans doute parce que c’est un homme libre, un homme qui ne s’économise pas, un homme consumĂ© par ses idĂ©es et qui meurt au front.
AttribuĂ©eĂ  tort Ă  Charles PĂ©guy, d’aprĂšs un texte de Saint Augustin, voici la version originale de ce texte enterrement inspirant. Voici la version originale en anglais La mort n’est rien. Je suis
ï»żLa mort n’est rien, je suis simplement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi, vous ĂȘtes vous. Ce que nous Ă©tions les uns pour les autres, Nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donnĂ©, Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait, N’employez pas un ton solennel ou triste, Continuez Ă  rire de ce qui nous faisait rire ensemble, Priez, souriez, pensez Ă  moi, Que mon nom soit prononcĂ© comme il l’a toujours Ă©tĂ©, Sans emphase d’aucune sorte, sans trace d’ombre, La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifiĂ©, Elle est ce qu’elle a toujours Ă©tĂ©. Le fil n’est pas coupĂ©, Simplement parce que je suis hors de votre vue. Je vous attends. Je ne suis pas loin. Juste de l’autre cĂŽtĂ© du chemin. Vous voyez tout est bien. [Charles PĂ©guy] ï»żLivresReligion 24 septembre 2017 1 L’enfer selon Charles PĂ©guy. L’enfer selon Charles PĂ©guy. Dans « le mystĂšre de la CharitĂ© de Jeanne d’Arc » (1910), Charles PĂ©guy exprime l’horreur que lui inspire l’idĂ©e d’enfer et de damnation. J’ai eu envie de lire ce texte aprĂšs avoir vu le film « Jeannette, l’enfance de Jeanne d Étoile de la mer voici la lourde nappe Et la profonde houle et l’ocĂ©an des blĂ©s Et la mouvante Ă©cume et nos greniers comblĂ©s, Voici votre regard sur cette immense chape Et voici votre voix sur cette lourde plaine Et nos amis absents et nos cƓurs dĂ©peuplĂ©s, Voici le long de nous nos poings dĂ©sassemblĂ©s Et notre lassitude et notre force pleine. Étoile du matin, inaccessible reine, Voici que nous marchons vers votre illustre cour, Et voici le plateau de notre pauvre amour, Et voici l’ocĂ©an de notre immense peine. Un sanglot rĂŽde et court par-delĂ  l’horizon. À peine quelques toits font comme un archipel. Du vieux clocher retombe une sorte d’appel. L’épaisse Ă©glise semble une basse maison. Ainsi nous naviguons vers votre cathĂ©drale. De loin en loin surnage un chapelet de meules, Rondes comme des tours, opulentes et seules Comme un rang de chĂąteaux sur la barque amirale. Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre Un rĂ©servoir sans fin pour les Ăąges nouveaux. Mille ans de votre grĂące on fait de ces travaux Un reposoir sans fin pour l’ñme solitaire. Vous nous voyez marcher sur cette route droite, Tout poudreux, tout crottĂ©s, la pluie entre les dents. Sur ce large Ă©ventail ouvert Ă  tous les vents La route nationale est notre porte Ă©troite. Nous allons devant nous, les mains le long des poches, Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours, D’un pas toujours Ă©gal, sans hĂąte ni recours, Des champs les plus prĂ©sents vers les champs les plus proches. Vous nous voyez marcher, nous sommes la piĂ©taille. Nous n’avançons jamais que d’un pas Ă  la fois. Mais vingt siĂšcles de peuple et vingt siĂšcles de rois, Et toute leur sĂ©quelle et toute leur volaille Et leurs chapeaux Ă  plume avec leur valetaille Ont appris ce que c’est que d’ĂȘtre familiers, Et comme on peut marcher, les pieds dans ses souliers, Vers un dernier carrĂ© le soir d’une bataille. Nous sommes nĂ©s pour vous au bord de ce plateau, Dans le recourbement de notre blonde Loire, Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloire N’est lĂ  que pour baiser votre auguste manteau. Nous sommes nĂ©s au bord de ce vaste plateau, Dans l’antique OrlĂ©ans sĂ©vĂšre et sĂ©rieuse, Et la Loire coulante et souvent limoneuse N’est lĂ  que pour laver les pieds de ce coteau. Nous sommes nĂ©s au bord de votre plate Beauce Et nous avons connu dĂšs nos plus jeunes ans Le portail de la ferme et les durs paysans Et l’enclos dans le bourg et la bĂȘche et la fosse. Nous sommes nĂ©s au bord de votre Beauce plate Et nous avons connu dĂšs nos premiers regrets Ce que peut recĂ©ler de dĂ©sespoirs secrets Un soleil qui descend dans un ciel Ă©carlate Et qui se couche au ras d’un sol inĂ©vitable Dur comme une justice, Ă©gal comme une barre, Juste comme une loi, fermĂ© comme une mare, Ouvert comme un beau socle et plan comme une table. Un homme de chez nous, de la glĂšbe fĂ©conde A fait jaillir ici d’un seul enlĂšvement, Et d’une seule source et d’un seul portement, Vers votre assomption la flĂšche unique au monde. Tour de David voici votre tour beauceronne. C’est l’épi le plus dur qui soit jamais montĂ© Vers un ciel de clĂ©mence et de sĂ©rĂ©nitĂ©, Et le plus beau fleuron dedans votre couronne. Un homme de chez nous a fait ici jaillir, Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix, Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois, La flĂšche irrĂ©prochable et qui ne peut faillir. C’est la gerbe et le blĂ© qui ne pĂ©rira point, Qui ne fanera point au soleil de septembre, Qui ne gĂšlera point aux rigueurs de dĂ©cembre, C’est votre serviteur et c’est votre tĂ©moin. C’est la tige et le blĂ© qui ne pourrira pas, Qui ne flĂ©trira point aux ardeurs de l’étĂ©, Qui ne moisira point dans un hiver gĂątĂ©, Qui ne transira point dans le commun trĂ©pas. C’est la pierre sans tache et la pierre sans faute, La plus haute oraison qu’on ait jamais portĂ©e, La plus droite raison qu’on ait jamais jetĂ©e, Et vers un ciel sans bord la ligne la plus haute. Celle qui ne mourra le jour d’aucunes morts, Le gage et le portrait de nos arrachements, L’image et le tracĂ© de nos redressements, La laine et le fuseau des plus modestes sorts. Nous arrivons vers vous du lointain Parisis. Nous avons pour trois jours quittĂ© notre boutique, Et l’archĂ©ologie avec la sĂ©mantique, Et la maigre Sorbonne et ses pauvres petits. D’autres viendront vers vous du lointain Beauvaisis. Nous avons pour trois jours laissĂ© notre nĂ©goce, Et la rumeur gĂ©ante et la ville colosse, D’autres viendront vers vous du lointain CambrĂ©sis. Nous arrivons vers vous de Paris capitale. C’est lĂ  que nous avons notre gouvernement, Et notre temps perdu dans le lanternement, Et notre libertĂ© dĂ©cevante et totale. Nous arrivons vers vous de l’autre Notre-Dame, De celle qui s’élĂšve au cƓur de la citĂ©, Dans sa royale robe et dans sa majestĂ©, Dans sa magnificence et sa justesse d’ñme. Comme vous commandez un ocĂ©an d’épis, LĂ -bas vous commandez un ocĂ©an de tĂȘtes, Et la moisson des deuils et la moisson des fĂȘtes Se couche chaque soir devant votre parvis. Nous arrivons vers vous du noble Hurepoix. C’est un commencement de Beauce Ă  notre usage, Des fermes et des champs taillĂ©s Ă  votre image, Mais coupĂ©s plus souvent par des rideaux de bois, Et coupĂ©s plus souvent par de creuses vallĂ©es Pour l’Yvette et la BiĂšvre et leurs accroissements, Et leurs savants dĂ©tours et leurs dĂ©gagements, Et par les beaux chĂąteaux et les longues allĂ©es. D’autres viendront vers vous du noble Vermandois, Et des vallonnements de bouleaux et de saules. D’autres viendront vers vous des palais et des geĂŽles. Et du pays picard et du vert VendĂŽmois. Mais c’est toujours la France, ou petite ou plus grande, Le pays des beaux blĂ©s et des encadrements, Le pays de la grappe et des ruissellements, Le pays de genĂȘts, de bruyĂšre, de lande. Nous arrivons vers vous du lointain Palaiseau Et des faubourgs d’Orsay par Gometz-le-ChĂątel, Autrement dit Saint-Clair ; ce n’est pas un castel ; C’est un village au bord d’une route en biseau. Nous avons dĂ©bouchĂ©, montant de ce coteau, Sur le ras de la plaine et sur Gometz-la-Ville Au-dessus de Saint-Clair ; ce n’est pas une ville ; C’est un village au bord d’une route en plateau. Nous avons descendu la cĂŽte de Limours. Nous avons rencontrĂ© trois ou quatre gendarmes. Ils nous ont regardĂ©, non sans quelques alarmes, Consulter les poteaux aux coins des carrefours. Nous avons pu coucher dans le calme Dourdan. C’est un gros bourg trĂšs riche et qui sent sa province. Fiers nous avons longĂ©, regardĂ©s comme un prince, Les fossĂ©s du chĂąteau coupĂ©s comme un redan. Dans la maison amie, hĂŽtesse et fraternelle On nous a fait coucher dans le lit du garçon. Vingt ans de souvenirs Ă©taient notre Ă©chanson. Le pain nous fut coupĂ© d’une main maternelle. Toute notre jeunesse Ă©tait lĂ  solennelle. On prononça pour nous le BĂ©nĂ©dicitĂ©. Quatre siĂšcles d’honneur et de fidĂ©litĂ© Faisaient des draps du lit une couche Ă©ternelle. Nous avons fait semblant d’ĂȘtre un gai pĂšlerin Et mĂȘme un bon vivant et d’aimer les voyages, Et d’avoir parcouru cent trente-et-un bailliages, Et d’ĂȘtre accoutumĂ©s d’ĂȘtre sur le chemin. La clartĂ© de la lampe Ă©blouissait la nappe. On nous fit visiter le jardin potager. Il donnait sur la treille et sur un beau verger. Tel fut le premier gĂźte et la tĂȘte d’étape. Le jardin Ă©tait clos dans un coude de l’Orge. Vers la droite il donnait sur un mur bocager SurmontĂ© de rameaux et d’un arceau lĂ©ger. En face un marĂ©chal, et l’enclume, et la forge. Nous nous sommes levĂ©s ce matin devant l’aube. Nous nous sommes quittĂ©s aprĂšs les beaux adieux. Le temps s’annonçait bien. On nous a dit tant mieux. On nous a fait goĂ»ter de quelque bƓuf en daube, Puisqu’il est entendu que le bon pĂšlerin Est celui qui boit ferme et tient sa place Ă  table, Et qu’il n’a pas besoin de faire le comptable, Et que c’est bien assez de se lever matin. Le jour Ă©tait en route et le soleil montait Quand nous avons passĂ© Sainte-Mesme et les autres. Nous avancions dĂ©jĂ  comme deux bons apĂŽtres. Et la gauche et la droite Ă©tait ce qui comptait. Nous sommes remontĂ©s par le GuĂ© de Longroy. C’en est fait dĂ©sormais de nos atermoiements, Et de l’iniquitĂ© des dĂ©nivellements Voici la juste plaine et le secret effroi De nous trouver tout seuls et voici le charroi Et la roue et les bƓufs et le joug et la grange, Et la poussiĂšre Ă©gale et l’équitable fange Et la dĂ©tresse Ă©gale et l’égal dĂ©sarroi. Nous voici parvenus sur la haute terrasse OĂč rien ne cache plus l’homme de devant Dieu, OĂč nul dĂ©guisement ni du temps ni du lieu Ne pourra nous sauver, Seigneur, de votre chasse. Voici la gerbe immense et l’immense liasse, Et le grain sous la meule et nos Ă©crasements, Et la grĂȘle javelle et nos renoncements, Et l’immense horizon que le regard embrasse. Et notre indignitĂ© cette immuable masse, Et notre basse peur en un pareil moment, Et la juste terreur et le secret tourment De nous trouver tout seuls par devant votre face. Mais voici que c’est vous, reine de majestĂ©, Comment avons-nous pu nous laisser dĂ©cevoir, Et marcher devant vous sans vous apercevoir. Nous serons donc toujours ce peuple inconcertĂ©. Ce pays est plus ras que la plus rase table. À peine un creux du sol, Ă  peine un lĂ©ger pli. C’est la table du juge et le fait accompli, Et l’arrĂȘt sans appel et l’ordre inĂ©luctable. Et c’est le prononcĂ© du texte insurmontable, Et la mesure comble et c’est le sort empli, Et c’est la vie Ă©tale et l’homme enseveli, Et c’est le hĂ©raut d’arme et le sceau redoutable. Mais vous apparaissez, reine mystĂ©rieuse. Cette pointe lĂ -bas dans le moutonnement Des moissons et des bois et dans le flottement De l’extrĂȘme horizon ce n’est point une yeuse, Ni le profil connu d’un arbre interchangeable. C’est dĂ©jĂ  plus distante, et plus basse, et plus haute, Ferme comme un espoir sur la derniĂšre cĂŽte, Sur le dernier coteau la flĂšche inimitable. D’ici vers vous, ĂŽ reine, il n’est plus que la route. Celle-ci nous regarde, on en a bien fait d’autres. Vous avez votre gloire et nous avons les nĂŽtres. Nous l’avons entamĂ©e, on la mangera toute. Nous savons ce que c’est qu’un tronçon qui s’ajoute Au tronçon dĂ©jĂ  fait et ce qu’un kilomĂštre Demande de jarret et ce qu’il faut en mettre Nous passerons ce soir par le pont et la voĂ»te Et ce fossĂ© profond qui cerne le rempart. Nous marchons dans le vent coupĂ©s par les autos. C’est ici la contrĂ©e imprenable en photos, La route nue et grave allant de part en part. Nous avons eu bon vent de partir dĂšs le jour. Nous coucherons ce soir Ă  deux pas de chez vous, Dans cette vieille auberge oĂč pour quarante sous Nous dormirons tout prĂšs de votre illustre tour. Nous serons si fourbus que nous regarderons, Assis sur une chaise auprĂšs de la fenĂȘtre, Dans un Ă©crasement du corps et de tout l’ĂȘtre, Avec des yeux battus, presque avec des yeux ronds, Et les sourcils haussĂ©s jusque dedans nos fronts, L’angle une fois trouvĂ© par un seul homme au monde, Et l’unique montĂ©e ascendante et profonde, Et nous serons recrus et nous contemplerons. Voici l’axe et la ligne et la gĂ©ante fleur. Voici la dure pente et le contentement. Voici l’exactitude et le consentement. Et la sĂ©vĂšre larme, ĂŽ reine de douleur. Voici la nuditĂ©, le reste est vĂȘtement. Voici le vĂȘtement, tout le reste est parure. Voici la puretĂ©, tout le reste est souillure. Voici la pauvretĂ©, le reste est ornement. Voici la seule force et le reste est faiblesse. Voici l’arĂȘte unique et le reste est bavure. Et la seule noblesse et le reste est ordure. Et la seule grandeur et le reste est bassesse. Voici la seule foi qui ne soit point parjure. Voici le seul Ă©lan qui sache un peu monter. Voici le seul instant qui vaille de compter. Voici le seul propos qui s’achĂšve et qui dure. Voici le monument, tout le reste est doublure. Et voici notre amour et notre entendement. Et notre port de tĂȘte et notre apaisement. Et le rien de dentelle et l’exacte moulure. Voici le beau serment, le reste est forfaiture. Voici l’unique prix de nos arrachements, Le salaire payĂ© de nos retranchements. Voici la vĂ©ritĂ©, le reste est imposture. Voici le firmament, le reste est procĂ©dure. Et vers le tribunal voici l’ajustement. Et vers le paradis voici l’achĂšvement. Et la feuille de pierre et l’exacte nervure. Nous resterons clouĂ©s sur la chaise de paille. Et nous n’entendrons pas et nous ne verrons pas Le tumulte des voix, le tumulte des pas, Et dans la salle en bas l’innocente ripaille. Ni les rouliers venus pour le jour du marchĂ©. Ni la feinte colĂšre et l’éclat des jurons Car nous contemplerons et nous mĂ©diterons D’un seul embrassement la flĂšche sans pĂ©chĂ©. Nous ne sentirons pas ni nos faces raidies, Ni la faim ni la soif ni nos renoncements, Ni nos raides genoux ni nos raisonnements, Ni dans nos pantalons nos jambes engourdies. Perdus dans cette chambre et parmi tant d’hĂŽtels, Nous ne descendrons pas Ă  l’heure du repas, Et nous n’entendrons pas et nous ne verrons pas La ville prosternĂ©e au pied de vos autels. Et quand se lĂšvera le soleil de demain, Nous nous rĂ©veillerons dans une aube lustrale, À l’ombre des deux bras de votre cathĂ©drale, Heureux et malheureux et perclus du chemin. Nous venons vous prier pour ce pauvre garçon Qui mourut comme un sot au cours de cette annĂ©e, Presque dans la semaine et devers la journĂ©e OĂč votre fils naquit dans la paille et le son. Ô Vierge, il n’était pas le pire du troupeau. Il n’avait qu’un dĂ©faut dans sa jeune cuirasse. Mais la mort qui nous piste et nous suit Ă  la trace A passĂ© par ce trou qu’il s’est fait dans la peau. Il Ă©tait nĂ© vers nous dans notre GĂątinais. Il commençait la route oĂč nous redescendons. Il gagnait tous les jours tout ce que nous perdons. Et pourtant c’était lui que tu te destinais, Ô mort qui fus vaincue en un premier caveau. Il avait mis ses pas dans nos mĂȘmes empreintes. Mais le seul manquement d’une seule des craintes Laissa passer la mort par un chemin nouveau. Le voici maintenant dedans votre rĂ©gence. Vous ĂȘtes reine et mĂšre et saurez le montrer. C’était un ĂȘtre pur. Vous le ferez rentrer Dans votre patronage et dans votre indulgence. Ô reine qui lisez dans le secret du cƓur, Vous savez ce que c’est que la vie ou la mort, Et vous savez ainsi dans quel secret du sort Se coud et se dĂ©coud la ruse du traqueur. Et vous savez ainsi sur quel accent du chƓur Se noue et se dĂ©noue un accompagnement, Et ce qu’il faut d’espace et de dĂ©boisement Pour laisser dĂ©bouler la meute du piqueur. Et vous savez ainsi dans quel recreux du port Se prĂ©pare et s’achĂšve un noble enlĂšvement, Et par quel jeu d’adresse et de gouvernement Se dĂ©robe ou se fixe un illustre support. Et vous savez ainsi sur quel tranchant du glaive Se joue et se dĂ©joue un Ă©pouvantement, Et par quel coup de pouce et quel balancement L’un des plateaux descend pour que l’autre s’élĂšve. Et ce que peut coĂ»ter la lĂšvre du moqueur, Et ce qu’il faut de force et de recroisement Pour faire par le coup d’un seul retournement D’un vaincu malheureux un malheureux vainqueur. MĂšre le voici donc, il Ă©tait notre race, Et vingt ans aprĂšs nous notre redoublement. Reine recevez-le dans votre amendement. OĂč la mort a passĂ©, passera bien la grĂące. Nous, nous retournerons par ce mĂȘme chemin. Ce sera de nouveau la terre sans cachette, Le chĂąteau sans un coin et sans une oubliette, Et ce sol mieux gravĂ© qu’un parfait parchemin. Et nunc et in hora, nous vous prions pour nous Qui sommes plus grands sots que ce pauvre gamin, Et sans doute moins purs et moins dans votre main, Et moins acheminĂ©s vers vos sacrĂ©s genoux. Quand nous aurons jouĂ© nos derniers personnages, Quand nous aurons posĂ© la cape et le manteau, Quand nous aurons jetĂ© le masque et le couteau, Veuillez vous rappeler nos longs pĂšlerinages. Quand nous retournerons en cette froide terre, Ainsi qu’il fut prescrit pour le premier Adam, Reine de Saint-ChĂ©ron, Saint-Arnould et Dourdan, Veuillez vous rappeler ce chemin solitaire. Quand on nous aura mis dans une Ă©troite fosse, Quand on aura sur nous dit l’absoute et la messe, Veuillez vous rappeler, reine de la promesse, Le long cheminement que nous faisons en Beauce. Quand nous aurons quittĂ© ce sac et cette corde, Quand nous aurons tremblĂ© nos derniers tremblements, Quand nous aurons raclĂ© nos derniers raclements, Veuillez vous rappelez votre misĂ©ricorde. Nous ne demandons rien, refuge du pĂ©cheur, Que la derniĂšre place en votre Purgatoire, Pour pleurer longuement notre tragique histoire, Et contempler de loin votre jeune splendeur. 1913 BYosUg.
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  • charles peguy la mort n est rien